les coûts attendus, et parfois insoupçonnés, de la dissolution

Quel est le coût de la dissolution de l’Assemblée nationale ? Il faudra sans doute attendre deux ans avant de connaître le chiffre consolidé et définitif. Comme pour toute élection, le double week-end d’élections législatives à travers le pays représente un coût en termes d’organisation, et un certain nombre de dépenses induites, plus difficiles à prévoir en raison du caractère imprévisible du calendrier. Déjà en 2015, dans un rapport sur le coût de l’organisation des élections, le sénateur Hervé Marseille (Union centriste) soulignait que les dépenses électorales étaient « difficiles à maîtriser ». Depuis plusieurs jours, une série de chiffres sont rendus publics, qu’ils émanent de l’Assemblée nationale ou des collectivités locales.

Au niveau global, l’Inspection générale des finances (IGF) a évoqué un “ordre de grandeur de 100 à 200 millions d’euros” pour l’organisation des élections législatives de juin et juillet 2024, dans un rapport sur la situation du budget de l’Etat à mi-année.

Un coût potentiellement moins élevé en 2024 qu’en 2022 pour l’Etat

Selon le dernier rapport annuel de performance de l’administration générale et territoriale de l’État, le coût moyen des élections législatives s’élève à 3,23 euros par électeur, sur la base des élections de 2022, soit environ 160 millions d’euros en prenant en compte les électeurs inscrits en France. Les élections législatives de 2024 pourraient représenter un coût moindre, pour plusieurs raisons.

Certaines dépenses d’organisation, notamment pour la gestion de la propagande électorale et la surveillance dans les préfectures, restent plus ou moins fixes. Mais il existe d’autres variables. Le nombre de candidats a fortement baissé en 2024, il a été inférieur de 37 % à celui de 2022 (relire notre article). Il était au plus bas depuis 1988. La campagne a également été plus courte, et probablement réduite au strict minimum en termes de dépenses. Les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne sont pas attendues avant l’année prochaine. Il faudra donc attendre 2025 voire 2026 pour avoir le coût définitif des législatives de 2024.

Les communes réclament des compensations à l’Etat

L’Etat n’est pas le seul à supporter le coût de l’élection. Les communes sont évidemment très impliquées dans le processus, avec la mise à disposition des bureaux de vote et la mobilisation de leur personnel. Le coût n’est pas suivi par le ministère de l’Intérieur, “il est donc difficile à estimer”, notait le rapport marseillais en 2015.

Selon le type de commune, le coût peut varier entre 1,50 euro et 2 euros par électeur. Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux (Hauts-de-Seine), ancien trésorier de l’Association des maires de France, estime le coût pour les communes du pays à 80 millions d’euros pour chaque tour d’élections. “Il y a des gens qui travaillent la veille, pour amener les urnes, les panneaux, les isoloirs. Il faut aussi des agents pour contrôler les cartes d’identité à l’entrée des bureaux. Dans certaines communes, cela mobilise des dizaines de salariés”, explique le maire.

Après chaque élection, l’Etat verse aux communes une aide forfaitaire, représentant 10 centimes par électeur inscrit, et 44,73 euros pour chaque bureau de vote ouvert. Le total des subventions versées représente ainsi une somme d’environ 8 millions d’euros. Selon le rapport d’Hervé Marseille, cette subvention “ne couvre qu’une faible partie des dépenses réellement engagées par les communes, 15 % en moyenne”. La valeur du coefficient n’a d’ailleurs pas été réévaluée depuis 2006, malgré l’inflation cumulée. “Ces subventions ne couvrent parfois pas les dépenses des communes liées au matériel électoral et au fonctionnement des bureaux de vote”, ajoute le rapport sénatorial.

Mi-juillet, l’Association des petites communes de France (APVF) a écrit au ministère de l’Intérieur pour demander une compensation pour les dépenses engagées pour les deux tours des législatives, qui n’étaient pas prévues au programme. « Cela peut poser des difficultés localement », reconnaît Philippe Laurent. Pour sa ville de 20.000 habitants et un budget de fonctionnement d’environ 50 millions d’euros, les législatives de l’été 2024 ne « remettent pas en cause l’équilibre du budget », rassure-t-il.

Un coût supplémentaire de 28,54 millions d’euros pour l’Assemblée, dû aux indemnités de licenciement des assistants parlementaires

Pour l’Assemblée nationale, l’impact budgétaire est bien plus important. La dissolution a non seulement mis fin au mandat des 577 députés, mais elle a aussi déclenché l’équivalent d’un vaste plan social pour les assistants. Avant la fin de la législature, le 9 juin, le nombre de collaborateurs parlementaires était estimé à 2 200. Il s’agit de tous les contrats qui ont été résiliés car liés à la fin des mandats.

Comme dans le secteur privé, ces départs contraints ont notamment entraîné le versement d’indemnités de départ pour le Palais Bourbon, mais aussi des dépenses logistiques supplémentaires avec l’installation des nouveaux députés. Ce mardi, le bureau de l’Assemblée nationale a validé un budget rectificatif, qui fait état d’un coût supplémentaire de 28,54 millions d’euros. Le coût supplémentaire de 28,54 millions est net, il prend en compte les dépenses moindres (estimées à 15 millions d’euros) liées à plusieurs semaines d’arrêt.

Pour vous donner une idée de l’ampleur, le budget de fonctionnement de l’Assemblée nationale pour l’année en cours est de 589 millions d’euros. Les dépenses induites par la dissolution représentent un dépassement de 5%. Le bureau de l’Assemblée nationale a décidé à l’unanimité “de demander à l’Etat une dotation complémentaire égale au surcoût”. “La dissolution a été demandée par le président de la République, il est donc logique que ce soit le budget de l’Etat qui en tienne compte”, a déclaré la première questrice Christine Pirès Beaune (PS).

Comme après chaque élection législative, le versement d’une indemnité est également prévu pour les députés qui se retrouveraient sans travail dans les mois qui suivent leurs défaites. Cette protection, financée par les députés, est versée par la Caisse des dépôts et consignation. 133 députés ont perdu leur élection en juillet. Selon Radio France, le coût global pourrait s’élever à « près de deux millions d’euros » pour les parlementaires. Il faut aussi ajouter les 400 à 500 assistants qui pourraient potentiellement rester au chômage dans les prochains mois, pris en charge par France Travail.

Des sanctions dans les contrats de services liés aux bureaux parlementaires

Mais au-delà de ces coûts, inhérents à chaque élection et défaite électorale, la dissolution laisse quelques surprises, concernant les résiliations de contrats de prestations de services, souscrits dans les permanences parlementaires. Le caractère imprévisible de ces législatives n’y est pas étranger. Cécile Untermaier, députée (PS) de Saône-et-Loire battue au second tour le 7 juillet, évoque ainsi les difficultés d’un contrat de mise à disposition d’imprimantes. « Il faut honorer le contrat jusqu’au bout, jusqu’en 2027. La dissolution n’est pas considérée comme un cas de force majeure, il faut payer toutes les prestations, comme si elles étaient remplies », explique l’ancienne parlementaire. Cécile Untermaier précise également que ces mensualités qui doivent être versées sont assorties d’une pénalité, le total s’élevant à plus de 10.000 euros. « C’est une situation anormale », conteste cette ancienne présidente de la commission des lois.

Autre déception : l’entreprise en question a exigé le rapatriement du matériel, aux frais de l’équipe parlementaire. « Il a fallu le ramener à Lyon, à 100 kilomètres du bureau. J’ai refusé de faire appel à un transporteur spécialisé, ce qui aurait nécessité un surcoût de 1 000 euros. Nous avons transporté les machines nous-mêmes. » La fin inattendue du mandat pose un autre problème concernant la fin de la location du bureau, soumise à un bail professionnel et donc à un préavis de six mois. « Nous devons payer le loyer jusqu’au 18 décembre. C’est de l’argent que nous ne pourrons pas restituer à l’Assemblée nationale, poursuit Cécile Untermaier. Je ne remets pas en cause la dissolution, mais il faudra sans doute y inclure certaines clauses. »

Le député estime que chaque député pourrait être confronté à des coûts de fin de mandat imprévus d’environ 20 000 euros, pour les raisons évoquées ci-dessus. Cela représente un coût global pouvant atteindre 3 millions d’euros pour l’ensemble des 133 députés qui ont perdu leur mandat.

Anna

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