Les électeurs sri-lankais élisent un marxiste pour diriger un pays ravagé par cinq années de crise

La journée a été longue, dimanche 22 septembre, au Sri Lanka. Il a fallu des heures de dépouillement pour connaître le nom du vainqueur de l’élection présidentielle. Les résultats sont tombés en début de soirée, alors qu’un couvre-feu avait été imposé par le président sortant, Ranil Wickremesinghe. Anura Kumara Dissanayake, 55 ans, devient le neuvième président de l’île de l’océan Indien et le premier président d’obédience marxiste. Les Sri-Lankais se sont mobilisés massivement, optant pour une pause. Le taux de participation a été de 77 %.

L’annonce des résultats a nécessité une procédure complexe. M. Dinassayake est arrivé en tête avec 42,3% des voix, mais n’a pas atteint la barre des 50% et une voix. La commission électorale a dû compter les “votes préférentiels” pour la première fois dans l’histoire du pays. Les électeurs sri-lankais peuvent choisir un candidat ou classer les trois premiers candidats par ordre de préférence.

A l’issue de ce décompte, le vainqueur devance largement ses concurrents : le candidat de centre-droit, Sajith Premadasa, obtient 32,7% des voix et le président sortant, très impopulaire, ne reçoit que 17,2% des voix. « Cette victoire est celle de tous, a déclaré l’élu dans un message sur X. Ensemble, nous sommes prêts à réécrire l’histoire du Sri Lanka.

Aucune expérience du pouvoir

L’homme qui a accédé aux plus hautes responsabilités, fils d’agriculteurs, diplômé scientifique, simple député, n’a aucune expérience du pouvoir, et son parti ne dispose que de trois sièges au Parlement. Mais, aux yeux des Sri-Lankais, exaspérés par la mainmise de quelques familles népotiques qui se succèdent au pouvoir depuis huit décennies, il incarne le renouveau.

A la tête du Pouvoir national populaire, coalition de partis de gauche, de syndicats, de membres de la société civile, de groupes de femmes, d’étudiants, formée en 2019, « AKD », comme le surnomment ses partisans, a su capitaliser sur la colère des Sri-Lankais, frappés depuis cinq ans par une crise économique et financière historique. Cet admirateur de Che Guevara et de Fidel Castro a réussi à faire oublier le passé violent de son parti politique, le Janatha Vimukthi Peramuna, associé à deux insurrections armées contre l’Etat dans les années 1970 et 1980, qui ont fait des milliers de morts.

Sa victoire a un goût de revanche pour les hommes et les femmes qui ont participé à la grande révolution citoyenne de 2022, réclamant le départ du chef de l’État de l’époque, Gotabaya Rajapaksa, en poste depuis 2019 et tenu pour responsable de l’échec du pays. À l’issue de ces mobilisations, de nombreux participants se sont sentis trahis. Ils avaient certes obtenu gain de cause, Gotabaya avait fui le pays, mais aucun véritable changement politique n’avait suivi. Le Parlement avait désigné pour lui succéder Ranil Wickremesinghe, proche des Rajapaksa, qui s’efforçaient de protéger cette famille. Toutes les revendications de l’« Aragalaya », nom donné au mouvement citoyen, ont été ignorées, qu’il s’agisse de la suppression de la présidence exorbitante, qui donne des pouvoirs exorbitants au chef de l’État, de la lutte contre la corruption ou de la quête de justice.

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