Les Jeux Olympiques, un ancien forum géopolitique

La course de l’humanité ne peut être réduite à une course de 100 mètres ou à un marathon. Mais, depuis les premiers Jeux modernes, disputés à Athènes en 1896, jusqu’aux prochains qui auront lieu cet été à Paris, l’épreuve olympique a assez fidèlement relayé le tumulte du monde. Au point que, loin d’être un moment de trêve, les JO sont souvent un miroir grossissant de la laideur et de la beauté d’une époque. C’est ce que met en lumière l’exposition. « L’Olympisme, une histoire du monde »qui ouvre ses portes au Palais de la Porte-Dorée, à Paris, le 26 avril.

Choix pesé par le trébuchet diplomatique des villes hôtes ; gloire du pays organisateur ; cocardie comptabilité des médailles; panthéonisation de tel ou tel champion ; postérité de tel ou tel duel : tout fait sens, tout fait écho dans une arène sportive. Les Jeux olympiques sont un monde dans le monde. “Les combats pour la parité, l’égalité et contre le racisme, la ségrégation et les discriminations y sont relatés, tout comme les grandes séquences historiques du colonialisme, la montée des nationalismes et des pouvoirs totalitaires ou encore la guerre froide”, note l’introduction du catalogue (Editions de La Martinière, 65 euros).

Au fil des salles, riches d’une iconographie tantôt extrêmement célèbre, tantôt méconnue, quand elle n’est pas nouvelle, s’écrit bien plus qu’une chronique sportive. « Cette exposition illustre la manière dont les Jeux Olympiques ont accompagné l’évolution du monde, résume Constance Rivière, directrice générale du Palais. En même temps, il démonte un certain nombre de mythologies. » A commencer par la neutralité du sport et des athlètes. « Il y a un lien entre les champions et les valeurs », souligne-t-elle.

Exclusions, attaques, boycotts

Les exploits individuels deviennent des symboles universels. Les corps sont idéologisés lorsqu’ils ne sont pas marchandisés ou gonflés d’hormones. La performance est au service des causes, pour le meilleur ou pour le pire. La joueuse de tennis française Suzanne Lenglen, double médaillée d’or en 1920 à Anvers, a ouvert une brèche dans la compétition exclusive masculine. Le sprinter américain Jesse Owens, quadruple médaillé d’or à Berlin en 1936, est l’éblouissant adversaire d’Adolf Hitler. Le marathonien éthiopien Abebe Bikila, double champion olympique en 1960 à Rome et en 1964 à Tokyo, est devenu le fier porte-drapeau d’une Afrique libérée du colonialisme.

Le match de water-polo entre l’Union soviétique et la Hongrie lors des Jeux de 1956, qui a laissé la piscine rouge de sang, raconte autant de drame que les chars dans les rues de Budapest. Le podium du 200 mètres au Mexique en 1968, ces poings gantés de noir levés de Tommie Smith et John Carlos, illustre autant qu’une émeute ou que les barricades le ferment contestataire de ces années-là. La gymnaste roumaine Nadia Comaneci, triple championne olympique en 1976 à Montréal, entend incarner la supériorité d’un modèle communiste à son apogée. La Marocaine Nawal El Moutawakel, en remportant le 400 mètres haies à Los Angeles en 1984, est devenue un symbole de l’émancipation féminine.

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