Pierre-Yves Le Meur, anthropologue et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement, basé en Nouvelle-Calédonie, revient sur les enjeux politiques et sociaux que représente l’industrie minière sur l’archipel.
L’économie de la Nouvelle-Calédonie se limite-t-elle à l’industrie minière ?
L’archipel reste très dépendant du nickel. Elle est exploitée depuis cent cinquante ans. Et pour de nombreux jeunes vivant dans les communautés minières, l’horizon est la mine. Ils savent qu’ils y travailleront, avec des salaires décents, en oubliant parfois de se poser la question d’un autre avenir. C’est un formatage qui les restreint aussi. Le secteur minier et métallurgique, qui représente 20 % de l’emploi en Nouvelle-Calédonie, n’est pas seulement un acteur économique, c’est aussi un enjeu social et politique. Elle absorbe de plus en plus une main d’œuvre kanak depuis plusieurs décennies.
La mine a progressivement fait émerger des trajectoires longues de salariat kanak depuis les années 1960, et la politique de rééquilibrage issue des accords politiques a également joué dans ce sens. Le modèle d’emploi s’est transformé. Les ouvriers kanak concernés sont aujourd’hui des opérateurs de machines, employés dans la construction autour des mines, ils réhabilitent les sites après exploitation… Certains sont des cadres moyens ou supérieurs avec une formation universitaire de deux ans ou plus. Le secteur s’est également féminisé, les femmes représentant, dans certains endroits, 30 % des salariés.
Les mines ont donc donné naissance à une bourgeoisie kanak…
Ces communautés sont entrées à la fois dans le monde civique – avec le droit de vote – et dans l’économie de marché avec la libéralisation politique des années 1950 ou 1960. On a également assisté à une hausse du niveau moyen des diplômes, même si celle-ci a été très lente. Le premier diplôme d’études secondaires kanak date de 1962, ce qui en dit long sur le cuirassé colonial. A cet égard, au sein même de l’archipel, on observe un écart entre la Grande Terre et les îles Loyauté, qui ont subi une colonisation moins brutale et affichent des niveaux moyens de formation plus élevés. Les Kanaks des îles Loyauté sont ainsi relativement surreprésentés parmi les dirigeants des sociétés minières.
Le niveau de vie des Kanak reste, en moyenne, inférieur à celui des autres communautés. Les statistiques ethniques montrent des différences significatives en termes de pauvreté et de revenu médian, même s’il existe également une population blanche moins aisée. Ce revenu médian dans les communes à majorité kanak de la côte Est ne représente que 40 % de celui de Nouméa. Et les inégalités socio-économiques sont, globalement, bien plus élevées en Nouvelle-Calédonie qu’en France métropolitaine.
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