Jérôme Durain (Parti socialiste) et Etienne Blanc (Les Républicains), respectivement président et rapporteur de la commission sénatoriale d’enquête sur le trafic de drogue, qui rend ses conclusions mardi 14 mai, soulignent «la faiblesse de notre réaction publique» sur le trafic de drogue.
Que retenez-vous de ces six mois d’audiences, marqués par des interventions parfois inquiétantes sur l’état de la menace et les difficultés d’y faire face ?
Jérôme Durain : Avant d’entrer dans le fond de nos travaux, j’ai sans doute eu le sentiment confus que la drogue était l’affaire de certaines catégories sociales, de certains territoires. En réalité, il s’agit bien d’une question d’ordre public. Nous avons un défi collectif à relever avec le trafic de drogue. Son ampleur nous donne le sentiment qu’il existe une relation entre le faible et le fort dans laquelle le fort est l’organisation criminelle et le faible l’État. D’une certaine manière, nous avons tous intériorisé l’idée de cette asymétrie.
Étienne Blanc : Ce qui m’a frappé, c’est la transformation de ce trafic, qui fait désormais partie de gigantesques sociétés d’une extrême complexité, gérées par des têtes de réseaux souvent basées à l’étranger. Ce qui est également remarquable, c’est le recours à la violence au service de ces entreprises : une violence sans limites et qui touche tous les niveaux.
Parmi ces 603 pages de rapport particulièrement denses, quelles sont pour vous les recommandations les plus fondamentales ?
Jérôme Durain : Le meneur. Il existe un réel problème de coordination dans la lutte contre le trafic de drogue. Nous devons donc avoir cette DEA (Drug Enforcement Administration, Agence fédérale de contrôle des stupéfiants) à la française, qu’il faudra équilibrer avec le côté judiciaire, en faisant un parallèle avec ce que nous avons réussi à construire du côté du terrorisme. Le deuxième sujet est la question de l’argent. Il faut être beaucoup plus efficace sur ce sujet. L’obsession de la traque des avoirs criminels, de leur saisie et de leur confiscation est essentielle. Et puis il y a une question transversale de ressources : on ne peut pas toucher le portefeuille si on n’a pas de personnes spécialisées pour le faire.
Concernant la corruption, vous dites que la France est à un « point de bascule ». Quel niveau de menace y associez-vous ?
Jérôme Durain : Nous sommes entre le signal faible et le signal d’alerte. Ce problème concerne évidemment une très petite minorité d’acteurs publics et privés. Pourquoi est-ce inquiétant ? Car c’est à ce moment-là que la chaîne de confiance dans nos institutions se corrode, lorsque certains maillons sont faibles. Il peut s’agir de choses en apparence anodines comme la consultation de dossiers, payée 25 ou 50 euros – bien loin des 50 000 ou 100 000 euros pour déplacer un conteneur au Havre… Et pourtant, cela fait échouer les enquêtes, cela permet l’action de la police et la justice soit entravée. C’est le moment de réagir car sinon nous risquons de nous retrouver dans la situation de certains États où la puissance publique et les institutions sont fragilisées.
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Jérôme Durain (Parti socialiste) et Etienne Blanc (Les Républicains), respectivement président et rapporteur de la commission sénatoriale d’enquête sur le trafic de drogue, qui rend ses conclusions mardi 14 mai, soulignent «la faiblesse de notre réaction publique» sur le trafic de drogue.
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Jérôme Durain : Avant d’entrer dans le fond de nos travaux, j’ai sans doute eu le sentiment confus que la drogue était l’affaire de certaines catégories sociales, de certains territoires. En réalité, il s’agit bien d’une question d’ordre public. Nous avons un défi collectif à relever avec le trafic de drogue. Son ampleur nous donne le sentiment qu’il existe une relation entre le faible et le fort dans laquelle le fort est l’organisation criminelle et le faible l’État. D’une certaine manière, nous avons tous intériorisé l’idée de cette asymétrie.
Étienne Blanc : Ce qui m’a frappé, c’est la transformation de ce trafic, qui fait désormais partie de gigantesques sociétés d’une extrême complexité, gérées par des têtes de réseaux souvent basées à l’étranger. Ce qui est également remarquable, c’est le recours à la violence au service de ces entreprises : une violence sans limites et qui touche tous les niveaux.
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Jérôme Durain : Le meneur. Il existe un réel problème de coordination dans la lutte contre le trafic de drogue. Nous devons donc avoir cette DEA (Drug Enforcement Administration, Agence fédérale de contrôle des stupéfiants) à la française, qu’il faudra équilibrer avec le côté judiciaire, en faisant un parallèle avec ce que nous avons réussi à construire du côté du terrorisme. Le deuxième sujet est la question de l’argent. Il faut être beaucoup plus efficace sur ce sujet. L’obsession de la traque des avoirs criminels, de leur saisie et de leur confiscation est essentielle. Et puis il y a une question transversale de ressources : on ne peut pas toucher le portefeuille si on n’a pas de personnes spécialisées pour le faire.
Concernant la corruption, vous dites que la France est à un « point de bascule ». Quel niveau de menace y associez-vous ?
Jérôme Durain : Nous sommes entre le signal faible et le signal d’alerte. Ce problème concerne évidemment une très petite minorité d’acteurs publics et privés. Pourquoi est-ce inquiétant ? Car c’est à ce moment-là que la chaîne de confiance dans nos institutions se corrode, lorsque certains maillons sont faibles. Il peut s’agir de choses en apparence anodines comme la consultation de dossiers, payée 25 ou 50 euros – bien loin des 50 000 ou 100 000 euros pour déplacer un conteneur au Havre… Et pourtant, cela fait échouer les enquêtes, cela permet l’action de la police et la justice soit entravée. C’est le moment de réagir car sinon nous risquons de nous retrouver dans la situation de certains États où la puissance publique et les institutions sont fragilisées.
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