« Le sport fait beaucoup de bien aux enfants atteints de paralysie cérébrale »

L’ancien joueur du XV de France (75 sélections de 2005 à 2012) est le parrain de la Fondation pour les paralysies cérébrales. Sa fille de 9 ans, Edith, est touchée par cette pathologie.

Le Figaro. Pourquoi avez-vous accepté de devenir sponsor de la Cerebral Paralysis Foundation ?
Julien Bonnaire : Nous nous préoccupons personnellement de notre troisième fille, Edith, qui aura 9 ans en décembre. Nous avons appris sa pathologie alors qu’elle avait seize mois. Elle marche avec un appareil dentaire aux jambes, le côté droit étant le plus touché. C’est un quotidien parfois lourd, les enfants ne sont pas forcément gentils les uns avec les autres à l’école. Nous ne pouvons pas vraiment prendre conscience de tous ces problèmes tant que nous ne sommes pas personnellement touchés. Il me semblait naturel d’essayer d’apporter ce que je pouvais pour qu’on en parle un peu plus afin de faire avancer la recherche. La connexion s’est faite naturellement.

Comment pouvons-nous aider cette cause ?
Il y a beaucoup à faire. La Fondation cherche des moyens de détecter de plus en plus tôt la paralysie cérébrale, pour intervenir plus tôt sur un cerveau endommagé. Il faut aussi faire connaître un peu plus cette cause. On parle beaucoup du Téléthon et d’autres pathologies, mais on parle moins d’autres, comme la paralysie cérébrale, qui est la première cause de handicap moteur chez les enfants en France. Quatre nouveau-nés sont touchés en moyenne chaque jour, soit 1 500 enfants chaque année. Nous devons également soutenir davantage et mieux les familles. Nous nous retrouvons souvent désemparés en matière d’organisation et de réadaptation. Ce n’est pas facile…

Vous êtes déjà à la tête de l’association Handy Moove et Fun
Nous l’avons créé en 2022. Comme ma femme et moi pratiquons beaucoup de sport, nous cherchions comment aider notre fille dans son quotidien, comment lui permettre, elle aussi, de pratiquer un sport. Nous avons découvert le ski à La Plagne où Marc Gostoli a inventé le « go to ski », une trottinette des neiges adaptée. A trois ans, elle s’amusait tellement… Dès lors, nous cherchions comment faire découvrir à d’autres familles, à d’autres enfants, le plaisir que cela lui procurait. Une première soirée caritative a déjà permis de récolter des fonds pour acheter huit de ces machines, coûtant 2 500 euros pièce, et les mettre à disposition dans différentes stations de ski. Nous avons également pu financer un « Equilève ».

« Le sport fait beaucoup de bien à notre fille. Physiquement mais aussi mentalement. Parce que c’est aussi partager quelque chose en famille, faire comme les autres. L’inclusion est importante pour nous. Mettre les gens dans des cases est facile. »

Dans quelle mesure l’activité physique contribue-t-elle au bien-être de ces enfants atteints de paralysie cérébrale ?
Il existe différentes paralysies, différents handicaps. Mais les activités sportives peuvent toujours être pratiquées… Le sport fait beaucoup de bien à notre fille. Physiquement mais aussi mentalement. Parce que c’est aussi partager quelque chose en famille, faire comme les autres. L’inclusion est importante pour nous. Mettre les gens dans des cases est facile. Nous militons pour que les personnes valides et moins valides pratiquent ensemble.

La paralysie cérébrale n’est pas suffisamment reconnue par les autorités ? Vous vous sentez oublié ?
Oublier ? Dans un sens, non. Nous bénéficions toujours d’un système de santé qui est certainement parmi les meilleurs au monde. Mais au contraire… Un exemple concret. Ma fille a droit au remboursement d’une paire d’attelles par an. Mais si vous n’êtes pas au rendez-vous, si au bout de huit mois, la croissance impose de les refaire, c’est non. Je ne trouve pas cela logique. On ne commande pas la paire d’attelles pour le plaisir, pour décorer la cheminée, mais parce que le petit en a besoin… La vision du handicap doit aussi évoluer. Je me souviens, il y a quelques années, on n’en parlait pas du tout. C’était un sujet tabou. C’est important d’en parler, de sensibiliser les enfants dans les écoles. Quand je vais leur parler, je leur raconte souvent cette histoire : quand tu joues au foot ou au basket et que tu fais les équipes, celui qui reste à la fin, c’est celui qui a un petit problème. Ce ne serait rien de le choisir en premier, mais ce serait beaucoup pour celui qui est concerné. Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain. Ce sont eux qui feront bouger les choses en favorisant l’inclusion.

Est-ce compliqué de bénéficier d’un environnement adapté aux enfants concernés ?
Quand on arrive à être pris en charge, ça va. Edith a fréquenté un centre adapté jusqu’à l’âge de six ans. Ensuite, les enfants sont sur la liste d’attente des centres jusqu’à l’âge de 18 ans. Il y a trois à cinq ans d’attente, faute de structures et d’accompagnement. Notre fille va à l’école normalement, accompagnée d’une AVS. Mais là aussi, il en manque. Il y a encore beaucoup de choses à améliorer mais ce n’est pas facile de progresser car on n’en parle pas assez. Le Téléthon, chaque année, récolte des dizaines de millions d’euros, et c’est très bien. Mais on oublie d’autres pathologies, notamment la paralysie cérébrale qui ne bénéficie pas d’autant d’aides publiques que d’autres associations. La Fondation manque de moyens pour faire avancer la recherche et trouver des solutions. Cela n’avance pas assez vite. Il est étonnant qu’elle ne soit pas plus reconnue alors qu’elle constitue la première cause de handicap moteur chez les enfants.

« C’est difficile pour elle. Parfois elle en a marre, ne veut plus de ses attelles, demande pourquoi ? Il y a des petits coups de blues par moments, puis ça recommence. De toute façon, nous n’avons pas le choix, nous devons continuer d’avancer. »

Qu’est-ce que l’activité physique apporte aux enfants ?
Chez les enfants, âgés de 1 à 4 ans, qui suivent des cours de rééducation intensive par le jeu pendant quinze jours, avec des kinésithérapeutes, on constate un gain de 10 % en motricité. Il s’agit d’une amélioration majeure. Ces cours HABIT-ILE (« Thérapie intensive bimanuelle des mains et des bras incluant les membres inférieurs », NDLR) permettent d’acquérir de nouveaux gestes. Cela a un réel impact car nous devons influencer le développement le plus tôt possible. Cette méthode fonctionne également pour les 6-18 ans. Les muscles ne sont pas mous, comme dans la myopathie. Là, à l’inverse, ils sont très contractés. Le risque est que les os grandissent mais pas les muscles. C’est aussi pour cela que pratiquer une activité sportive fait du bien… Pour parler de notre expérience, quand Edith fait une semaine de ski – et elle arrive désormais à skier quatre heures par jour -, à son retour, son kiné constate une grande différence dans son membres. Ces cours intensifs font travailler le corps. Cela change, s’améliore. La Haute Autorité de Santé recommande de faire du sport. Il a été scientifiquement prouvé que cela est indispensable en cas de paralysie cérébrale.

Les parents sont-ils suffisamment écoutés et aidés ?
Il y a des psychologues qui écoutent les parents. Humain et rassurant. Vous vous posez toujours beaucoup de questions. Edith marchera-t-elle avec un appareil dentaire toute sa vie ? Sera-t-elle capable de se débrouiller toute seule ? Toutes ces questions vous trottent dans la tête, sans que vous ayez déjà les réponses. Il y a des moments où c’est dur. Quand on voit d’autres enfants encore plus touchés, on se dit que ta fille a eu de la chance. Puis, quand on la voit à la maison avec ses cousins, où elle est un peu en retrait, ça rappelle des choses… C’est difficile pour elle. Parfois, elle en a marre, ne veut plus de ses attelles, demande pourquoi ? Il y a des petits coups de blues par moments, puis ça recommence. De toute façon, nous n’avons pas le choix, nous devons continuer à avancer, trouver des solutions pour améliorer notre quotidien. Mais parfois, ce sont les parents qui fixent des limites. Récemment, nous sommes partis au ski avec treize enfants. Douze étaient capables de skier debout. Ils ne pensaient pas que leurs enfants en étaient capables…

Pour aider la Cerebral Palsy Foundation, cliquez ici.

Pour participer à STEPtember, cliquez ici.