La poitrine de Dunyasha, fortunes et malheurs de la robotique russe
LETTRE DE MOSCOU
A Saint-Pétersbourg, en cette mi-juin, il n’y en avait qu’une pour elle : Douniacha, sa robe rose à pois et sa voix un peu saccadée, Douniacha et sa « café aux arômes légendaires »… En l’absence d’invités de marque, isolement international de la Russie oblige, c’est elle, Douniacha, qui fut la vedette principale du 25e Forum économique de Saint-Pétersbourg, le Davos russe.
La télévision russe amoureuse lui a consacré de nombreux reportages : Douniacha, le robot qui sert du café et des glaces aux visiteurs du forum, placé à l’entrée de l’événement, comme un pied de nez à ceux qui annoncent le déclin technologique de la Russie. Car l’enjeu est de taille : du fait des sanctions internationales adoptées en réponse au conflit en Ukraine, la Russie subit une coupure brutale et sans précédent dans les circuits de la mondialisation. Privée de nombreuses composantes étrangères, son industrie est menacée, et notamment l’industrie de pointe. Celle des robots, par exemple.
La Russie est, dans ce domaine, dans une situation déjà paradoxale. Son économie est très faiblement robotisée – six robots pour 10 000 salariés, contre une moyenne de 114 dans l’Union européenne. Cet état de fait s’explique principalement par le faible coût de la main-d’œuvre, mais aussi par un environnement politique et juridique peu favorable à l’investissement de long terme.
Inspiré de Miss Perm 2014
Cela n’empêche pas le pays d’avoir quelques entreprises à succès, dont le champion incontesté, Yandex, qui a développé des livreurs intelligents et des taxis. Ces entreprises ont une longue tradition de présentation de vedettes spectaculaires au-delà de leur production de robots industriels peu glamour.
C’est précisément le rôle qui a été assigné à Douniacha (« Duniyasha » dans sa version anglaise), création de la société Promobot, basée à Perm. En réalité, le robot ne sert pas lui-même les glaces et le café, laissant ce travail ingrat à un bras articulé. Douniacha, capable de distinguer les hommes des femmes, d’établir un contact visuel et de modifier les traits de son visage, se contente de bavarder, de lancer des compliments mièvres et des informations standard de sa voix en dents de scie, ou de danser – des tâches que son Hong Kong ancêtre Sofia a déjà accompli en 2016, en marchant, ce que Douniacha ne sait pas faire.
Presque tout pour le look, donc. Et là, les designers en ont peut-être un peu exagéré. Outre la tenue de Douniacha, soviétique dans l’âme, les visiteurs n’ont pas manqué de remarquer l’impressionnante poitrine du robot. Un visiteur n’a d’ailleurs pas pu s’empêcher de s’emparer dudit coffre, suscitant une polémique plus passionnée que celle suscitée par l’arrivée d’une délégation talibane, une organisation considérée comme terroriste par Moscou.
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