Chaque jour, une personnalité s’invite dans l’univers d’Élodie Suigo. Mardi 19 septembre : la réalisatrice, Josée Dayan. A 21h10 sur France 2, elle fait un saut dans les années 50-60 avec le film « Adieu Vinyle » avec Isabelle Adjani, Mathieu Amalric et Barbara Pravi.
Josée Dayan est réalisatrice et amoureuse des images, mais aussi des actrices et des acteurs. Elle a toujours été différente, inclassable, pertinente, parfois impertinente, ouverte si les arguments sont bons. C’est aussi ce qui fait sa personnalité, déterminée par ses convictions et la nécessité de faire de ses films des vitrines pour mettre en valeur des histoires, des acteurs et des actrices.
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Lundi 18 septembre à 21h10 son dernier film sera diffusé sur France 2 Au revoir vinyle avec Isabelle Adjani, Mathieu Amalric, Jérôme Deschamps, Barbara Pravi, Jacques Bonnaffé et Matthieu Dessertine.
franceinfo : Isabelle Adjani est sans doute une actrice que vous aimez et que vous aimez mettre en valeur.
Josée Dayan : Oui, j’aime les actrices et Isabelle est une grande actrice. Pour un réalisateur, c’est un cadeau de pouvoir filmer une actrice comme elle car elle a une façon d’aborder ses personnages si insolite, si inattendue. Vous lisez un scénario et vous vous dites : « D’accord, c’est l’histoire.» et puis elle a une manière différente de le raconter parce qu’il y a sa sensibilité qui entre en jeu et c’est pour ça qu’elle est cette actrice et qu’elle fait cette carrière depuis qu’elle a commencé à 16-17 ans, en français.
« Isabelle Adjani a justement une manière d’aborder ses personnages qui lui est propre. »
Josée Dayansur franceinfo
Elle te fait vraiment confiance. Elle ne dit pas oui à tout le monde !
Un film est une relation entre un acteur et un réalisateur, c’est un émetteur-récepteur. J’aime filmer Isabelle. Je pense qu’elle aime être filmée par moi parce que nous avons une vraie connexion.
Dans ce film, nous sommes dans les années 50 et au début des années 60. Une star et deux hommes. Elle est vraiment au faîte de sa gloire, mais en même temps, on sent qu’elle peut être très fragile. Et puis d’un côté, il y a son mari qui est fou amoureux, mais qui a compris qu’elle ne le regarde plus et de l’autre, il y a son amant, qui est lui aussi très amoureux d’elle.
Oui, je pense que c’est plus complexe que ça car en vérité le couple formé par Isabelle Adjani et son mari Mathieu Amalric est un couple déchiré, on pourrait dire comme Elizabeth Taylor et Richard Burton, mais c’est un couple indissociable. C’est-à-dire qu’il existe entre eux une véritable passion, une passion destructrice, mais une passion.
On se rend compte que la passion ne faiblit pas en vous ?
Non ! Ma société cinématographique s’appelle « Passion Films ». Quand je l’ai créé, j’en ai parlé à Jeanne Moreau et je lui ai dit que je venais de créer une société de production et que je ne savais pas comment l’appeler. Elle m’a dit : Mais appelle ça « Passion Films », parce que tu es passionné.
Les acteurs vous font confiance pour ça. Lorsqu’ils viennent vous voir, ils savent que vous êtes constamment engagé.
Ils savent en tout cas que je ferai tout pour ne pas les trahir. Ça c’est sûr.
N’est-ce pas lourd de porter cet engagement sur ses épaules ?
Non, parce que je n’aimerais pas avoir un regard pervers sur eux et les trahir. Je serais moi-même extrêmement malheureux. Quand je veux tourner avec un acteur ou une actrice, je veux les mettre en valeur et je veux les filmer du mieux possible pour essayer de recréer ce qu’ils dégagent, ce que dégage leur regard, les émotions qui nous traversent. Et je sais qu’il y a certains réalisateurs qui sont bien plus cyniques que moi. Je ne suis pas cynique.
Dans vos films, il y a toujours cette notion de mémoire. Quel est votre rapport aux souvenirs ?
Les souvenirs vivent en vous, vous façonnent. Vous êtes qui vous êtes parce que vous êtes aussi plein de souvenirs.
« Les souvenirs sont importants. Il ne s’agit pas de regarder en arrière, mais on ne peut pas non plus claquer une porte et tourner une page pour de bon. Non. »
Josée Dayansur franceinfo
C’est comme si cette merveille ne vous quitterait jamais.
Et bien non. Quand j’avais 22 ou 23 ans, j’ai réalisé un film musical produit par Bernard Gavoty et je suis allé filmer Arthur Rubinstein dans son hôtel particulier à Paris, avenue Foch. Je pense qu’il avait 83, 84 ans. Pour moi, évidemment, il était à la fois un monument, mais c’était un vieil homme. J’avais l’impression d’être chez Toutankhamon. Je lui ai demandé : comment fais-tu pour avoir encore cet émerveillement à ton âge ? Et il éclata de rire et répondit : Tu sais, tu as raison, j’ai 85 ans et depuis 70 ans, je vais à Gstaad chaque hiver, dans le même hôtel. Je me dis pourquoi il me dit ça ? Et le matin, quand je me réveille, j’ouvre ma fenêtre, je regarde dehors et je suis étonné car je vois de la neige. Le jour où on ne sera plus étonné, il faudra arrêter de vivre.
Cela veut-il dire que le cinéma vous comble définitivement ?
Mais oui, c’est compliqué, mais j’aime ça.
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