Categories: Actualités locales

« La gauche doit s’affranchir de la tutelle de Mélenchon »


SLa ville figurait parmi les trois communes françaises qui ont le plus contribué au front républicain lors des législatives. Un éclair rose dans un département où le Rassemblement national a réalisé une percée historique, en battant deux députés sortants LFI. Pour autant, le maire de Nancy ne fanfaronne pas. « On continue à danser au bord d’un volcan », prévient Mathieu Klein, qui attend du nouveau gouvernement qu’il s’attaque aux urgences : services publics, santé, fiscalité. Dans ce domaine, l’édile se dit « scandalisé », comme la plupart de ses homologues, par les propos de Bruno Le Maire qui accuse les collectivités locales d’accroître le déficit public de 16 milliards d’euros, quand « le gouvernement est incapable de maintenir sa trajectoire financière ». Visiblement en colère qu’Emmanuel Macron – « devenu René Coty » – n’ait pas nommé un Premier ministre issu de la gauche, ce socialiste, qui a soutenu le Nupes en 2022, appelle désormais son camp à « s’affranchir de la tutelle de Jean-Luc Mélenchon ». Sans renier l’union qu’il juge nécessaire…

La newsletter politique

Tous les jeudis à 7h30

Recevez en avant-première les informations et analyses politiques de la rédaction du Point.

MERCI !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l’adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d’utilisation et notre politique de confidentialité.

Le Point : Comment abordez-vous la dernière partie de votre mandat ?

Mathieu Klein : Très sereinement. Impossible d’échapper à quiconque se promène à Nancy que la ville est en travaux ! Les promesses ont été tenues, puisque j’avais dit que 2023 et 2024 seraient des années de travaux. Nous avons achevé la première partie de la piétonnisation, pour le plus grand plaisir de ceux qui s’y promènent, malgré les critiques qui se sont exprimées comme à chaque fois qu’un grand projet de cette nature est lancé. La prochaine grande étape est la construction de la ligne 1 de trolleybus. Nous prévoyons une fin des travaux en décembre et une mise en service qui n’est pas encore datée, mais qui devrait intervenir au cours du premier trimestre 2025.

Ce n’est pas encore daté, même si c’est déjà tard…

Non, le seul retard est la livraison des premiers chariots, en raison des conséquences de la guerre en Ukraine, car le fabricant Hess a dû déménager son usine de Biélorussie au Portugal. Mais les travaux avancent au rythme prévu.

Cette rentrée scolaire est également marquée par la fermeture de dix classes…

Nancy paie cette année le plus lourd tribut du département. Je ne partage pas cette vision comptable. J’ai annulé la décision de mon prédécesseur de fermer les écoles Beauregard et Didion, car il n’est pas question que l’école publique quitte les quartiers populaires. Il faut au contraire la rénover. C’est ce que nous allons faire avec l’école Beauregard. Il n’est pas non plus question que l’école publique quitte l’hypercentre, au risque de n’avoir plus qu’une offre privée, déjà dense. Nous allons donc, dans le cadre de la transformation de Nancy Centre Gare, construire un nouveau groupe scolaire qui remplacera à terme l’école Didion, l’école Raugraff et une partie des crèches Clodion et Osiris.

Ces fermetures de classes ne reflètent-elles pas une baisse de l’attractivité de la ville ?

Il n’y a pas de déclin démographique. Nous sommes toujours stables, voire en légère augmentation dans le centre. En revanche, il faut augmenter l’offre de logements pour les familles et les travailleurs. Nancy ne doit pas devenir une ville d’étudiants et de personnes âgées. Nous travaillons avec les promoteurs pour que l’accent soit mis sur la création de logements familiaux. C’est le cas pour le projet entre la porte de la Craffe et la porte de la Citadelle. J’ai demandé à l’État de transférer l’ancien rectorat et la porte de la Citadelle à Batigère pour créer 90 logements familiaux ainsi qu’une nouvelle crèche. Il y a des programmes de cette nature partout dans la ville. Si je ne veux pas que les écoles ferment, c’est que je fais le pari que ces projets attireront les familles et qu’il y aura besoin d’établissements pour répondre à leurs besoins.

Vous dites envisager l’avenir avec confiance, mais vous avez augmenté la taxe foncière de 14,5%, alors que vous aviez promis de ne pas toucher aux taux d’imposition…

J’ai tenu trois ans, mais la guerre en Ukraine et la crise énergétique m’ont empêché de tenir une quatrième année. Nous avons adopté un plan de sobriété énergétique et limité les nouvelles dépenses de fonctionnement au minimum, c’était la dernière option. J’ai choisi d’investir même si la situation financière initiale n’était pas bonne, car notre métropole est lourdement endettée. Rester sur les bras n’était de toute façon pas possible puisque la ligne 1 était vouée à l’arrêt, faute d’autorisation de circulation à partir de mars 2023. Et je n’ai pas l’intention de renoncer à aucun moment aux projets. Si je ne suis pas capable d’inscrire Nancy dans une histoire de transformation écologique, solidaire et attractive, je n’y ai plus rien à faire. Mais je ne reprendrai aucun engagement sur les impôts, car les circonstances sont aujourd’hui trop instables et les ressources des collectivités sont réduites à néant. La seule chose que nous pouvons faire pour générer des recettes, c’est la taxe foncière, en dehors des économies que l’on peut faire. Ce qui pose une question d’équité, car il n’y a aucune raison pour que seuls les propriétaires contribuent aux besoins de la collectivité. La suppression de la taxe d’habitation est une injustice. Le fait que, dans une ville composée majoritairement de locataires comme Nancy, il n’y ait aucun lien fiscal entre la collectivité qui fournit les services publics et les locataires est, à mon avis, une incongruité.

Vous réclamez donc une plus grande autonomie financière des collectivités locales ?

Oui, la décentralisation doit enfin entrer dans une ère de maturité. La confiance s’est fortement dégradée, non pas avec les autorités étatiques dans les territoires, mais avec Emmanuel Macron. Je pense que cela tient à cette culture technocratique extrêmement centralisatrice qui s’accompagne de procès d’infantilisation des élus locaux, toujours soupçonnés d’être trop dépensiers et incapables de gérer. Il faut vraiment qu’une nouvelle page s’ouvre et que le gouvernement change de regard.

Or, selon Bercy, le dérapage des dépenses des collectivités locales dégraderait les comptes 2024 de 16 milliards d’euros…

Je suis indigné par cette façon de traiter les territoires. Le gouvernement est incapable de maintenir sa trajectoire financière et, plutôt que d’assumer sa responsabilité, il se tourne vers les collectivités qui se débattent avec des dépenses imprévues et non compensées correctement depuis le Covid. Et on nous parle des risques que le programme de la gauche ferait peser sur l’économie ? Vraiment, c’est une mauvaise blague.

Qu’attendez-vous du nouveau gouvernement ?

Qu’il entreprenne une réforme profonde de la fiscalité, pour que les plus hauts revenus soient appelés à faire face à cette crise persistante ; qu’il revienne à la retraite à 62 ans pour montrer qu’il a entendu ce que le peuple a exprimé à plusieurs reprises ; qu’il mette la question des services publics et de la santé au premier plan. Ces urgences peuvent être menées de manière transpartisane.

Comment éviter que le pays ne sombre dans une crise politique ?

Il y a un échec majeur de la part d’Emmanuel Macron. Il a été élu en 2017 sur la promesse de transformer la vie publique et, en 2022, il est devenu René Coty ! Notre démocratie est fatiguée. L’extrême droite, la défiance envers la politique et la fragmentation de la vie publique n’ont jamais été aussi fortes. Pour mettre fin à cette crise, il faut que chacun fasse preuve de responsabilité et accepte d’œuvrer à des compromis républicains, à commencer par les socialistes, ce qui est le cas je crois. Mais il aurait fallu aussi qu’Emmanuel Macron accepte l’ordre d’arrivée aux législatives, en nommant un Premier ministre de gauche. Toute autre formule ne peut qu’aggraver la crise.

Le rejet d’un gouvernement NFP ouvre-t-il la voie à une reconstruction de la gauche autour d’un pôle réformiste ?

Ce chemin est déjà ouvert. Depuis 2022, le centre de gravité de la gauche s’est progressivement déplacé vers un pôle réformiste autour de l’idée qu’il faut accéder aux responsabilités, construire des compromis pour que la justice sociale soit enfin à l’ordre du jour. Mais ce n’est pas la nomination d’un Premier ministre qui amorcera cette évolution. Nous sommes capables de faire valoir nos valeurs, de nous ouvrir au plus grand nombre, à ceux qui sont revenus voter à l’occasion de la candidature de Raphaël Glucksmann aux élections européennes et de nous affranchir de la tutelle de Jean-Luc Mélenchon qui nous tire vers le bas. Même si chacun joue sa partition au sein du PS, je crois que cette feuille de route est partagée par toutes les sensibilités.

Les bons scores de la gauche à Nancy lors des dernières élections vous encouragent-ils pour 2026 ?

Nancy est l’une des trois villes qui ont le plus contribué au front républicain, et c’est un fait que la gauche continue de s’ancrer ici, ce qui me réjouit. Mais je ne tirerai pas de conclusions locales d’une élection nationale. D’autant que la profondeur de la crise politique est toujours aussi aiguë. Si les JO nous ont rappelé que nous savons nous rassembler, nous continuons à danser au bord d’un volcan §

Anna

À chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées à la fois. 📝 🔍

Recent Posts

Guillaume Gille parle de l’échec des JO

La dernière fois qu'on avait vu les Bleus au handball, c'était lors de leur élimination en quarts de finale des…

17 secondes ago

Clara Luciani, Jean-Louis Aubert, ou encore les rappeurs Tiakola et Oboy… Le Printemps de Bourges dévoile les premiers noms de son édition 2025

Le Printemps de Bourges est l'un des événements majeurs du monde de la musique. La 49e édition se tiendra du…

3 minutes ago

En Suisse, plusieurs arrestations après l’utilisation d’une capsule d’aide au suicide

En Suisse, dans le canton de Schaffhouse, plusieurs personnes ont été interpellées le 24 septembre après la première utilisation, la…

4 minutes ago

« Le taux d’exécution des peines n’a jamais été aussi élevé »

Par Le Figaro avec AFP Publié Il y a 3 heures, Mis à jour Il y a 3 heures "…

7 minutes ago

Anne Genetet ministre de l’Éducation nationale malgré un profil étonnant

DIMITAR DILKOFF / AFP Anne Genetet, ministre de l'Éducation nationale le 23 septembre 2024. DIMITAR DILKOFF / AFP Anne Genetet,…

8 minutes ago

Contre le bruit en Ile-de-France, la région annonce un plan de 100 millions d’euros d’ici 2030

La vingtaine de mesures présentées visent à réduire de 30% l'exposition aux nuisances sonores, notamment liées au bruit routier, et…

10 minutes ago