la situation en Moldavie et en Macédoine du Nord

Même si l’Union européenne craint les effets politiques de l’influence russe, les négociations avec les pays d’Europe de l’Est, candidats à l’adhésion, avancent très lentement. Nos correspondants sur place décrivent la situation.

Article rédigé par

franceinfo – Louis Seiller, Maria Gerth-Niculescu

Radio-France

Publié


Temps de lecture : 6 minutes

Le 9 mai 2024, à l'occasion de la Journée de l'Europe, de jeunes Moldaves brandissent des drapeaux européens et moldaves lors d'une marche dans le centre-ville de la capitale Chisinau.  (ELENA COVALENCO/AFP)

Vingt ans après l’élargissement de l’UE aux pays de l’Est autrefois communistes, de nombreux pays candidats attendent toujours la poursuite des négociations. Confrontées à des problèmes économiques et politiques, l’Ukraine et la Moldavie sont les pays les mieux placés pour rejoindre l’Union européenne, et les discussions sont au point mort avec la Turquie. Outre ces pays, six autres sont officiellement candidats : la Géorgie et les pays des Balkans, qui composent l’Albanie, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine du Nord et le Monténégro.

Récemment, la Macédoine du Nord a suscité quelques inquiétudes parmi les diplomates européens, avec le retour au pouvoir du parti conservateur historiquement pro-russe. Et la Moldavie, en pleine année électorale, entretient depuis longtemps de bonnes relations diplomatiques et économiques avec Moscou. Alors que 2024 marque le début des négociations du pays avec l’UE, on peut se demander si la Moldavie est prête à rompre ses liens avec la Russie.

En Moldavie, la population, dont une partie est russophone, est très divisée

En Moldavie, ancienne république soviétique, l’élection présidentielle d’octobre prochain s’accompagnera d’un référendum pour inscrire le processus d’adhésion à l’UE dans la constitution. La situation est délicate pour la présidente Maia Sandu, qui soutient ouvertement l’Ukraine et qui a fait de l’adhésion à l’Union européenne le projet phare de son mandat, qu’elle souhaite voir renouvelé à la fin de l’année. Sur le plan diplomatique, la Moldavie poursuit son rapprochement avec l’Union européenne. Elle et son ministre des Affaires étrangères multiplient les visites en Europe et aux États-Unis pour renforcer les relations politiques, financières et militaires avec l’Occident. En mars, la Moldavie a expulsé un diplomate russe, après la tenue des élections russes dans la région de Transnistrie.

Mais sur le plan économique, la situation reste ambivalente. Certaines régions, comme la Gagaouzie, considèrent toujours la Russie comme un partenaire économique majeur. Et la Moldavie dépend toujours du gaz russe. Elle a diversifié ses sources directes d’approvisionnement en gaz, mais son électricité est toujours produite principalement par une usine de Transnistrie via le gaz livré par Moscou.

La Transnistrie, région pro-russe dirigée par des autorités séparatistes, reste un point d’interrogation. Le gouvernement moldave affirme travailler activement à la réintégration pacifique de la Transnistrie. Il s’agit dans un premier temps de réinsertion économique, en harmonisant par exemple les règles douanières, mais à terme l’objectif du pouvoir central serait de reprendre le contrôle juridique et administratif de la région. Maia Sandu souhaite que cette réintégration ait lieu avant l’adhésion du pays à l’Union européenne, peut-être d’ici 2030.

Il convient de noter que la Transnistrie exporte la majorité de ses produits vers l’Union européenne et non vers la Russie. Cependant, le soutien politique et économique de Moscou freine la résolution de ce conflit gelé depuis plus de 30 ans. Le rapprochement entre la Moldavie et l’Union européenne ne plaît évidemment pas à Vladimir Poutine. La Russie est donc très critique à l’égard du gouvernement actuel. Pour exercer son influence, elle peut cependant compter sur les partis politiques, dont ceux de l’oligarque fugitif Ilan Sor, ouvertement pro-russe. Des personnalités proches d’Ilan Sor, comme la gouverneure de Gagaouzie Evghenia Gutul, se rendent régulièrement à Moscou, où une nouvelle coalition de partis d’opposition s’est formée il y a quelques semaines. Cette pression politique interne représente aujourd’hui un véritable obstacle pour Maia Sandu, même si, pour l’instant, les sondages lui sont encore favorables.

En Macédoine du Nord, le retour du parti conservateur suscite quelques doutes

Lors de sa prise de fonction dimanche dernier, la nouvelle présidente macédonienne, Gordana Siljanovska-Davkova, s’est présentée comme la présidente de la Macédoine, et non de la Macédoine du Nord, nom officiel de ce pays de deux millions d’habitants. Ces propos ont suscité la colère du voisin grec, puisqu’ils remettent en cause un accord historique qui avait été conclu pour mettre fin à une interminable dispute autour du patrimoine de l’ancienne Macédoine. A Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rappelé aux nouvelles autorités macédoniennes qu’il fallait « primordial » qu’ils « respecter leurs engagements » afin que le pays continue son chemin vers l’adhésion à l’Union européenne.

La double élection présidentielle et législative qui s’est déroulée la semaine dernière a vu le parti conservateur battre largement les sociaux-démocrates. La campagne très nationaliste des vainqueurs s’est fondée sur des frustrations liées à la lenteur du processus d’intégration. En 2019, Emmanuel Macron avait opposé son veto à la simple ouverture des négociations. Cela a provoqué de nombreux malentendus au sein de la société macédonienne et terni l’image de l’UE. D’autant plus que le voisin bulgare a également bloqué le processus d’intégration. Ainsi, le sentiment pro-européen, qui était de plus de 80 % il y a 5 ans, est tombé à 65 % aujourd’hui. Lorsqu’il était au gouvernement dans les années 2010, le parti nationaliste de droite avait adopté une ligne eurosceptique et pro-russe. De retour au pouvoir, les conservateurs macédoniens affichent désormais leur attachement à l’Europe et à l’OTAN, que le pays a rejoint en 2020. Mais alors que la Russie est accusée de mener des campagnes de désinformation, il faudra voir si les différends entre nationalistes et voisins grecs et bulgares pas accroître le sentiment anti-européen dans le pays.