la nouvelle responsabilité des entreprises ?

Ddans le paysage professionnel du début du 21e siècle^et siècle, la santé mentale est devenue un enjeu majeur. Pourtant, certains troubles restent largement méconnus, même chez les dirigeants d’entreprise les plus concernés par cet enjeu.

Le trouble de la personnalité limite (TPL) en est un exemple. En France, on estime qu’environ 2,5 % de la population en est atteinte et ses répercussions peuvent être considérables, tant pour les individus que pour les organisations. Il est désormais important que les dirigeants d’entreprise accordent une attention accrue au TPL et que sa prise en compte contribue à améliorer le bien-être au travail.

Instabilité émotionnelle

Le trouble de la personnalité limite (TPL) est un trouble mental caractérisé par une instabilité émotionnelle, des relations interpersonnelles tumultueuses, une image de soi fluctuante et des comportements impulsifs. Les personnes atteintes de TPL ressentent des émotions d’une intensité qui peut être difficile à gérer, notamment des sautes d’humeur rapides, une peur intense de l’abandon et des comportements autodestructeurs.

Pour les employeurs, il est important de comprendre que le trouble de personnalité limite, comme d’autres troubles mentaux, est une pathologie qui nécessite une attention particulière. Ignorer ou mal comprendre ce trouble peut non seulement nuire à la personne concernée, mais aussi à l’ensemble de l’organisation.

Le trouble de personnalité limite peut avoir un impact important sur la vie professionnelle d’un individu. Des symptômes tels que l’instabilité émotionnelle, la difficulté à maintenir des relations stables et à gérer les conflits peuvent affecter la performance au travail. Ces comportements, parfois perçus à tort comme un manque de professionnalisme ou de discipline, peuvent entraîner des tensions avec les collègues et les supérieurs.

Un employé souffrant d’un trouble de la personnalité limite non diagnostiqué ou mal géré peut être perçu comme imprévisible, ce qui peut créer un environnement de travail stressant pour les autres membres de l’équipe. Cela peut également entraîner une rotation élevée du personnel, des absences fréquentes et une baisse générale de la productivité, avec des coûts importants, tant en termes humains que financiers.

Environnement de travail inclusif

Les entreprises ont un rôle central à jouer dans la création d’un environnement de travail favorable à la santé mentale. Une politique proactive en matière de santé mentale est essentielle pour identifier et soutenir les employés souffrant de trouble de la personnalité limite ou d’autres troubles de santé mentale. Cela implique la mise en œuvre de programmes de sensibilisation, de formation et de soutien psychologique.

Former les managers et le personnel à reconnaître les signes du trouble de la personnalité limite et à réagir de manière appropriée est une étape essentielle. Cette formation doit inclure des directives claires sur la reconnaissance des symptômes, la gestion des crises émotionnelles et l’adoption d’une communication empathique, y compris des techniques de communication non violente et une écoute active sans jugement.

La sensibilisation accrue des employés et des dirigeants à ces questions contribue à favoriser un environnement de travail inclusif et bienveillant. De plus, les entreprises peuvent mettre en place des programmes d’aide aux employés qui offrent un soutien psychologique confidentiel, renforçant ainsi leur engagement envers le bien-être mental de leur personnel.

Aménagement des horaires de travail

Des initiatives telles que le Plan d’action pour la santé mentale d’Unilever permettent aux employés de devenir des ambassadeurs de la santé mentale, leur permettant de soutenir leurs collègues et de les orienter vers les ressources appropriées.

Ces actions peuvent également inclure le partage d’expériences, tel que pratiqué par Deloitte, la création de formations en premiers soins en santé mentale ou encore l’accès à des ressources spécialisées (soutien, conseils) pour mieux gérer les enjeux de santé mentale. Cet accompagnement peut enfin inclure des consultations auprès de psychologues, des séances de coaching, ainsi que des ateliers sur la gestion du stress et des émotions.

Promouvoir la diversité au sein de l’entreprise ne se limite pas à la race, au sexe, à l’orientation sexuelle ou à la neurodiversité, mais inclut également la reconnaissance et le respect des différences en matière de santé mentale.

Les entreprises qui adoptent une approche inclusive et compréhensive à l’égard des problèmes de santé mentale, notamment du trouble de la personnalité limite, peuvent contribuer à créer un environnement où chaque employé se sent valorisé et soutenu de manière confidentielle. Cette inclusion peut inclure des pratiques telles que l’adaptation des horaires de travail pour gérer les périodes de crise, l’autorisation du travail à distance ou l’offre de congés pour maladie mentale.

Encourager un changement sociétal positif

L’espace de travail peut également être aménagé avec des zones calmes pour se ressourcer, des postes de travail adaptés, par exemple avec du mobilier modulable permettant de travailler debout ou en mouvement. En adaptant l’environnement de travail aux besoins spécifiques des employés touchés par le trouble de la personnalité limite, les organisations peuvent non seulement conserver des talents précieux, mais aussi favoriser un environnement de travail plus harmonieux.

La prise en compte du trouble de personnalité limite et de la santé mentale en général est également une question de responsabilité sociale des entreprises. Les organisations jouent un rôle essentiel dans la société et leur influence peut s’étendre bien au-delà des murs de l’entreprise. En adoptant des politiques et des pratiques qui favorisent la santé mentale, les entreprises peuvent contribuer à réduire la stigmatisation associée aux troubles de santé mentale et encourager un changement sociétal positif.

Cela comprend le soutien d’initiatives locales et nationales en matière de santé mentale, le partenariat avec des associations telles que Maison perchée ou Élan retrouvé, ainsi que la participation à des campagnes de sensibilisation.

En montrant l’exemple, les entreprises peuvent inspirer d’autres organisations à suivre la même voie, créant ainsi un effet d’entraînement qui profite à la société dans son ensemble.

Gérer les émotions

À l’heure où les maladies mentales sont encore souvent stigmatisées, le trouble de la personnalité limite représente un défi particulièrement complexe. Pourtant, les entreprises qui décident de s’attaquer à ce problème peuvent véritablement transformer leur environnement de travail.

Intégrer la reconnaissance et la gestion des émotions au sein de l’entreprise est essentiel, surtout dans un contexte où la performance et la rationalité sont souvent privilégiées au détriment du bien-être émotionnel.

En adoptant une approche plus inclusive et empathique, les entreprises peuvent non seulement améliorer le climat de travail, mais également renforcer l’engagement et la satisfaction des employés.

Or c’est justement en intégrant cette dimension émotionnelle que les entreprises peuvent créer un environnement de travail plus humain et productif. C’est dans ce sens que nous menons nos recherches sur le trouble de la personnalité limite en contexte professionnel. Nous encourageons le développement d’un travail complémentaire.

Sentiment de culpabilité

Une étude de cas en entreprise nous a montré que suite au partage d’un diagnostic par une salariée, le service des ressources humaines a accepté un aménagement de son espace de travail (bureau ajustable, possibilité de se lever lors des réunions et de faire des pauses).

Comme l’entreprise a choisi de procéder ainsi sans l’accompagner d’une sensibilisation auprès de ses collègues, cela a créé un sentiment de culpabilité chez la salariée concernée et d’injustice chez ses collègues.

De telles études pourraient offrir de nouvelles perspectives sur la manière dont les entreprises peuvent soutenir leurs employés et favoriser des environnements de travail plus ouverts et empathiques. Dans le contexte post-Covid-19, qui a profondément affecté la santé mentale de nombreux employés, notamment des plus jeunes, il est crucial que les dirigeants d’entreprise reconnaissent l’importance du bien-être psychologique et s’engagent activement dans la création d’espaces de travail propices à l’épanouissement de chacun.

Il est temps d’adopter une approche proactive pour mieux comprendre et gérer les troubles comme le trouble de la personnalité limite et relever les défis liés à la reconnaissance des émotions sur le lieu de travail. En accordant la priorité à la santé mentale, les entreprises peuvent non seulement soutenir leurs employés, mais aussi renforcer la résilience et la cohésion au sein de leurs équipes.

*Christian Makaya est enseignant et chercheur en sciences de gestion à l’Ascencia Business School ; Olivier Meier est professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (Upec). Cet article a été rédigé avec Fiona Jestinintervenante en santé mentale et fondatrice du site BorderAttitude.fr.