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L’artiste de rue Likeca détourne les panneaux de signalisation

Ravel tombe dans le piège, La première exposition personnelle du street artiste à Paris, à découvrir au Centre Maurice Ravel jusqu’au 18 mai dans le cadre du Festival des Cultures Urbaines, est l’occasion de découvrir une trentaine de créations insolites de Likeca.

Grâce à la technique du pochoir, le jeune artiste français, basé dans l’Est de la France, transforme les panneaux routiers en œuvres d’art urbain. Son objectif : redonner le sourire aux passants et égayer le quotidien. A travers son travail, il cherche à briser la monotonie du paysage urbain en réinventant ces objets familiers. Pour lui, détourner un panneau routier, c’est aussi briser les normes et inciter à la réflexion sur le pouvoir et le contrôle dans nos sociétés. Rencontre et explications ponctuées d’une touche d’humour.

Franceinfo Culture : QQue signifie votre signature Likeca ?
Comme ça : Mon pseudo se prononce “lit-queue-cas” mais il devrait être anglicisé Like C A. Like signifiant “aimer” mais aussi “aimer”. Dans ce cas, Likeca signifie « comme CA » : initiales de Clet Abraham, l’un des pionniers français du détournement de panneaux de signalisation qui travaille avec la technique de l’autocollant. J’ai trouvé sympa cet hommage à un artiste que j’apprécie et qui m’inspire.

J’ai pris un pseudonyme pour deux raisons : dans la culture du graffiti, les “blases” (signatures) sont courantes et aussi quand j’ai commencé j’avais 17 ans et je ne me voyais pas signer de mon vrai nom, compte tenu des possibles répercussions juridiques depuis que j’étais un mineure. Ce qui m’intéresse c’est le détournement mais je ne signe pas mes panneaux, la signature est secondaire.

Quel est votre parcours ?
Je n’ai pas du tout de formation artistique. Pas de Beaux-Arts, pas d’école de design ou de graphisme mais j’ai toujours aimé « l’image ». Je suis titulaire d’un master Information-Communication de l’Institut Français de la Presse obtenu à Paris II – Panthéon-Assas en 2021, rien à voir avec le monde de l’art !

Au collège, grâce aux jeux vidéo notamment, j’ai utilisé des logiciels de montage et j’ai appris à dessiner sur ordinateur et pour mieux maîtriser ce logiciel, j’ai acheté une petite tablette graphique et, à l’époque, il y avait déjà pas mal de tutos YouTube. Cela m’a aidé lorsque j’ai commencé à réaliser des pochoirs : les miens sont toujours découpés à la main, c’est mon petit plaisir !

Quelles sont vos sources d’inspiration artistique ?
J’ai trois sources principales d’inspiration artistique. D’abord le mouvement des pochoiristes français – Jef Aerosol, C215 ou Miss Tic – qui puise lui-même sa source dans les mouvements punk et rock. Deuxièmement, la culture pop dans l’utilisation systématique du quotidien et des personnalités connues et reconnues. Enfin, mon inspiration vient légitimement de Clet Abraham, l’un des pionniers du détournement des panneaux de signalisation.

Pourquoi détournez-vous ces panneaux ?
Honnêtement, juste parce que ça me fait rire. Si un jour ça cesse de me faire rire, je pense que j’arrêterai. Mais cela n’arrivera pas de si tôt.

Votre art est-il une passion ?
Je ne vis pas de mon art et je ne veux pas en vivre. Je me sens plus libre de le vivre comme une passion. Sur mon site internet, j’ai un catalogue de mes panneaux disponibles avec leurs prix mais ce n’est pas ce qui m’intéresse en premier. Aujourd’hui, mon métier principal – qui me permet de payer mon loyer et de vivre – est dans le monde agricole. Rien à voir mais je m’éclate !

Vous souvenez-vous de la première fois que vous avez détourné un panneau de signalisation ?
Je m’en souviens comme si c’était hier : je vois encore très bien le panneau et le lieu. C’était une chaude nuit de l’été 2015, j’étais encore mineur et je venais de commencer mes études de droit à la Faculté de Nancy. Je faisais déjà des graffitis sur les murs avec des pochoirs mais je n’imaginais jamais “m’attaquer” aux panneaux de signalisation. J’avais repéré un ancien sens interdit, non très loin de la gare de Pont-à-Mousson, en Lorraine, d’où je suis originaire. J’avais préparé un pochoir assez simple avec deux yeux. L’objectif : les graffitir au milieu de ce sens interdit. Il n’y avait pas vraiment de message, je trouvais ça juste esthétique et ça faisait rire mes amis. Ensuite, j’ai commencé à avoir d’autres idées de diversions : le panel avec Babybel, le basketteur et tout s’est réuni.

Comment choisissez-vous vos panneaux ?
Dans la rue, je choisis surtout des panneaux pas trop hauts. Je ne les ai jamais fait à Paris car ils sont souvent très élevés. Avec les pochoirs, c’est compliqué d’aller vite sur des panneaux trop hauts. On retrouve mes détournements plutôt en banlieue (93-94) ou en Lorraine.

Pourquoi utilisez-vous la technique du pochoir ?
Au lycée, j’avais un groupe – qui existe toujours – et un jour le guitariste a trouvé un vieux pochoir d’AC/DC et on s’est dit pourquoi ne pas faire un pochoir avec le logo du groupe ? Nous avons donc essayé de le faire nous-mêmes en recherchant sur Google. Le pochoir présente deux avantages : il est réutilisable et permet d’être très rapide. Une des bases de mon art est de garder le panneau lisible. Je dis souvent qu’un (bon) détournement doit respecter trois règles : d’abord, il faut reconnaître au premier coup d’œil le panneau original, puis ce qui a été ajouté (Napoléon, un poisson, un Babybel. …). Enfin, la troisième règle découle des deux premières : il faut avoir envie de sourire en voyant le panneau.

Le street artiste d’Ikeca détourne un panneau routier
Le street artiste Likeca détourne un panneau routier
(COMME CA)

Votre travail est-il divisé en plusieurs séries ?
Oui, j’en ai trois : la série principale, le panneau de signalisation est un objet du quotidien (alors pourquoi ne pas mettre d’autres objets dessus), une autre série est : l’art tombe dans le panneau (reprenant des œuvres d’art plus ou moins connues art). Et le dernier autour des panneaux directionnels.

Travaillez-vous sur d’autres supports mobileslien urbain ?
J’essaie plein de choses ! Je suis originaire de Pont-à-Mousson, la ville des bouches d’égout, j’expérimente actuellement cet objet. Je travaille aussi sur des passages piétons en écrivant des bêtises qui font sourire. Mon travail s’articule autour de la rue, du mobilier urbain et de l’humour !

S’agit-il d’une dégradation du bien public ?
Oui, et j’en suis bien conscient. Je relativise toujours cela : aujourd’hui, certains panneaux routiers sont déjà de mauvaise qualité avant d’être détournés parce qu’ils sont censés être réfléchissants. Les fabricants m’ont expliqué qu’au bout de 15/20 ans maximum ces panneaux devraient être changés et beaucoup ont plus de 20 ans, leur date de fabrication est au dos. Ceux sur lesquels des autocollants ont été apposés ne sont également plus aux normes. Le plus gros problème que je pourrais avoir n’est pas tant d’être pris en flagrant délit par la police que plutôt par le fait que la ville porte plainte. C’est pourquoi je travaille dans les petites villes. Et si deux jours plus tard, le panneau est retiré, cela ne sert à rien d’insister sur cet emplacement. Le panneau routier est certainement l’objet que l’on croise le plus au quotidien. En y ajoutant quelque chose, il reste lisible mais devient encore plus visible dans l’espace urbain. C’est gagnant-gagnant pour tout le monde. D’ailleurs, en avril, j’ai été invité par Codes Rousseau, une des sociétés qui éditent du matériel pédagogique sur le code de la route, pour leur premier congrès national. J’ai montré mes déroutements aux moniteurs d’auto-école qui m’ont dit : si les sens interdits étaient détournés, je suis sûr que nos élèves les verraient mieux !

Depuis 2023, vous avez enchaîné les expositions mais c’est le premier solo, dans le cadre du Festival des Cultures Urbaines…
J’ai commencé à exposer en 2021, au Carré des Coignard, à Nogent-sur-Marne (94). Depuis, j’ai réalisé une série d’expositions en petits groupes. Ravel tombe dans le piège au Centre Maurice Ravel marque une étape plutôt sympa, notamment dans le cadre du Festival des Cultures Urbaines qui propose un beau concentré d’art urbain dans le 12e arrondissement. J’aime le décor de la rue mais il n’arrive jamais de trouver beaucoup de panneaux détournés dans les rues avoisinantes. L’idée de l’exposition était de rassembler le plus grand nombre possible en un seul lieu. Tous les panneaux présentés ici ont été achetés neufs auprès d’un fabricant.


Organisez-vous également des ateliers tout au long de l’année ?
Oui, dans le cadre du Festival des Cultures Urbaines, des ateliers sont organisés, par exemple le samedi 11 mai de 14h à 16h. Il s’agit de montrer comment je travaille vite dans la rue et de permettre aux petits et aux grands de repartir – gratuitement – avec un détournement qui ils ont fait. En parallèle, j’organise des ateliers avec des écoliers de collèges et lycées. Le plus souvent c’est un atelier de 2 heures où je ramènerai plusieurs panneaux sur feuilles pour expliquer ce qu’est l’art urbain, ce qu’est le détournement de panneaux, ce qu’est un bon détournement. Ensuite, j’essaie de travailler avec eux sur de nouveaux détournements. Ces ateliers sont pour la plupart animés par PassCulture. Je collabore également avec le théâtre Gérard Philippe de Frouard en Meuthe-et-Moselle pour leur manifestation Bougeotte, qui a lieu fin mai. J’ai travaillé avec eux sur une signalétique différente de l’ordinaire.

Juliette

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