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le jour où le tribunal a publié la première vidéo


“JEJe vais ouvrir le fichier nuit du 24 au 25 février, abus avec Jacques… », prévient la présidente de la cour d’assises d’Avignon. Il est environ 16h30, jeudi, lorsque la salle d’audience retient son souffle. Au procès des viols de Mazan (Vaucluse), c’est la première fois que sont diffusés les actes filmés par Dominique Pélicot. Gisèle Pélicot, la victime, a de nouveau accepté qu’ils soient diffusés, uniquement sur les écrans du tribunal accessibles aux médias, pas au public. « Hier, ils m’ont humiliée, alors aujourd’hui, c’est moi qui vais les humilier », souffle-t-elle avec détermination lors d’une suspension d’audience.

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Ce qui frappe, c’est le bruit. Les ronflements résonnants. Ce corps inerte sur un lit, en lingerie fine, les yeux clos, la bouche entrouverte. La lumière tamisée. Mais surtout ces ronflements puissants, qui ne laissent aucun doute sur le sommeil de la victime. Pendant la diffusion, qui a duré quelques minutes, certains des coaccusés fixent les écrans. D’autres regardent leurs pieds. Et l’accusé du box des accusés, Jacques C., regarde les téléviseurs la bouche ouverte, l’air sans voix. Les acteurs du procès s’étaient préparés à ces images. Les avocats les ont déjà lues. Et pourtant. Quand la tension retombe, les journalistes font la moue, se regardent avec dégoût, comme pour dire : est-ce qu’on vient vraiment de voir ce qu’on a vu ?

À LIRE AUSSI Procès pour viol de Mazan : « Je suis un violeur comme ceux qui sont dans cette salle »On ne se risquera pas à décrire en détail ces séquences insoutenables. Personne ne veut les voir. Pourtant, la cour – des magistrats et non un jury – doit le faire, car elle est censée faire la lumière sur le cas de Jacques C, 73 ans, un retraité bedonnant en chemise blanche, cheveux gris et lunettes noires. Il risque 20 ans de prison et nie le viol qui lui est reproché.

Ces images éclairent en réalité bien plus que ce cas précis. Elles mettent à mal la version de la majorité des accusés, qui affirment ne pas avoir eu conscience d’avoir eu des relations sexuelles avec une femme endormie. Outre les ronflements évidents, la posture décousue et d’autres détails physiques sont sans équivoque. Et l’on peut remercier Gisèle Pélicot d’avoir donné accès à la presse pour le confirmer.

« J’ai été un peu lent à comprendre »

Avant cette soirée de février, les deux habitants de Mazan se sont mis en contact sur le site Coco.fr. « Elle aura pris un somnifère et elle sera endormie », rassure Dominique Pélicot, qui propose à Jacques C. de venir coucher avec sa femme chez lui, sans évoquer de mise en scène. Dès le lendemain (ou le soir même, selon Jacques C.), la rencontre a lieu. « Je crois que j’ai affaire à un couple libertin », assure le retraité. « Mais quand vous allez sur place, vous savez qu’elle dort ? », s’interroge Me Antoine Camus, l’avocat de Gisèle Pélicot. « C’était peut-être une personne timide… », croit savoir l’accusé.

Dominique Pélicot l’accueille nue sous un tee-shirt blanc. Le violeur de Mazan lui donne quelques consignes : ne pas faire de bruit ni de mouvements brusques pour éviter qu’elle ne se réveille. Il lui demande ensuite de se déshabiller dans le salon, puis l’entraîne dans la chambre et l’encourage à toucher sa femme. « J’ai l’impression que les choses ne sont pas ce que je pensais », pense Jacques C., qui mettra quand même plusieurs minutes à comprendre la situation… « J’ai été un peu lent à me mettre en route », regrette le retraité qui avoue des attouchements, mais pas des viols.

S’il a continué ses agissements, c’est qu’il attendait qu'”elle se réveille”. “J’ai fait ce qu’on m’a dit, et il n’y a eu aucune réaction”, poursuit-il, plaidant la “naïveté”. “Je me sentais de plus en plus mal, et j’ai fait une fellation à M. Pélicot parce que je ne voulais plus toucher cette dame. Cette fellation est une évasion, pas une satisfaction”. Soudain, Gisèle Pélicot bouge. Jacques C. en profite pour s’habiller et quitter les lieux.

Pourquoi ne l’a-t-il pas fait avant ? La « stature » et la « façon de diriger les choses » de Dominique Pélicot l’avaient impressionné. « Je suis nu dans cette pièce et quelqu’un dirige les choses », se souvient-il. « Pouvez-vous me dire quelle était la menace à ce moment-là ? », s’étonne Me Antoine Camus. « Je ne voulais pas le contrarier », répond simplement l’accusé. L’état léthargique de Gisèle Pélicot ne semble pas l’avoir contrarié au point de s’en inquiéter. « Je ne suis pas médecin, je ne suis pas secouriste », se défend Jacques C., même s’il a exercé comme pompier professionnel pendant plusieurs années. « Je me suis fait avoir, c’est sûr. »

” Je vous demande pardon “

« Quand j’ai traversé le jardin, je me suis dit que j’allais le signaler », soupire-t-il en se tournant vers Gisèle Pélicot. « Le lendemain, je reprends le travail plus tôt. Et puis, la vie continue comme d’habitude… » Il ne reverra jamais le couple Pélicot. « Si j’avais entendu le mot drogue, je ne serais jamais venu », assure Jacques C. « C’est un mot qui m’aurait révolté. Mais Dominique Pélicot m’a dit : ‘elle a pris sa pilule, elle s’est couchée’. » « Depuis le début, il sait très bien ce qu’il a fait, c’est trop facile de s’excuser », l’accable Dominique Pélicot au box des accusés, contredisant une partie de son récit.

Jacques C., un homme « unanimement apprécié et dévoué à son entourage », selon l’enquête de personnalité, était entre autres bénévole aux Restos du Cœur et chauffeur de bus scolaire pour jeunes handicapés. Son avocat insiste sur son côté bon samaritain avec emphase. Sur leur banc, Gisèle Pélicot et sa fille Caroline sont prises d’un fou rire nerveux.

Comme s’il attendait ce moment depuis longtemps, l’accusé se tourne vers eux. « Quand j’ai appris ce qui s’est passé, j’étais dévasté, renifle-t-il. Je ne m’en remettrai jamais. Je m’excuse, et j’espère que ta famille s’en remettra. » Tournée de trois quarts, Gisèle Pélicot ne le regarde pas. « Vos excuses semblent manquer de profondeur, attaque Me Stéphane Babonneau. Avez-vous un appareil pour le mesurer ? » lui lance Jacques C.

L’accusé n’a cessé d’exprimer ses regrets, parfois avec une maladresse déroutante au vu des faits reprochés : « J’ai toujours mis le plaisir des femmes en premier, dans l’acte c’est le plus important », osait-il, ou encore : « J’ai un profond respect pour les femmes. Si mon ex-femme était là, elle dirait : « Il aime les femmes, dans leur intégralité » Une partie de la salle lève les yeux au ciel. Cette phrase, qui passe mal auprès des parties civiles, devient inaudible après la diffusion des vidéos. « Croyez-vous encore avoir toujours respecté les femmes après ce qu’on vient de voir ? », le réprimande encore Me Stéphane Babonneau. « Oui », soutient Jacques C.

La projection des vidéos déplaît fortement à l’avocat de l’accusé, qui déplore le « sensationnalisme ». « On n’établit absolument rien sur ces vidéos ! », se plaint-il, car selon lui, elles ne permettent pas d’établir clairement le viol – seulement l’agression sexuelle. Ces brèves séquences auront néanmoins confirmé une chose : le procès des viols de Mazan est tellement insoutenable qu’on n’en raconte qu’un quart.


Anna

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