Le « trublion des télécoms » porte bien son surnom. Free a récemment mis des bâtons dans les roues d’un sujet sensible. Comme l’indique leAFP Ce mercredi, le groupe de Xavier Niel a récemment proposé au gouvernement et à l’Arcep, le régulateur des télécoms, des engagements visant à prolonger le « New Mobile Deal ». Cet accord entre opérateurs et État a vu le jour en 2018. En contrepartie de l’extension de certaines licences 4G, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free se sont engagés à déployer des pylônes téléphoniques dans des territoires encore dépourvus de couverture mobile, communément appelés « blancs ». zones ».
Dans une lettre datée du 9 avril adressée à Marina Ferrari, la secrétaire d’État chargée du numérique, et à Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep, Nicolas Thomas, le directeur général de Free, milite pour une prolongation de cet accord. Cette initiative concerne plus précisément une partie du New Deal, appelée système de couverture ciblée (DCC). Celui-ci prévoit que les opérateurs couvrent chacun 5 000 zones directement choisies par les collectivités où il est impossible – ou difficile – d’accéder à un service mobile.
Le « succès opérationnel » du New Deal
Nicolas Thomas rappelle que ce dispositif, dont il se félicite « succès opérationnel »se terminera en 2025, sachant que la mise en service des derniers sites est prévue pour 2027. Le problème, prévient-il, c’est que« à l’heure actuelle, de nombreux besoins en connectivité mobile vont persister dans les territoires ». Selon lui, de nombreux villages et zones rurales ne bénéficieront toujours pas d’une couverture 4G, voire 3G digne de ce nom.
Free propose donc, avec l’aide de “des opérateurs qui le souhaiteraient”, que le gouvernement prolonge le DCC. En échange d’un allongement de la durée d’utilisation de plusieurs fréquences mobiles, l’opérateur se dit prêt, en contrepartie, à construire au maximum 1.200 sites supplémentaires pour un montant de 555 millions d’euros. Free estime qu’il faut désormais se préoccuper de l’extension du dispositif de couverture ciblée. Il faut frapper pendant que le fer est chaud, argumente-t-il, jugeant que le DCC sera plus difficile à redémarrer s’il venait à s’arrêter.
“C’est le contribuable qui va payer”
Mais l’initiative suscite – c’est un euphémisme – des réserves. A Bercy, elle a été reçue avec la plus grande froideur, confie une source proche du ministère. La manière dont Free se positionne « Sauveur de la communauté » agacé. « Il ne faut pas oublier que les fréquences sont une source de revenus importante pour l’Étatnous le rappelle-t-on. Leur extension n’est pas gratuite ! En fin de compte, c’est le contribuable qui paiera. » Notre source précise qu’aucun arbitrage n’a encore été fait concernant la proposition de Free. Mais elle juge peu probable, dans le contexte actuel de pénurie budgétaire, que l’État renonce aux grosses sommes d’argent provenant des fréquences mobiles. A Bercy, nous pensons aussi qu’il est sans doute trop tôt pour envisager une prolongation du New Deal. Notre source rappelle que des travaux sont en cours pour évaluer minutieusement son efficacité.
Même son de cloche chez Avicca, association considérée comme la voix des communautés impliquées dans le numérique. Patrick Chaize, son président, également sénateur (LR) de l’Ain, juge « qu’avant de penser à un New Deal 2, il faut faire le point sur le New Deal 1 ». “Comme on dit chez nous, c’est à la fin de la foire qu’on compte les crottesil continue. Nous devons savoir si toutes les parties prenantes du New Deal ont été respectées. Cependant, j’ai le sentiment que ce n’est pas le cas. » Le sénateur estime que les investissements des opérateurs sont sans doute bien inférieurs à ce que cet accord a coûté à l’Etat en prolongeant les licences 4G d’Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. En 2018, le gouvernement et l’Arcep estimaient le manque à gagner, en termes de recettes pour l’État, à environ 3 milliards d’euros.
Le « solitaire » de Free agace la concurrence
Du côté d’Orange, SFR et Bouygues Telecom, les critiques vont aussi bon train concernant la proposition de Free. Deux d’entre eux estiment, comme Bercy et Avicca, qu’une évaluation du New Deal est nécessaire avant d’envisager sa poursuite. Un dirigeant d’un opérateur est également exaspéré par “cavalier seul” de Free à ce sujet. A ses yeux, son rival semble plus préoccupé par “ses intérêts privés” – à savoir l’allongement de la durée d’utilisation de ses fréquences – uniquement dans l’intérêt général. « D’où viennent leurs 1 200 sites mobiles supplémentaires ?grince-t-il. A quoi correspond ce chiffre alors qu’on ne connaît toujours pas les besoins réels des communautés ? » De son côté, l’Arcep n’a pas pu, ce jeudi, répondre à nos questions. En tout cas, le secteur et les pouvoirs publics ne semblent pas du tout, à ce stade, disposés à donner suite à la proposition de Free.