Les agriculteurs français et espagnols bloquent les points de passage transfrontaliers le long des Pyrénées depuis le lundi 3 juin en milieu de matinée afin de ” peser “ sur les élections européennes et exigeant, entre autres, une énergie moins chère.
Vers 10 heures, des dizaines de tracteurs espagnols ont rejoint les quelques agriculteurs français positionnés là où l’A9 Montpellier-Barcelone, totalement coupée à la circulation, traverse la frontière dans les Pyrénées-Orientales, à proximité du village du Perthus.
« Aujourd’hui, c’est un blocage historique qui n’a jamais eu lieu en Europe »a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Sébastien Barboteu, 41 ans, éleveur de bovins dans la vallée frontalière du Vallespir (Pyrénées-Orientales) et porte-parole des agriculteurs français mobilisés. “Avant, on s’affrontait, maintenant on s’allie, on a les mêmes problèmes”il se réjouit de cette rare mobilisation commune.
Dès leur arrivée, les manifestants espagnols ont déchargé trois gigantesques poêles à paella qu’ils ont immédiatement commencé à préparer. Des toilettes portables sont même installées.
Un rassemblement « sans étiquette »
A l’image de ce blocage sur l’A9, sept autres points de passage entre l’Espagne et la France sont bloqués lundi, tout le long des Pyrénées, de la Catalogne au Pays basque. Des perturbations importantes sont attendues sur et autour des routes transfrontalières, et pourraient durer plus longtemps que les vingt-quatre heures initialement prévues. L’autoroute A63, qui relie Bordeaux à Bilbao, est également coupée à la frontière.
Dans les Pyrénées-Orientales, l’accès au réseau routier secondaire a été interdit aux poids lourds à partir de 6h30 par la préfecture, qui “fortement” recommandé aux automobilistes de « reporter tout voyage en Espagne et dans le secteur frontalier ».
Cette mobilisation, pour une énergie moins chère et le respect des clauses miroir (qui impliquent d’imposer aux agriculteurs des pays tiers les mêmes normes environnementales que celles prévues en Europe), a la particularité de n’avoir pas été organisée par les syndicats agricoles traditionnels. .
« Ce n’est pas normal qu’on nous impose des normes qui ne sont pas respectées sur les produits que nous importons »explique Xabi Dallemane, l’un des organisateurs de ce rassemblement “sans étiquette” au Pays Basque. Pour cet éleveur de bovins et de canards basé à Bidache, l’exploitation est “pacifique” dans le but de « faire pression sur nos futurs députés ».
“Personne n’achèterait jamais un jouet ou une voiture qui ne respecte pas la réglementation européenne, mais des aliments importés et vendus ne sont pas conformes”a expliqué de son côté l’Espagnol Josep Ballucera, un agriculteur de 39 ans originaire de Santa Coloma de Farners, dans la province de Gérone (nord-ouest de l’Espagne).
Une bataille à mener au niveau européen
“Nous voulons peser, car quand je parle au gouvernement, ils m’expliquent que 80% des lois agricoles sont décidées à Bruxelles, donc on a compris que maintenant le champ de bataille n’était plus national, mais européen”ajoute Jérôme Bayle, éleveur de Haute-Garonne devenu une figure du mouvement de contestation agricole en début d’année.
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“Ça n’a rien à voir” avec la mobilisation de la fin de l’hiver, qui a vu les agriculteurs de toute la France bloquer les autoroutes et asperger les préfectures de fumier, précise-t-il cependant. « Nous ne demandons pas le bout du monde, juste que l’Europe soit uniformisée en matière de réglementation et de fiscalité »il ajoute.
Du côté espagnol, la mobilisation est menée par des plateformes locales, pour la plupart nées ces derniers mois et organisées au moyen de boucles Telegram. L’un d’eux, le collectif catalan Revolta Pagesa (« révolte paysanne »), assure lutter “pour la défense de la terre” Et « pour la souveraineté alimentaire ». En février et mars, plus au sud, les agriculteurs espagnols avaient déjà coupé cet axe autoroutier.
«C’est pour mettre un peu de pression devant les Européens»résume Jean Henric, vigneron de 30 ans, depuis le blocage sur l’A9. « On a l’impression que les promesses ont été faites dans le vent. Si rien ne change, nous nous remobiliserons à l’automne prochain »il prévient.