La France, le pays qui regarde plus ses aînés que ses jeunes

Tout un symbole. En quelques jours, la France est passée du statut de plus jeune Premier ministre du V^et De la République, Gabriel Attal, 35 ans, au plus âgé, Michel Barnier, 73 ans. Au-delà du jeu politique, ce changement prend un sens particulier, à l’heure où notre pays traverse tranquillement une profonde mutation : il vieillit. Et vite. Preuve, s’il en était besoin, les centenaires, exceptionnels il y a trente ans, sont aujourd’hui presque monnaie courante : ils sont environ 30 000 en France, trente fois plus que dans les années 1960-1975. En 2070, ils seront près de 200 000, selon les projections de l’Institut national d’études démographiques (INED).

Dans un monde qui devient gris, la France ne fait pas exception. Le 1^euh En janvier 2024, plus d’un habitant sur cinq (21,5%), soit 14,7 millions de personnes, avait plus de 65 ans. Une proportion en augmentation depuis plus de trente ans, indique l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), dans le rapport démographique publié le 16 janvier. Ce vieillissement s’accélère depuis le milieu des années 2010, les générations du baby-boom, particulièrement nombreuses, passant la barre des soixante ans. D’ici 2070, les plus de 65 ans représenteront 29% de la population, contre moins de 13% en 1970.

Dans le même temps, la natalité baisse. En 2023, la France a enregistré 678 000 naissances, soit 20 % de moins qu’en 2010. Proportionnellement, il y a donc plus de personnes âgées. Et l’augmentation de la longévité déforme encore davantage la pyramide des âges vers le haut. En 2010, à la naissance, un petit garçon avait une espérance de vie de 78 ans, une fille, 84,6 ans. En 2023, le premier a gagné deux ans d’espérance de vie, la seconde un peu plus d’un an. Les progrès médicaux ont aussi amélioré la possibilité de vivre en bonne santé jusqu’à un âge avancé : une femme de 65 ans a désormais une « espérance de vie sans incapacité » de 12,6 ans, un homme de 11,3 ans.

Si nous pouvons collectivement nous réjouir de vivre de plus en plus longtemps, cette transformation profonde est lourde de conséquences sociales et économiques. En effet, un pays plus vieux génère structurellement moins de croissance, car la consommation a tendance à diminuer avec l’âge. Et plus d’épargne, au détriment de l’investissement. La productivité, carburant de la croissance, a tendance à augmenter jusqu’à 50-55 ans, puis à diminuer ensuite.

Si le lien entre âge et innovation est difficile à établir clairement, des études publiées aux États-Unis suggèrent que les entreprises innovent davantage dans les régions où la population active est plus jeune. À l’inverse, celles de Yunus Aksoy et Tobias Grasl montrent que le nombre de brevets déposés est moindre lorsque l’âge des travailleurs augmente. L’âge avancé des patrons de PME françaises (23 % ont plus de 60 ans, selon l’Insee) n’arrange pas les choses. Empêtrés dans la recherche d’un repreneur, beaucoup ont peu de temps pour se concentrer sur les innovations qui permettront à leur entreprise de conquérir les marchés de demain.

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