les habitants de la « périphérie » parisienne face à une pollution parfois mortelle

Certains jours, elle « a l’impression de mâcher de l’air épais ». Parfois, le « brouhaha continu » lui donne le vertige. Habitant à 150 mètres du périphérique parisien, l’une des routes les plus polluées de France, cette habitante de Bagnolet (Seine-Saint-Denis) sait qu’elle est exposée à des pathologies qui raccourcissent l’espérance de vie.

La place verte que traverse Danièle Hivernaud offre une vue plongeante sur la « périphérie ».

“La pollution sonore, la pollution de l’air : c’est très, très fort !”, témoigne cette Bagnoletaise de 73 ans, sanglée dans un imperméable chic, qui, depuis sa retraite, s’interroge : “mais comment on tolère ça ?”.

« Allergique à la pollution », au « nez qui coule » en permanence, elle évoque néanmoins sa « chance d’avoir un appartement qui ne donne pas directement sur » le périphérique.

Danièle fait partie des riverains qui approuvent la réduction de la vitesse de 70 à 50 km/h, souhaitée par la mairie de Paris et soutenue notamment par celle de Bagnolet.

La pollution y est principalement sonore.

Rue Pierre Soulié, bordée de pavillons, l’association Bruitparif dispose d’un capteur. « Nous avons des niveaux très élevés, entre 6 et 8 décibels au-dessus des seuils réglementaires », constate l’ingénieur Fanny Mietlicki, directrice de Bruitparif qui, dès 2009, réclamait que la vitesse soit abaissée à 50 km/h.

“Les gens minimisent les effets du bruit parce que c’est assez insidieux”, dit-elle. “Il y a un phénomène d’habituation subjective. Mais si on leur met des électrodes sur la tête, on constate que leur sommeil est perturbé, avec des réveils conscients ou inconscients, et des répercussions sur le métabolisme”.

“Quelqu’un qui dort mal aura un risque de diabète et de surpoids. Chaque fois que l’on est exposé au bruit, il y a une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de la pression artérielle : avec le temps, cela augmente par exemple le risque d’infarctus.

– Enfants asthmatiques –

La pollution de l’air, donc.

Ses effets sont connus : aggravation du risque de cancer du poumon, de bronchopneumopathie chronique obstructive, d’asthme, etc. Mais nombreux sont ceux qui ignorent encore son impact sur tous les organes, les particules les plus fines pouvant pénétrer dans le sang, souligne l’association Airparif, basé sur une synthèse d’études scientifiques.

« On réfléchit beaucoup aux impacts sur les poumons mais l’essentiel de la mortalité vient des impacts cardiovasculaires », rapporte Antoine Trouche, pour le compte d’AirParif.

“La pollution atmosphérique contribue encore à près d’un décès sur dix en Ile-de-France”, selon un diagnostic publié en 2023 par l’Observatoire régional de la santé. La mortalité imputable à l’exposition aux particules ultrafines reste estimée à « 6 220 décès annuels »…

Or, ce ne sont pas les épisodes de pollution intense qui sont les plus à craindre mais « l’exposition chronique, typiquement celle subie par les riverains », souligne M. Trouche.

De passage au pied des Mercuriales – Twin Towers surplombant le périphérique et l’échangeur A3 – Erica, habitante du quartier, énumère : “J’ai des maux de tête, des crises d’allergies, mes deux enfants ont des crises d’asthme, mon compagnon commence à avoir des crises d’asthme.” des problèmes respiratoires. “Le médecin dit : ‘c’est de la pollution’. Mais peut-être qu’il n’y a pas que le périphérique”, ajoute cette couturière de 63 ans, dont 43 à Bagnolet.

«Nous avons beaucoup d’enfants asthmatiques», constate la directrice de la santé de Bagnolet, Nathalie Victor. L’association nationale Respire le confirme : « le risque d’asthme est augmenté de 30 % pour les enfants à moins de 500 m d’un grand axe routier ».

– Échangeur géant –

Porte de Bagnolet, d’autres axes obsèdent les riverains.

“Le vrai bobo pour nous, ce n’est pas le périphérique, c’est l’échangeur autoroutier” de 1969, glisse Thierry Jacquet, 70 ans, rentrant chez lui, dans une ruelle bucolique du Val Fleuri, à proximité d’un entrelacs de rampes d’autoroute hideuses.

Le premier adjoint au maire chargé de l’urbanisme, Cédric Pape, lui-même riverain et “asthmatique”, le reconnaît : “Les Bagnoletais sont sacrifiés sur l’autel de ‘toutes les voitures’ depuis 50 ans.”

“Les différentes collectivités s’accordent pour éventuellement enterrer l’échangeur”, assure M. Pape. “Une étude de faisabilité va être lancée, notamment pour savoir si nous aurions l’argent : plusieurs centaines de millions d’euros…” Et d’insister : “Ce serait le plus gros projet écologique en région parisienne dans les 20 prochaines années” .

Les riverains ont des doutes et trouvent le temps long.

“Nous ne serions pas dans une banlieue pauvre, l’autoroute et le périphérique sont couverts depuis longtemps”, précise le Dr Victor.

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