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Le fabuleux destin de Noor Jahan

Elle doit avoir environ 35 ans. L’âge où l’on a déjà un long chemin derrière soi. Une partie de sa famille vient de la Nubra, une région coincée entre la chaîne du Karakoram et l’Himalaya, mais Noor a grandi à Leh, en Inde. C’est une fille de la ville. Même si Leh dans les années 1990, jusqu’à récemment, ressemblait davantage à un village. Avec ses grands yeux verts et son sourire sincère, elle m’accorde un moment dans son atelier.

Pourquoi choisir d’étudier la restauration d’art himalayen à Delhi ?

Quand elle évoque son périple, Noor évoque naturellement une succession d’événements et de rencontres fortuites. Il n’y a pas toujours de raison aux choses. Bien sûr, ayant grandi au Ladakh, elle a toujours vu des peintures religieuses autour d’elle, principalement de l’art bouddhiste tibétain. Elle se souvient d’un endroit dans la Nubra où elle attendait le bus lorsqu’elle rendait visite à ses grands-parents. Sur la route du village, elle a vu plusieurs stupas le long du chemin, de petits monuments décorés de vieilles peintures qui se sont estompées au fil des années.

Après avoir étudié le commerce à l’Université de Delhi, quelque chose lui disait clairement qu’elle n’était pas sur la bonne voie. « Je ne pouvais pas imaginer avancer dans ma vie professionnelle sans passion pour ce que je faisais. » Un retour au pays durant les mois d’été, à Leh, lui ouvre alors d’autres perspectives. Elle rencontre une équipe de restaurateurs d’œuvres d’art du Tibet Heritage Fund, une association qui œuvre pour la protection du patrimoine architectural local : « Ils travaillaient sur un projet pour un ancien temple bouddhiste, j’étais fasciné », dit-elle. Une simple discussion avec eux va changer sa vie. Elle s’informe et comprend qu’elle peut continuer ses études en histoire de l’art et en restauration.

Elle poursuit un master au Delhi Institute of Heritage Research and Management, cumulant stages et expériences comme au monastère de Diskit dans la vallée de la Nubra, où elle travaille avec une équipe tchèque, rencontre et interagit avec les moines du monastère qui l’intègrent comme si elle était l’une des leurs. Tout ce qu’elle étudie à Delhi durant l’année trouve son sens dès qu’elle vient au Ladakh aux beaux jours pour y mener des missions liées au riche patrimoine local à préserver.

Retour au Ladakh

Après des années d’expérience en Inde et à l’étranger, et après avoir obtenu son doctorat au National Museum Institute de Delhi, Noor a décidé de créer son propre atelier de restauration d’œuvres d’art, Shesrig Ladakh. Ouvert depuis 2022, c’est un lieu hors du temps, installé dans une maison de la vieille ville que Noor, avec le soutien d’associations et de l’ambassade d’Allemagne, a rénové. Avec sa brillante équipe de restaurateurs d’art, elle travaille toute l’année sur différents projets, sur des fresques anciennes, des manuscrits religieux, et bien sûr des thangkas, ces peintures sur toile de coton caractéristiques de la culture tibétaine.

« Les gens savent maintenant que nous pouvons sauver leurs œuvres et ils les amènent à l’atelier. Ils savent que les tableaux de valeur qu’ils ont chez eux peuvent reprendre vie même s’ils sont très abîmés. Je crois que cela renforce leur appartenance, leur identité, grâce à la valorisation de leur culture. »

En devenant entrepreneure et en créant son atelier, elle a pu revenir vivre à Leh avec un projet durable tout au long de l’année. « Je ne voulais plus seulement venir en mission estivale auprès de diverses associations de protection du patrimoine. » En parlant d’initiatives culturelles au Ladakh, elle évoque Palay House, une maison située dans le village de Phey, à une dizaine de kilomètres de Leh, restaurée par ses collègues de l’association Achi, qui accueille des expositions de qualité, comme celle cet été d’un photographe passionné par la vie sauvage, Karamjeet Singh. Un autre talent local à découvrir !

Comment devient-on gardien de but pour l’équipe féminine indienne de hockey sur glace ?

Enfant, Noor jouait sur les lacs et rivières gelés du Ladakh pendant l’hiver. Petit à petit, les choses sont devenues plus sérieuses. L’équipe féminine n’existe en Inde que depuis 2016. Et comme elle me le rappelle, ces femmes ne peuvent pratiquer leur sport favori que deux à trois mois par an, car elles dépendent de la glace naturelle. Il n’y a pas de patinoire artificielle au Ladakh. Elle m’explique aussi que le matériel de hockey est cher : il est importé et va en priorité aux clubs masculins. Mais au-delà du prix, c’est surtout qu’il n’y avait rien pour les joueuses, « Jusqu’en 2016, nous devions l’emprunter à nos camarades. Heureusement, les choses changent aujourd’hui. » Le soutien de Noor est immense au sein de l’équipe, mais aussi à travers la Ladakh Women Ice Hockey Foundation qui fait tout pour encourager et développer ce sport au Ladakh.

Le parcours de Noor n’a pas été de tout repos. Elle a dû surmonter de nombreux défis, dans sa vie professionnelle et dans le sport aussi. Parce qu’elle appartient à la communauté musulmane de Leh et parce qu’elle est une femme. Que fait cette jeune fille ici avec des moines qui restaurent l’art religieux tibétain ? « Même si ma famille et mes amis me soutiennent aujourd’hui, je pense qu’ils ne comprennent pas toujours ce que je fais concrètement. Ou alors ils pensent que c’est plutôt un hobby. » Mais, au-delà de sa passion, pendant son temps libre, ce que Noor aime, c’est sillonner les routes de la région sur sa moto et se sentir libre ! Au point d’être repérée par la marque Royal Enfield, qui a souhaité l’avoir comme ambassadrice pour différentes campagnes publicitaires. On les comprend !

Anna

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