La grève de Boeing illustre le défi de « réinitialiser » les relations avec les travailleurs

Les travailleurs de Boeing en grève à Portland, dans l’Oregon, le 19 septembre 2024. (Jordan GALE)

Lors de son premier jour à la tête de Boeing en août, Kelly Ortberg avait arpenté le vaste hangar abritant les chaînes d’assemblage du 737 près de Seattle (nord-ouest), à la rencontre des ouvriers dans l’intention de “réinitialiser” les relations entre l’avionneur et ses salariés.

Mais quelques semaines plus tard, plus de 33 000 membres du syndicat se sont mis en grève, interrompant la production sur plusieurs sites, dont les usines cruciales pour le 737 – son best-seller – et le jumbo jet 777.

Le nouveau patron a rapidement découvert le défi que représentait son objectif d’apaiser les tensions sociales avec les membres du District 751, la branche locale du Syndicat international des machinistes (IAM).

Le 12 septembre, ils ont rejeté à près de 95% le projet de convention collective négocié depuis mars avec Boeing, et ont voté à 96% pour un débrayage immédiat.

Les ouvriers réclament une augmentation salariale d’au moins 40%, alors que le projet annoncé le 8 septembre prévoyait 25% sur quatre ans. De nombreux syndicalistes ont qualifié ce chiffre de trompeur, arguant que le texte prévoyait aussi la suppression d’une prime annuelle.

Le syndicat souhaite également le rétablissement du système de retraite supprimé en 2014 ainsi qu’un engagement plus fort pour la construction du prochain avion – attendu pour 2035 – dans la région de Seattle, berceau du groupe.

Kelly Ortberg « était dans une position difficile lorsqu’elle est arrivée », a déclaré le président du district 751 de l’IAM, Jon Holden, lors d’une conférence de presse le 12 septembre.

Selon lui, la grève n’a aucun lien avec M. Ortbert mais illustre « ce que fait subir à nos membres la direction du groupe Boeing depuis près de vingt ans ».

– Réputation –

La dernière grève de ce secteur remonte à 2008 – c’était la quatrième en moins de vingt ans et elle a duré 57 jours.

James McNerney, le patron de l’époque, a déclaré que les grèves avaient porté atteinte à la réputation d’efficacité de Boeing, soulignant le boom industriel dans les États du Sud des États-Unis, où le syndicalisme est encore faible.

Une fois le travail repris, il s’est employé à affaiblir le pouvoir du syndicat, notamment en annonçant la création d’une chaîne d’assemblage de 787 Dreamliner à Charleston, en Caroline du Sud (sud-est). Quelque 3 800 emplois non syndiqués ont été créés en sept ans.

Entre 2011 et 2014, une période profitable pour Boeing où les actionnaires recevaient des dividendes et les dirigeants recevaient des millions de dollars en rémunération, la convention collective a tout simplement été prolongée avec des augmentations de salaire minimes pour les travailleurs.

Et ils ont fait des concessions, comme l’engagement de ne pas faire grève en échange de la promesse de construire le prochain avion dans la région de Seattle, ce qui signifiera des emplois pour des décennies.

Une lutte en 2014 a laissé des traces, avec un syndicat divisé et un accord ratifié à une courte majorité (51%).

Depuis une semaine, plusieurs dirigeants du groupe appellent à une résolution rapide du conflit social.

– Économies –

Mais Boeing a annoncé lundi des mesures pour réduire ses coûts d’exploitation afin de préserver sa trésorerie convalescente, mise à mal par deux crashs ayant fait 346 morts, par des problèmes d’approvisionnement après la pandémie et par la qualité de sa production.

Deux jours plus tard, l’avionneur annonçait la mise au chômage technique partiel de plusieurs dizaines de milliers de salariés non syndiqués « dans les prochains jours ».

Boeing a indiqué vendredi à l’AFP que les travaux venaient tout juste de commencer.

De son côté, le syndicat a indiqué mercredi qu’«aucun progrès majeur» n’avait été réalisé au cours de deux jours de négociations, avec médiation fédérale.

Selon une source syndicale, l’avionneur n’a rien changé à son offre initiale en matière d’augmentations de salaires et de retraites, les deux principales revendications de ses adhérents.

Les négociations devraient reprendre la semaine prochaine, mais aucune date n’a été fixée, a-t-elle déclaré.

Boeing « doit encaisser un nouveau coup financier et essayer de reconstruire sa réputation, de créer une nouvelle image auprès de ses employés », a déclaré Leon Grunberg, spécialiste des relations de travail en entreprise.

Avec la pandémie et la vague de départs qu’elle a provoquée, le groupe a perdu de nombreux travailleurs qualifiés et expérimentés.

L’avantage, selon Grunberg, est que les jeunes recrues ne portent pas les cicatrices des difficultés passées et sont plus ouvertes à une approche « transactionnelle ».

jmb/elm/nth

Anna

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