les Etats-Unis entre « péril jaune » et « péril jeune »

LLe Congrès des États-Unis d’Amérique est d’humeur belliqueuse. Contre la Chine et la Russie, mais aussi contre TikTok. C’est d’ailleurs dans le même texte de loi, approuvé samedi 20 avril à une écrasante majorité, qu’il a inscrit, aux côtés des aides à l’Ukraine, à Taïwan et à Israël, l’interdiction des réseaux sociaux. Ou plus précisément l’obligation imposée à son propriétaire, le groupe chinois ByteDance, de céder son activité américaine d’ici un an.

Les parlementaires s’alarment du risque d’espionnage de la part du gouvernement chinois, qui aurait accès à l’ensemble des données privées de 170 millions d’utilisateurs américains. Le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, a beau prétendre que Pékin ne lui avait jamais rien demandé et que s’il le faisait, il refuserait, rien ne marche.

Pas même les 1,5 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) dépensés depuis 2020 pour sécuriser les données aux Etats-Unis avec l’aide du groupe Oracle. Il lui a suffi de reconnaître que, techniquement, la société mère, en Chine, peut accéder aux données américaines pour que cela suffise aux hommes politiques de tous bords. La lutte contre la Chine est devenue la dernière question non partisane aux États-Unis.

Trois tentatives précédentes

Mais Shou Zi Chew n’a pas perdu la partie. Les trois tentatives d’interdiction précédentes ont été perdues dans les limbes ou abandonnées. Celle du président Donald Trump, en 2020, celle du Montana, en novembre 2023, et, enfin, une précédente loi adoptée mi-mars par la même Chambre des représentants. À chaque fois, le principe de la liberté d’expression, premier amendement américain, a été le plus fort.

Car si le Congrès américain est quasiment unifié autour de son obsession chinoise, sa posture cache une autre préoccupation, celle de sa jeunesse. Un tiers des Américains de moins de 30 ans reçoivent leurs nouvelles de TikTok, selon Pew Research. Ils y achètent aussi. TikTok estime sa contribution à l’économie du pays à 24 milliards de dollars. Les parlementaires, dont l’âge moyen est de 58 ans, ne comprennent plus leurs petits-enfants de la génération Z, nés entre 1995 et 2012, rivés à leur téléphone. Derrière la résurgence du « péril jaune » des années 1900, se cache la résurgence encore plus ancienne du « péril jeune ». Un cocktail explosif.