La grève des footballeurs est-elle inévitable ?

C’estest une cruelle ironie du sort. Quelques jours après avoir dénoncé un rythme de plus en plus soutenu dans le football moderne, Rodri s’est gravement blessé au genou et manquera le reste de la saison. Le milieu de terrain de Manchester City, récent vainqueur de l’Euro avec l’Espagne, estime que le nombre de matches n’est plus tenable. « Si vous demandez à n’importe quel joueur, il vous le dira, ce n’est pas seulement mon opinion. Il s’agit d’une opinion générale parmi les joueurs. On ne peut pas jouer 60 ou 70 matches. Il n’est pas possible de maintenir son niveau physique. Si cela continue ainsi, à un moment donné, nous n’aurons plus d’autre choix. » Preuve du rythme insensé : en seulement 48 heures, les Citizens ont suivi Arsenal en Premier League et Watford en coupe nationale la semaine dernière.

“C’est la seule façon pour nous d’être entendus”

Un discours qui en a choqué certains, tant les footballeurs sont bien payés et ne devraient pas se plaindre. Un métier passionné avec un confort de vie idyllique vaut bien quelques matchs supplémentaires… Mais à force de tirer sur la corde, les autorités vont finir par tout casser. La réforme de la Ligue des champions, le Mondial des clubs à 32 équipes, les fenêtres internationales très denses du début de saison : le contexte actuel ne va pas dans le sens d’une réduction du nombre de matches, bien au contraire.

Habitué à monter au créneau, et pas seulement sur les enjeux footballistiques, Jules Koundé a aussi estimé que le ballon va droit dans le mur s’il ne ralentit pas le rythme. « Le calendrier devient de plus en plus chargé chaque année, nous avons toujours plus de matches et de moins en moins de repos. Cela fait 3 ou 4 ans qu’on le dit et personne ne nous écoute, nous les joueurs, qui sommes les premiers acteurs. Il viendra effectivement un moment où nous ferons grève. C’est la seule façon pour nous d’être entendus. On voit qu’il y a de plus en plus de blessures dues au manque de repos. Ceux qui vont jouer la Coupe du Monde des Clubs auront moins de repos et joueront 70 matches, ce qui serait fou. »

Et ce ne sont pas seulement les réunions officielles qui posent problème. Les clubs sont aussi coupables que les organisateurs avec l’appât du profit, et notamment les tournées qui se déroulent aux quatre coins de la planète. Ces voyages organisés aux Etats-Unis et en Asie étaient courants lors de la préparation, au cœur de l’été, mais on voit désormais fleurir les matches immédiatement après la fin de saison : cet été, juste avant l’Euro, les clubs de Tottenham, Newcastle, Rome et l’AC Milan s’envolent pour l’Australie pour des matchs amicaux ennuyeux alors que leurs internationaux allaient jouer un tournoi majeur derrière !

Une intensité qui ne pardonne pas

L’un des contre-arguments avancés reste que le nombre de minutes jouées n’a pas forcément augmenté de manière phénoménale ces dernières années. Par exemple, en 1995-1996, Zinédine Zidane a disputé 65 matches avec son club des Girondins de Bordeaux et l’équipe de France, soit 11 matches de plus que Jude Bellingham, que l’on a vu très émoussé lors du dernier Euro en Allemagne. Mais cette comparaison perd de sa pertinence quand on compare l’intensité du football actuel avec celui des années 1990 : tout est aujourd’hui plus rapide, plus physique et plus exigeant.

A LIRE AUSSI Pourquoi les jeunes ont pris le relais dans le football professionnelUn international d’aujourd’hui, qui joue en moyenne 60 matches par saison, finira forcément par s’épuiser et ne plus pouvoir se donner à 100 %. Une illustration qui tombe à point avec le cas de Raphaël Varane, qui a commencé à émerger très jeune dans le monde professionnel. Le défenseur central français vient d’annoncer sa retraite à seulement 31 ans, en raison d’un corps épuisé par une séquence de sélection en club qui ne laisse que peu de répit.

Les footballeurs sont donc à un tournant : une action forte pour marquer son désaccord ou poursuivre cette dynamique, avec une question essentielle. Sont-ils prêts à baisser leurs salaires si le nombre de matches venait à diminuer ? Le débat promet de s’intensifier au fur et à mesure que la saison avance, ce qui risque de laisser de nombreux autres joueurs sur le carreau.