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la littérature jeunesse s’attaque aux stéréotypes et à la recherche de nouvelles images

Princesses à sauver, garçons intrépides… de nombreux livres pour enfants basent leurs intrigues sur des clichés. Au Festival du Livre de Paris, Talents Hauts se bat pour créer de nouvelles représentations. Une bataille non sans difficulté menée par plusieurs maisons d’édition.

France Télévisions – Culture Edito

Publié


Temps de lecture : 5 minutes

Des pneus tout terrain, des hélices, un moteur exposé, un klaxon et un gyrophare : ce drôle de véhicule n’est ni plus ni moins qu’un carrosse de princesse. Destiné aux enfants de moins de quatre ans, l’album Mon carrosse (Talents Hauts, 2022) met en scène une jeune héroïne qui n’est pas satisfaite du bateau qui lui est assigné. Elle décide alors de l’adapter à ses envies.

Séverine Huguet, auteur et illustratrice du livre, la dessine assise par terre, couronne sur la tête et clé à molette à la main. La jeune fille se prépare à l’aventure : une princesse comme on en voit rarement dans la littérature jeunesse.

Créée en 2005 pour lutter contre les clichés sexistes, la maison d’édition Talents Hauts commercialise principalement des ouvrages destinés aux enfants et adolescents. Depuis 2021, elle propose une collection d’albums cartonnés et arrondis adaptés aux plus petits. “En France, Talents Hauts est la seule maison d’édition à éditer des livres engagés contre le sexisme chez les enfants de moins de trois ans, explique Stépahnie Daniel, fondatrice de la librairie jeunesse indépendante Les livres qui sement. “C’est extrêmement précieux de savoir que les stéréotypes de genre sont intériorisés par les enfants avant l’âge de quatre ans”, Elle ajoute.

Pour proposer de nouvelles représentations, Justine Haré, rédactrice chez Talents Hauts, explique avoir recours à plusieurs procédés, dont la banalisation de personnages sous-représentés et le recours à des contre-stéréotypes. C’est particulièrement le cas dans l’album Ma poupée d’Annelise Heurtier et Maurèen Pavoinec, où un petit garçon s’amuse loin des préjugés. La maison d’édition, présente lors de la Fête du Livre, cherche à sensibiliser le public, notamment les parents.

Malgré le travail de maisons d’édition engagées comme Talents Hauts, certains récits peinent encore à voir le jour. “Il y a des sujets, notamment les sujets LGBT, qu’il nous est difficile d’aborder dans des ouvrages destinés aux très jeunes lecteurs, et qu’on aborde davantage à l’adolescence. analyse Justine Haré. “On nous accuse parfois d’exploiter les enfants” Elle ajoute.

Dans l’essai Où sont les personnages LGBTQI+ dans la littérature jeunesse ? (Ed. On ne compte pas pour le beurre, 2024), Sarah Ghelam et Spencer Robinson étudie toutes les publications jeunesse de 1977 à 2023. Au total, moins de 70 ouvrages contiennent des personnages LGBT.

Sur une période similaire, la chercheuse Priscile Croce (Où sont les albums jeunesse antisexistes ?, Éd. On ne compte pas pour le beurre, 2024), établit une liste de 200 ouvrages luttant contre les stéréotypes de genre. De 2010 à 2023, seules 400 œuvres mettaient en scène au moins un enfant non blanc. (Où sont les personnages pour enfants non blancs dans la littérature jeunesse ? Sarah Ghelam, éd. On ne compte pas pour le beurre, 2024).

Créer les représentations manquantes

“Aucun d’entre nous n’a jamais rêvé d’être éditeur, notre rêve était que ces livres existent.” Fin 2020, Elsa Kedadouche et sa compagne Caroline Fournier décident de créer leur propre maison d’édition.

« Dans les livres, notre famille n’existe quasiment pas, nous avons proposé à plusieurs maisons d’édition des histoires avec des familles homoparentales mais dont la famille n’était pas le sujet de l’intrigue. Nos projets ont été refusés, alors nous avons décidé d’agir”, explique Elsa Kedadouche.

Pour monter leurs structures, ils ont mis en place une cagnotte en ligne dont le montant a rapidement dépassé l’objectif. “Quand on a vu l’enthousiasme de certaines personnes autour de notre projet, on a compris qu’il y avait une vraie demande, un vrai besoin.”

Leur maison d’édition On necompte pas pour du verre est désormais responsable de la publication de 16 albums qui mettent tous en scène des personnages sous-représentés dans la littérature jeunesse. Les deux créateurs ne tirent aucun profit de leur travail « Nous sommes entièrement bénévoles, explique Elsa Kedadouche, C’est un travail que nous faisons pendant notre temps libre.

L’apparition des personnages au cœur des refus

Dans le monde de la littérature jeunesse, de nombreux auteurs et illustrateurs cherchant à créer de nouvelles représentations se heurtent au rejet des éditeurs. “Une illustratrice m’a raconté qu’on lui avait refusé de mettre en scène un personnage noir parce que son livre ne parlait pas de racisme”, confie Elsa Kedadouche.

L’auteure Emilie Chazerand explique avoir été contrainte d’abandonner un personnage de petite fille qui n’était pas mince parce que “elle a été refusée partout.”

« Les éditeurs sont très prudents, elle analyse, ils préfèrent proposer une centième adaptation d’une même histoire plutôt que de proposer de nouvelles images, car ils les trouvent trop audacieuses. Mais les livres “audacieux” ressemblent aux gens, et les gens ont besoin de livres qui leur ressemblent. » Elle ajoute.

Préoccupé par “désinhiber les enfants”, Emilie Chazerand vient de publier dans The City Burns l’album Autant de familles qu’il y a d’étoiles dans le ciel. Illustré par Clémence Sauvage, cet album documentaire montre des familles qui ne correspondent pas à la norme sociale. « Nous avons encore du mal à qualifier une mère et un enfant célibataire de famille, explique l’auteur, l’album représente ce genre de famille dont on parle rarement.

Rendre visibles ces œuvres

Chaque année, plusieurs milliers de livres pour enfants sont publiés en France. Les albums qui visent à proposer de nouvelles représentations, parce qu’ils restent peu nombreux et sont souvent édités par de petites structures, passent ainsi facilement sous les radars. Face à ce constat, Stéphanie Daniel a fondé Les livres qui sèment, une librairie en ligne qui a pour objectif de regrouper des livres jeunesse engagés, afin de les rendre plus identifiables par les parents.

« L’idée est que les histoires sont à la fois des fenêtres et des miroirs, elles doivent nous permettre de découvrir les autres et de nous reconnaître. » elle explique. “Avec les enfants, les livres peuvent être le matin, le midi et le soir, s’il n’y en a pas à la maison, il y en a à l’école, l’enjeu est essentiel. Les livres engagés existent, il faut leur donner vie.”

Juliette

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