« La priorité n’est plus de trouver les coupables mais une solution »

AAu Kenya, la dette pèse de plus en plus lourd. Y compris sur les épaules des sportifs de haut niveau. Acculé par la menace latente d’un défaut de paiement, le gouvernement kenyan s’est lancé dans un programme de coupes budgétaires tous azimuts. L’agence nationale antidopage en paie aujourd’hui le prix, avec des financements drastiquement réduits. Un coup dur pour le pays des marathoniens : faute de moyens suffisants pour surveiller et sanctionner les abus de quelques-uns, c’est l’ensemble de l’athlétisme kenyan qui risque d’être banni des futures compétitions internationales, comme l’agence s’en inquiétait en septembre.

Voilà ce que signifie la « crise de la dette ». L’expression, utilisée depuis des années à propos de l’Afrique, peine à traduire les mille et une implications concrètes d’une dette devenue, pour un nombre croissant d’Etats, de plus en plus difficile à rembourser. Au Kenya, si l’on peut regretter les répercussions potentielles de cette austérité pour les coureurs de fond, que dire des investissements qui ne seront jamais réalisés dans les hôpitaux, les universités ou le réseau routier…

Le Kenya est l’une des économies qui connaît la plus forte croissance du continent. Mais le paiement de ses dettes et des intérêts sur ses prêts engloutit les trois quarts de ses recettes fiscales. Le problème n’est pas tant le montant de la dette que la capacité financière à la refinancer. Dans un contexte de liquidités serrées et de taux d’intérêt élevés, Nairobi n’est pas le seul pays concerné. Selon la Banque mondiale, les 75 pays les plus pauvres du monde – dont plus de la moitié se trouvent en Afrique – auront dépensé cette année plus d’argent pour le service de la dette que pour la santé, l’éducation et les infrastructures.

Au cruel jeu des comparaisons, on peut aussi citer cette analyse de l’ONG One selon laquelle ce seul poste de dépenses aura coûté aux gouvernements africains près de 90 milliards de dollars en 2024. Or, selon une estimation de la Banque mondiale, fournir de l’électricité à 300 millions d’Africains – sur les 600 millions qui en sont encore privés aujourd’hui – nécessiterait de réunir précisément… 90 milliards de dollars.

Risque d’aggravation de la crise

En matière de dette africaine insoutenable, un classique consiste à tenter d’identifier les responsables. La Chine, principal créancier bilatéral d’une poignée d’Etats et accusé de faire traîner les discussions lorsqu’un pays a besoin d’être restructuré ? Le secteur privé, c’est-à-dire les fonds de pension ou d’investissement qui ont prêté à des taux prohibitifs sans se soucier de la solidité financière des Etats ? Les donateurs traditionnels, qui ont réduit leur aide au développement au fil des ans et incité les pays du continent à se tourner vers d’autres créanciers ? Ou les gouvernements africains eux-mêmes, qui ont eu l’imprudence d’accepter des financements trop chers et les ont souvent investis dans des projets mal conçus ?

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