MMĂȘme secouĂ© par les polĂ©miques qui ont suivi le dĂ©part du rĂ©alisateur Bruno Barde et l’Ă©viction d’Ibrahim Maalouf et de MaĂŻwenn du jury, le Festival de Deauville tremble mais reste fidĂšle Ă ses fondamentaux : le cinĂ©ma amĂ©ricain. L’Ă©vĂ©nement tente de se faire une place entre deux mastodontes, les festivals de Venise et de Toronto, qui se dĂ©roulent au mĂȘme moment et lui font concurrence.
En plus des films qui sortiront bientĂŽt en salles, comme Lee Millersur la vie de la premiĂšre femme photojournaliste de guerre interprĂ©tĂ©e par Kate Winslet (9 octobre), Beetlejuice Beetlejuicela suite dĂ©jantĂ©e du film culte de Tim Burton (11 septembre) ou encore Anora (30 octobre), Palme d’or de Cannes dont l’hĂ©roĂŻne Mikey Madison sera rĂ©compensĂ©e, le Festival du cinĂ©ma amĂ©ricain de Deauville fait la part belle Ă la promotion des cinĂ©astes indĂ©pendants en quĂȘte d’un distributeur en Europe qui leur garantira une sortie en salles.
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Ici les hommages se succĂšdent et aprĂšs le prix d’honneur dĂ©cernĂ© Ă Michael Douglas, ce fut le tour de BenoĂźt Magimel, Ă©galement prĂ©sident du jury de ce 50et Ă©dition, de recevoir le prix numĂ©rique de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) pour l’ensemble de sa carriĂšre. Un hommage sans doute un peu prĂ©maturĂ© pour l’acteur de 50 ans qui, mĂȘme s’il a dĂ©butĂ© trĂšs tĂŽt dans le mĂ©tier, Ă 13 ans en La vie est un long fleuve tranquillen’a aucune intention de raccrocher.
Omar Sy, un passeur de migrants sans scrupules
Parmi les films indĂ©pendants en compĂ©tition pour l’Ă©dition 2024, L’affaire des Ă©trangers (Le cas des Ă©trangers). Dans son premier long mĂ©trage, Brandt Andersen, 46 ans, aborde la tragĂ©die des rĂ©fugiĂ©s syriens et cite Shakespeare qui, il y a quatre siĂšcles, explorait le sort des Ă©trangers dans une piĂšce Ă©crite par plusieurs auteurs, Monsieur Thomas Moreconseiller d’Henri VIII qui mourut dĂ©capitĂ©.
Le cinĂ©aste et producteur amĂ©ricain s’en est inspirĂ© au point de reprendre le titre original et nous entraĂźne dans un rĂ©cit fragmentĂ© du cĂŽtĂ© d’Alep, en pleine guerre civile syrienne. L’histoire ? Une chirurgienne, Amira, et sa fille, Rasha (Massa Daoud), sont contraintes de quitter le pays aprĂšs le bombardement de leur appartement dans lequel ses parents sont morts. Leur fuite dĂ©clenche une rĂ©action en chaĂźne qui affecte la vie de quatre familles liĂ©es par un mĂȘme destin, de la Syrie Ă la GrĂšce en passant par la Turquie.
Ces deux personnages principaux sont rejoints par un soldat, un passeur sans scrupules jouĂ© par un terrifiant Omar Sy avec les rĂ©fugiĂ©s qu’il rançonne et, par ailleurs, un bon pĂšre de famille, un poĂšte et un garde-cĂŽte grec traumatisĂ© par ces rĂ©fugiĂ©s qu’il tente de sauver de la noyade. TournĂ© en dĂ©cors naturels aux Ătats-Unis, en Jordanie et en Turquie, L’affaire des Ă©trangers multiplie les images choquantes de la guerre civile en Syrie et du martyre des populations civiles rĂ©fugiĂ©es dans les camps dâaccueil en Turquie.
Suite Ă son court mĂ©trage de vingt-trois minutes RĂ©fugiĂ© (2020), qui avait Ă©tĂ© montrĂ© dans des festivals, Brandt Andersen, trĂšs engagĂ© sur le sujet des rĂ©fugiĂ©s au sein de sa fondation (The Reel), reprend les mĂȘmes personnages et passe Ă un format de quatre-vingt-dix-sept minutes, accentuant le poids dramatique de l’intrigue propulsĂ©e par la musique trĂšs thĂ©Ăątrale de Nick Chuba qui, par moments, frise l’overdose.
L’horreur de la guerre est ici filmĂ©e de maniĂšre rĂ©aliste dans toute sa cruautĂ©, avec des scĂšnes de bombardements spectaculaires, et transforme le film en un tĂ©moignage poignant sur un sujet qui renvoie inĂ©vitablement Ă un Ă©vĂ©nement dramatique d’actualitĂ© qui touche l’Europe.
InfluencĂ© par le style du cinĂ©aste mexicain Alejandro Gonzales Inarritu (Birdman, le revenant), adepte du rĂ©cit fragmentĂ© et choral oĂč diffĂ©rents personnages se retrouvent liĂ©s par le mĂȘme destin (Bitch Loves, Babel, 21 grammes), Brandt Hendersen suit le mĂȘme schĂ©ma narratif. Son film s’inscrit dans la lignĂ©e Moi capitaine de Matteo Garrone, l’odyssĂ©e de deux jeunes sĂ©nĂ©galais pour rejoindre l’Europe, et Bordure verte d’Agnieszka Holland, qui suit une famille syrienne dans son Ă©prouvant voyage vers la SuĂšde. Des films engagĂ©s qui, Ă travers des histoires dramatiques, mettent en lumiĂšre l’ampleur du drame migratoire.