“JE‘« J’ai traversé la vie sans accroc. » assure Frank Bascombe – le personnage préféré de Richard Ford – dès la première page du Paradis des fous, le cinquième volume que le grand écrivain américain consacre à ses aventures. Qu’on nous permette de le contredire : après la mort d’un enfant de 9 ans – il a tenté d’y survivre en Un week-end dans le Michigan (1986) –, un divorce (Indépendance, 1996) et le cancer de la prostate (L’état des choses, 2008), voici l’ex-journaliste sportif confronté, alors qu’il s’approche de son « terme biblique », à la maladie de Charcot de son fils Paul.
Paul, désormais confiné à un fauteuil roulant, n’est pas un don, « joufflu, chauve, avec de gros doigts, des verrues, pas très empathique, parfois ennuyeux »… À ce moment-là, le regard est cruel, à d’autres il devient empathique et aimant car la relation père-fils que Ford invente ici est complexe, passionnante. « Comment cet homme peut-il être mon fils ? » Bascombe s’interroge en le regardant dormir dans une scène clé. Et pourtant, Frank, qui a encore le goût de la vie et de l’expérience partagée, emmène ce rejeton encombrant sur une voyage sur la route dont la destination – le mont Rushmore – a évidemment une valeur symbolique.
Tout l’art de Richard Ford est là : un regard lucide, comme un scalpel, une humanité à l’épreuve du temps, mais aussi un sens constant de la profondeur de champ. Ce cher Frank – auquel le lecteur, qui le connaît depuis près de quarante ans, est attaché comme (…) Lire la suite