Histoire d’un concept. Si les quatre cavaliers de l’Apocalypse étaient réinterprétés au goût du jour, peut-être figurerait-il parmi eux, tant il est redouté. Le déclassement, qui désigne en sociologie un mouvement social descendant, c’est-à-dire le fait pour un individu de descendre à un rang social inférieur à celui qu’il occupait jusqu’alors, s’est progressivement imposé dans le débat public depuis les années 1990. Le mot n’est pourtant pas nouveau, tout comme la peur de dévaler l’échelle sociale n’est pas une maladie propre au XXIe siècle.e siècle, comme l’atteste Balzac dans Père Goriot (1835). Alors pourquoi cette récente diffusion ?
Contrairement à ses concurrents « chute » ou « déclin », le déclassement doit avant tout être un objet sociologique identifié. L’étude du déclassement apparaît dans la discipline à la fin des années 1960, sous la plume de deux sociologues qui avaient pourtant tout en opposition : alors que Raymond Aron prophétisait, dans Les désillusions du progrès (Calmann-Lévy, 1969), l’avènement d’une génération où de plus en plus d’individus seront déclassés par rapport à leurs diplômes, Pierre Bourdieu met quant à lui en garde contre l’avènement d’une génération potentiellement déclassée dans l’article « Classement, déclassement, reclassement » (1978).
Le démantèlement reste néanmoins un sujet d’étude marginal tant que battent leur plein les « trente glorieuses », entre 1945 et 1975. Ce n’est que dans les années 1990 que les travaux sur le démantèlement se multiplient et que le scepticisme qui avait « d’abord pu les accueillir » se dissipe, ” alors que les crises se succèdent et que les difficultés d’insertion des jeunes générations s’accentuent dans les années 2000 », se souvient le sociologue Camille Peugny, qui rédigeait alors sa thèse sur le sujet (DéclassementGrasset, 2009).
Mais comment, concrètement, les chercheurs mesurent-ils la réalité de la régression sociale ? La sociologie propose en effet trois définitions du déclassement. La première aborde le sujet d’un point de vue intergénérationnel, « c’est-à-dire en étudiant la situation statutaire, sociale et professionnelle des fils et filles par rapport à celles de leurs père et mère au même âge », explique Florence Lefresne, ancienne directrice du Centre d’études et de recherches sur les qualifications.
« Des destins injustes »
« La deuxième approche, poursuit le socioéconomisteconsiste à mesurer le déclassement en fonction de l’écart entre le niveau de diplôme d’un individu et la position sociale occupée par ce diplôme. – un phénomène également connu sous l’expression de « déclassement scolaire » et lié à une augmentation du nombre de diplômés plus rapide que celle des emplois qualifiés disponibles.
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