Le général Mahamat Idriss Déby Itno, proclamé chef de l’Etat tchadien il y a trois ans par l’armée, a remporté lundi l’élection présidentielle avec 61,03% des voix, selon les résultats officiels provisoires de la commission électorale jeudi.
Il a battu son Premier ministre Succès Masra qui n’a recueilli que 18,53% des voix, selon ces résultats qui doivent être validés par le Conseil constitutionnel.
Peu après l’annonce de ces résultats, des militaires ont tiré en l’air à l’arme automatique dans la capitale N’Djamena, par joie et évidemment pour dissuader les gens de se rassembler, ont rapporté des journalistes de l’AFP.
M. Masra avait affirmé plus tôt dans la soirée avoir été élu dès le premier tour, accusant par avance le camp de M. Déby d’avoir truqué les résultats pour le proclamer élu.
La compilation des résultats par son propre camp “confirme la victoire du premier tour, celle du changement par rapport au statu quo”, a annoncé M. Masra dans un long discours sur sa page Facebook. “La victoire est éclatante et sans tache.”
“Tchadiens, mobilisez-vous pacifiquement, dans le calme (…) pour prouver votre victoire”, a-t-il déclaré.
Cette élection doit marquer la fin d’une transition militaire de trois ans et de nombreux observateurs estimaient qu’il y a encore 10 jours c’était joué d’avance en faveur du jeune général de 40 ans.
Mais l’économiste Masra, 40 ans également, a surpris tout le monde en rassemblant des foules considérables lors de sa campagne, au point de s’enhardir et de se dire capable de gagner, sinon de pousser M. Déby jusqu’au second tour prévu en juin. 22.
L’annonce des résultats par l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE), composée et désignée par le pouvoir militaire, était anticipée de 12 jours sur le calendrier officiel, laissant place à toutes les spéculations.
Lundi, huit autres candidats étaient en compétition contre MM. Déby et Masra, mais comme ils étaient peu connus ou peu considérés comme hostiles au pouvoir, ils n’avaient aucune chance de remporter plus de quelques voix.
– “Pilote et copilote” –
Dès l’annonce de sa candidature, Masra a indiqué qu’il participait à pérenniser l’équipage actuel de “pilote et copilote” (M. Déby et lui, NDLR) d’un avion volant “vers la démocratie”.
Ses anciens alliés issus d’une opposition très violemment réprimée et muselée depuis trois ans l’accusaient d’être un « traître » rallié à la junte et dénonçaient une candidature censée donner un « vernis démocratique » à une élection « prévue d’avance » en faveur du général, afin de prolonger une « dynastie Déby » vieille de près de 34 ans.
Après 30 ans à diriger le Tchad d’une main de fer, le maréchal Idriss Déby Itno a été tué par des rebelles en avril 2021 alors qu’il se rendait au front, et l’armée a immédiatement proclamé son fils Mahamat président de transition à la tête d’une junte de 15 généraux.
Trois ans plus tard, le jeune général tente de légitimer sa présidence par les urnes. De nombreux observateurs prédisaient encore récemment que ce ne serait qu’une formalité, comme pour son père, officiellement élu et réélu confortablement six fois après son coup d’Etat de 1990.
Mais des ONG internationales ont exprimé leurs doutes sur une élection “ni libre ni crédible”, après que la junte ait réprimé violemment, voire sanglante, toute opposition et écarté de la course à la présidentielle les plus sérieux rivaux du général Déby.
– “Assassiné” –
L’un d’eux, le propre cousin de Mahamat Déby et son plus farouche opposant, Yaya Dillo Djérou, a été tué le 28 février par des militaires qui avaient pris d’assaut le siège de son parti. L’opposition assure qu’il a été « assassiné », d’une « balle dans la tête à bout portant ».
L’existence d’un “système de fraude depuis plusieurs élections” aurait poussé le camp de M. Masra à se méfier de l’ANGE, chargée du décompte des voix, assure à l’AFP un cadre du parti de M. Masra, qui requiert l’anonymat.
En phase avec le reste de l’opposition qui appelait au boycott du vote, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) s’est inquiétée le 3 mai d'”une élection qui ne semble ni crédible, ni libre, ni démocratique”. “dans un contexte délétère marqué par (…) la multiplication des violations des droits de l’Homme”.
Mercredi, le parti Les Transformateurs de M. Masra a dénoncé des “menaces graves” contre son chef et ses partisans ainsi que “des violences et des arrestations arbitraires” contre ces derniers depuis l’élection, ainsi que des fraudes. Et a appelé « le peuple » à « défendre sa volonté exprimée dans les urnes ».
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