Les positions prorusses et la défiance envers le gouvernement du nationaliste hongrois Viktor Orban semblent avoir pesé lourd dans la décision du gouvernement espagnol de bloquer l’OPA (Offre de rachat) présentée par le consortium hongrois Ganz Mavag pour prendre le contrôle de 100% de l’entreprise espagnole de construction de trains Talgo. L’offre, présentée en mars, était alléchante : 5 euros par action, soit une prime de plus de 40%. De quoi valoriser l’opération à 620 millions d’euros. Le risque était toutefois trop grand, selon l’exécutif espagnol, qui a imposé son veto lors du Conseil des ministres du 27 août.
« Talgo est une entreprise stratégique, appartenant à un secteur clé pour la sécurité économique, la cohésion territoriale et le développement industrielLe ministère de l’Economie a résumé la situation dans un communiqué. « Autoriser cette opération comporterait des risques insurmontables pour la sécurité nationale. » Bien que le communiqué ne détaille pas les raisons de ce refus, il dénote l’inquiétude croissante suscitée dans plusieurs capitales européennes par la proximité persistante de M. Orban avec Vladimir Poutine.
Pour prendre sa décision, le gouvernement s’est appuyé sur un rapport du Conseil des investissements étrangers (Jinvex), classé confidentiel, mais qui indiquerait des liens entre le consortium hongrois créé spécifiquement pour cette opération et la Russie. Ganz Mavag est détenu à 45 % par le fonds d’investissement public hongrois Corvinus, et à 55 % par une société, Magyar Vagon, détenue par un fonds d’investissement opaque, Solva II. La Hongrie avait utilisé un véhicule opaque similaire pour acquérir discrètement la chaîne de télévision Euronews en 2022.
Entreprise stratégique pour l’Espagne
Le porte-parole de l’opération, Andras Tombor, était lui-même conseiller du premier gouvernement Orban (1998-2002). Selon le quotidien Le PaysLe rapport Jinvex a été alimenté par des informations provenant des services de renseignement espagnols, rappelant les liens entre Magyar Vagon et le fabricant russe de matériel ferroviaire Transmashholding. « Ce n’est un secret pour personne que nous avons entretenu dans le passé des relations industrielles avec une entreprise russe », M. Tombor l’a reconnu lors d’une conférence de presse à Madrid en juillet, tout en assurant que ces liens avaient cessé après l’invasion russe de l’Ukraine. Le Paysau contraire, les relations persistent entre Magyar Vagon et THM.
Or, Talgo, entreprise fondée en 1942 au Pays basque, est considérée comme stratégique par l’Espagne, ne serait-ce que parce qu’elle dispose d’une technologie clé pour les liaisons ferroviaires nationales et internationales : le changement automatique d’écartement des essieux, qui permet aux trains à grande vitesse de circuler sur des largeurs de voies ferrées différentes. Cette technologie présente un intérêt majeur pour les pays de l’ex-URSS, où l’écartement est différent de celui du reste de l’Europe, et présente ainsi un intérêt fondamental pour la mobilité, notamment militaire, des pays baltes, rappelait en avril le ministre espagnol des Transports, Oscar Puente, opposé à l’OPA.
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