Pressé par deux récentes études, dont la dernière a été rendue publique mardi, et par des finances publiques dégradées, le gouvernement français continue d’écarter des hausses d’impôts ciblées sur les plus grands patrimoines. Ces derniers connaissent une « forte régressivité (de leur) taux d’imposition global », selon l’Institute of Public Policy.
Taxer les plus gros patrimoines français ? La question est revenue sur le devant de la scène ces derniers jours. L’économiste Jean Pisani-Ferry a d’abord proposé de réintroduire temporairement une forme d’impôt sur la fortune pour financer la transition écologique. Puis l’Institut des politiques publiques (IPP) est venu jeter, mardi 6 juin, une nouvelle pierre dans le jardin de l’exécutif – qui s’emploie depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2017 à alléger la pression fiscale.
Si les quatre auteurs de la note IPP qui ont utilisé des données de 2016 reconnaissent que les impôts de l’écrasante majorité des contribuables français sont proportionnels à leurs revenus, ils constatent « une forte régression du taux d’imposition global » une fois franchi le seuil des plus riches 0,1% des Français.
Ces 37 800 ménages français les plus aisés, qui perçoivent plus de 627 000 euros annuels, ont un taux d’imposition global de 46 %. Mais ce taux diminue à mesure que les revenus de ces ultra-riches augmentent, jusqu’à tomber à 26 % pour les 75 foyers fiscaux les plus aisés.
Une particularité qui s’explique par la nature des revenus des Français les plus fortunés, qui sont souvent rémunérés avec les bénéfices non distribués de leurs entreprises, soumis à un taux d’imposition plus avantageux que les salaires ou les revenus du patrimoine.
« C’est désormais avéré, les milliardaires ne paient quasiment pas d’impôts », s’est empressé de réagir Éric Coquerel, président LFI de la commission des finances de l’Assemblée nationale. « La note confirme la forte progressivité de l’impôt en France », rétorque l’entourage du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui ferme à nouveau la porte à tout retour d’un impôt sur la fortune (ISF).
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Dans un contexte où les agences de notation surveillent de près les finances publiques françaises, et où l’État tente toujours de trouver les moyens de financer le verdissement de l’économie, les questions fiscales sont suivies comme du lait sur le feu par l’exécutif.
L’exécutif pas favorable à une taxe sur les bénéfices non distribués
L’IPP écarte bien sûr la piste très controversée d’une réintroduction de l’ISF, jugé inefficace pour capter la part des revenus des ménages les plus aisés qui échappe à l’impôt. Mais il propose de soumettre à l’impôt sur le revenu les bénéfices non distribués des holdings, une proposition reprise par Éric Coquerel.
Peu convaincu, Bercy souligne que les bénéfices non distribués « sont généralement réinvestis dans l’emploi et la croissance » des entreprises, et qu’il serait donc contre-productif de les taxer. L’exécutif croit davantage à l’impôt minimum global de 15 % sur les bénéfices des multinationales, une mesure qui devrait être transposée en droit français à l’occasion du projet de budget pour 2024.
Pour taxer les ultra-riches, « une solution viable à long terme ne peut être qu’internationale », glisse-t-on à Bercy. Avec un taux d’imposition aussi bas que 15 %, « la contrainte ne mord pas vraiment », relativise Arthur Guillouzouic, co-auteur de l’étude de l’IPP.
La réaction prudente du gouvernement à cette étude rappelle l’attitude qu’il a adoptée fin mai lors de la publication du rapport Pisani-Ferry.
« Nous n’augmenterons pas les impôts. Nous ne pensons pas qu’un nouvel impôt, une nouvelle taxe soit la solution » pour trouver les dizaines de milliards d’euros nécessaires au financement de la transition écologique, a alors martelé Bruno Le Maire en réponse à la proposition d’un taxe exceptionnelle sur le patrimoine financier des Français les plus fortunés.
S’appuyant sur les données 2016 fournies par Bercy, les « seules actuellement disponibles » selon l’IPP, la note ne tient pas compte des réformes fiscales intervenues depuis : remplacement de l’ISF par l’ISF, mise en place d’un forfait taux de prélèvement de 30% sur les revenus du capital ou réduction de 33,3% à 25% du taux de l’impôt sur les sociétés (IS).
Avec l’AFP
France 24