On ne dit pas que la lecture du rapport d’Olivier Lluansi provoque des explosions de joie à Bercy comme à l’Elysée. Chargé, à l’automne 2023, par le ministère de l’Économie d’une mission sur l’avenir des politiques industrielles en France, cet ancien délégué interministériel au dispositif Territoires d’Industrie et ancien conseiller industriel du président François Hollande doit rendre sa copie au les jours à venir. Et cela risque de tempérer, voire d’anéantir, les espoirs du gouvernement en matière de réindustrialisation.
L’exécutif, derrière Emmanuel Macron, s’est fixé un objectif très ambitieux : faire passer la part de l’industrie dans le produit intérieur brut (PIB) français de 10 % à 15 % d’ici 2035, afin de rattraper son retard sur la moyenne européenne. Impossible, prévient Olivier Lluansi, qui prévoit une augmentation maximale possible de 2 à 3 % du PIB en une décennie, “ce qui serait déjà remarquable”il se confie.
Cet expert a identifié deux obstacles majeurs à la réalisation du souhait de l’exécutif : l’énergie et la main d’œuvre. « En attendant le démarrage des nouvelles centrales nucléaires, la France n’aura pas assez d’énergie décarbonée pour gagner 5 points de PIB en dix ans, et elle n’aura pas non plus assez de main d’œuvre formée », il dit. Près de 60 000 postes restent encore vacants dans l’industrie française.
Mais le scénario Lluansi à 12% ou 13% du PIB permettrait déjà de réaliser des performances sans précédent : « La balance commerciale manufacturière, actuellement déficitaire de 60 milliards d’euros, redeviendrait positive et 50 000 nouveaux emplois industriels seraient créés chaque année », résume-t-il. A côté des 130 000 emplois créés dans l’industrie depuis 2017, la dynamique serait impressionnante.
Trois conditions sont toutefois indispensables pour y parvenir, selon cet associé chez Strategy&, l’entité de conseil en stratégie du cabinet PwC. La première, reconfigurer la politique de réindustrialisation actuelle pour intégrer toutes les industries, soutenues par de nombreuses PME dans les territoires, et pas seulement les hautes technologies.
La seconde : encourager la commande publique pour acheter français. « Avec les marchés publics, on pourrait acheter 15 milliards d’euros par an en plus de fabriquer des biens », il croit. Encore faudra-t-il que Bruxelles accepte.
Finalement, un tel système coûte cher : 200 milliards d’euros sur dix ans, a calculé Olivier Lluansi. “Soit 3% des 6 000 milliards d’euros d’épargne française”ajoute l’expert, qui exhorte le gouvernement à réserver cette manne, seul moyen, selon lui, de contrer les programmes d’investissements concurrents américains ou chinois.
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