“La première étape est que les producteurs puissent construire leur propre prix”, selon le fondateur du label Agri-Ethique

Agri-Ethique est le label numéro un du commerce équitable, mais français, donc pas de café ni de cacao. Parmi leurs produits estampillés : le maïs, les chips bretonnes, les lentilles de Charente-Maritime, le miel du Jura, la brioche ou encore le pain de Vendée, leur terre natale. « La première étape est que les producteurs puissent fixer eux-mêmes leurs prix »a déclaré Ludovic Brindejonc, le fondateur et directeur général d’Agri-Ethique, vendredi 3 mai. « Nous nous déconnectons des prix mondiaux et construisons un prix basé sur le « coût de production » pour le producteur. Notre référence est les coûts de fonctionnement“, il dit.

Ensuite, les acteurs (producteurs, transformateurs, distributeurs) s’engagent, sous contrat de trois ans, à respecter ces prix. Un modèle qu’ils ont adapté “au moment de la guerre en Ukraine”Quand « Les prix et les charges à la production ont grimpé ». “C’est à dire que nous sommes bien sur un engagement de trois ans, mais avec une révision des prix chaque année en fonction de l’évolution des coûts”explique Ludovic Brindejonc.

franceinfo : Un autre label… Vous parlez vous-même de jungle, qu’est-ce que vous avez de plus que les autres ?

Ludovic Brindejonc : Nos particularités d’abord. Comme vous l’avez dit, nous sommes sur du commerce équitable 100% origine France. Alors le petit logo bleu blanc et rouge, vous avez dû déjà le voir sur la brioche, sur le miel. Nous sommes nés en 2013, cela fait dix ans.

Votre concept part de l’agriculteur qui calcule ses coûts de production. A partir de là, tous les acteurs s’engagent sous contrat pour au moins trois ans (producteurs, transformateurs, distributeurs), les professionnels ayant rompu il y a quelques mois lors des négociations commerciales. Comment faire pour qu’ils s’entendent ?

C’est très simple, il faut qu’il y ait une rencontre entre tous les acteurs. Et la première étape est que les producteurs puissent construire leur propre prix qui servira ensuite de base à tous les acteurs de la filière.

Vous inversez le principe des prix mondiaux : c’est l’agriculteur qui fixe les prix de la matière première en fonction de ses coûts de production.

Exactement. Surtout, on se déconnecte des prix mondiaux. J’aime cette analogie : les prix mondiaux, c’est un peu la loterie, on ne peut pas prédire le prix auquel nous serons payés pour notre matière première. Chez Agri-Ethique, nous nous déconnectons de ces cours et construisons un prix basé sur le « coût de production » pour le producteur.

Vous souhaitez promouvoir des labels qui ne prennent pas de marges, j’imagine que c’est votre cas, mais comment vivez-vous ?

C’est vrai que nous ne sommes pas un intermédiaire supplémentaire. Nous ne sommes pas là pour ralentir le développement. C’est vrai qu’aujourd’hui notre contribution est très limitée, mais cela nous permet quand même d’accompagner les producteurs dans la construction du modèle.

Ces contrats qui gèlent les prix pendant trois ans, alors qu’on connaît une période d’inflation comme celle que nous avons connue, est-ce qu’ils fonctionnent ?

Oui, ça marche parce qu’on a réussi à passer les trois dernières années. Comme vous le savez, au moment de la guerre en Ukraine, les prix et les coûts de production ont grimpé en flèche. Nous avons donc adapté notre modèle. C’est à dire que nous sommes bien sur un engagement de trois ans, mais avec une révision des prix chaque année en fonction de l’évolution des coûts.

Nous venons de vivre une crise majeure dans le monde agricole, reçu jeudi par le président de la République. Vous travaillez avec entre 4 000 et 5 000 agriculteurs, avez-vous essayé de proposer votre solution pendant cette période de demande ?

Alors déjà, nous avons été contactés par les deux rapporteurs de la loi Egalim, Anne-Laure Babault et Alexis Izard, qui voulaient voir comment nous avions mis en place notre modèle.

« En fait, chez Agri-Éthique, nous faisons Egalim depuis dix ans.

Ludovic Brindejonc

franceinfo

. Notre méthode est de fabriquer des produits sur mesure. C’est-à-dire qu’on a parlé de prix planchers, on a parlé d’Egalim. Notre objectif est d’accompagner tous les producteurs sur tous les territoires et que ces prix soient bien adaptés à leur production, à leur territoire, à leurs exploitations.

Vous dites que c’est la bonne formule pour protéger notre souveraineté alimentaire. Tu ne vas pas un peu loin ?

Nous ferons tous deux preuve de solidarité envers les producteurs en difficulté, mais nous rendrons aussi possible de pérenniser une agriculture qui fonctionne. L’objectif est donc de pérenniser la production de matières premières sur notre territoire.

Vous prétendez que vos produits ne sont pas plus chers que les autres. Je suis allé voir une grande enseigne de distribution, le jambon blanc notamment qui porte votre étiquette, c’est bio des éleveurs, ça culmine à presque 49 euros le kilo quand les autres passent de 37-38 euros à 41-43 maximum. Le consommateur est-il vraiment votre autre priorité, comme vous le dites ?

Bien sûr. En fait, cela dépend des produits. Ce qu’il faut savoir c’est que, je prends le cas de la guerre en Ukraine, le prix du blé a complètement explosé et pourtant, l’agriculteur a toujours été payé sur la base de ses coûts de production. Cela signifie que nous n’avons pas subi cette fluctuation importante des prix.

“Nous avons également protégé le pouvoir d’achat du consommateur.”

Ludovic Brindejonc

franceinfo

Le mécanisme est très simple, c’est que le prix est construit par les producteurs et validé par les producteurs sur la base de leurs coûts de production. Mais en aucun cas notre référence n’est le marché. Je vous parlais de la loterie tout à l’heure, ce n’est pas notre référence. Notre référence, ce sont les coûts de fonctionnement.

Ainsi, les agriculteurs acceptent aussi de gagner un peu moins alors qu’ils pourraient gagner plus.

Exactement. C’est-à-dire que dans le cas où le prix du marché serait trop bas, il sera toujours rémunéré sur la base de ses coûts de production et d’une marge pour qu’il puisse vivre de son métier. Et lorsque le prix du marché est trop élevé, on se base toujours sur ce prix. Nous venons donc protéger le consommateur.

Agri-Ethique labelise les produits biologiques, mais tout autant que les produits issus de l’agriculture conventionnelle. L’Environnement, là aussi, est un peu moins votre priorité ?

C’est un problème. Mais pour parler d’environnement, il faut d’abord parler de prix.

“Si nous nous en tenons à des prix rémunérateurs pour le producteur, sur des engagements de trois ans, cinq ans, voire huit ans, nous pourrons les engager dans cette phase de transition agroécologique.”

Ludovic Brindejonc

franceinfo

En fin d’année, votre système de contrôle sera renforcé. Avec cette jungle de labels, vos garanties « produit équitable » n’étaient-elles finalement pas assez fiables ?

Ce n’est pas le propos. L’avantage de consolider notre modèle est d’offrir une totale indépendance de contrôle, qui est là pour accompagner les producteurs. Ensuite, c’est un tiers indépendant, un organisme de certification qui viendra contrôler toutes les parties prenantes dont le producteur, l’industriel ou l’intermédiaire.

L’objectif, en effet, est que nous soyons garants du message de la marque. Nous viendrons garantir les engagements de la marque. C’est tout le rôle du label et c’est justement ce qui nous distingue de la marque. Nous complétons les marques.

Votre objectif d’ici 2030 est qu’un aliment sur deux soit issu du commerce équitable. Le croyez-vous vraiment ?

Mon souhait, je dirais, j’irais même plus loin, c’est qu’à terme l’Agri-Ethique n’existe plus demain et qu’elle soit la règle d’un juste prix pour tous les producteurs.

Elise

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