EEn novembre 2017, à l’Université de Ouagadougou, le président Emmanuel Macron déclarait : « Je souhaite que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour une restitution temporaire ou définitive du patrimoine africain en Afrique. » Suite aux luttes menées par les peuples dépossédés depuis des décennies, cette déclaration, suivie du rapport Sarr-Savoy en 2018, a suscité de grands espoirs sur le continent africain, en particulier dans les pays francophones dont certains des plus grands trésors se trouvent en France depuis la colonisation. conquêtes.
En décembre 2020, la France a adopté une loi qui a permis le rapatriement de certains trésors vers le Bénin et le Sénégal. En 2023, après l’adoption de deux lois de restitution portant respectivement sur les biens des familles juives dépossédées et sur les restes humains, nous avons suivi avec beaucoup d’espoir et d’attention le projet législatif concernant les biens confisqués aux peuples colonisés.
A travers des politiques culturelles ambitieuses, la construction ou la rénovation de musées et le renforcement de leurs institutions patrimoniales, nos pays s’apprêtaient à accueillir avec joie le retour de leur patrimoine au pays natal. Le Bénin construit dans sa capitale, Porto Novo, un musée international du vodun, déjà primé pour son architecture, où est attendue la célèbre statue du dieu Gou.
Série de vices
Le report de la loi promise est pour nous un choc. Les critiques légitimes du Conseil d’État sur le projet de loi préparé par le gouvernement français, révélées par « Le Monde », mettent en lumière une série de vices. Le Conseil d’Etat constate que ce projet de loi contrevient à un principe fondamental : la sortie du domaine public doit être motivée par un intérêt public supérieur, par un motif impérieux, qui seul peut fonder une dérogation à l’inaliénabilité des collections publiques.
Toutefois, le projet de loi ne cible que les « Conduite des relations internationales et de la coopération culturelle » ; qui ne peut constituer un intérêt public prépondérant. Ce modèle est directement inspiré du rapport Patrimoine partagé : universalité, restitution et circulation des œuvres d’art, reporté en 2023, ce qui n’est pas en accord avec le discours prononcé par le président Macron en 2017 à Ouagadougou. Si la coopération culturelle avec la France, comme avec d’autres pays, nous est chère, elle ne peut remplacer la nécessité de redécouvrir notre patrimoine.
En 1978, Amadou-Mahtar M’Bow, alors directeur général de l’UNESCO, écrivait : « Ces hommes et ces femmes démunis réclament également qu’on leur restitue au moins les trésors artistiques les plus représentatifs de leur culture, ceux auxquels ils attachent le plus d’importance, ceux dont l’absence leur est psychologiquement pénible. , le plus intolérable. Cette affirmation est légitime. » L’intérêt culturel des peuples n’est-il pas une raison impérieuse, un intérêt général supérieur ?
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