Col de la Bonette, 2 802 mètres à son sommet, une stèle modeste, des plantes microscopiques dont on perçoit le goût métallique des sols stressés, et la majesté d’un cyclisme qui n’a pas d’âge. Tadej Pogacar a gravi ce sommet des Alpes du Sud, vendredi 19 juillet, lors de l’étape entre Embrun (Hautes-Alpes) et Isola 2000 (Alpes-Maritimes). Dans la roue de ses coéquipiers, il était perdu. Eux, courbés dans un effort aussi palpable que l’acidité de l’herbe, le regard fixé sur l’horizon droit devant. Lui, les genoux écartés d’un cycliste en pleine détente, les yeux orientés vers la foule, qu’il aime interpeller sans mots. Pogacar, maillot jaune d’une nouvelle ère et d’un cyclisme radicalement nouveau.
Par sa vision, par ses codes, par ce qu’il montre de sa psyché, le Slovène Tadej Pogacar (UAE Emirates) révolutionne près d’un demi-siècle de tradition cycliste. C’est son style superlatif qui pousse le peloton au fossé. Plus encore que ses résultats bruts, ses six victoires d’étapes sur le Tour de France 2024, et le classement général, qu’il remporte pour la troisième fois (après les Tours 2020 et 2021), au terme d’un ultime contre-la-montre entre Monaco et Nice, dimanche 21 juillet, qu’il domine à nouveau.
Personnage léger mais dominateur de poids – autant par sa puissance que par les soupçons de dopage qu’il ne parvient pas à contenir –, ce vainqueur n’a plus grand-chose à voir avec l’histoire du cyclisme à laquelle il est forcément lié. Peu de choses le relient par exemple au regretté Marco Pantani, vainqueur en 1998, hormis une montée record sur le plateau de Beille (Ariège), qu’il s’est fait un plaisir d’améliorer, et un très rare doublé Giro d’Italie-Tour de France dans la même saison.
« Je pense que Pogacar se rapproche de plus en plus de(Tourbillon) Merckx »estime Cédric Vasseur, le manager de l’équipe française Cofidis, qui n’a pas « Je n’ai jamais vu un coureur aussi fort depuis (son) arrivée dans le cyclisme professionnel en 1995 »Le parallèle revient souvent entre Tadej Pogacar, 25 ans, et la légende Merckx, alias « le Cannibale », champion des années 1960 et 1970. « Il est très fort, son équipe est très forte, sa volonté de gagner est énorme, que ce soit dans les grands tours ou les classiques »note Cédric Vasseur.
Invité à l’exercice de comparaisons, aussi éclairant que vain, Vasseur considère que « Pogacar est même au-dessus (Lance) Armstrong »le vainqueur du Tour entre 1999 et 2005, licencié pour dopage. « Armstrong était plus classique dans sa façon de courir, et il offrait parfois des cadeaux, ce qui n’est pas l’habitude de Pogacar. » Le Slovène a également prouvé sa “cannibalisme”, Samedi 20 juillet, à l’arrivée de l’étape du Col de la Couillole (Alpes-Maritimes), où il s’est acharné à battre au sprint son dauphin, Jonas Vingegaard (Visma-Lease a bike), humilié sur toute la ligne.
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