Le nom du futur ministre de la Justice n’est pas encore connu, mais déjà les magistrats s’inquiètent. Ils ont découvert, mardi 17 septembre au matin, qu’il n’y aurait plus de service dédié à la justice au sein du cabinet du Premier ministre Michel Barnier. Il s’agira désormais d’un grand service regroupant les sujets C’est le département « sécurité, justice, immigration » qui est mis en place, sous la direction du « conseiller intérieur », Simon Babre. Cet homme de 47 ans était jusqu’alors préfet de l’Eure. Il a aussi été, entre 2010 et 2012, directeur de cabinet adjoint à la présidence de la République, lorsque Nicolas Sarkozy était chef de l’Etat.
Cette fusion est un signal “très inquiétant” pour l’Union syndicale des magistrats (USM, majorité) et le Syndicat de la magistrature (SM, gauche), les deux principales organisations représentatives. Dans un communiqué publié mardi après-midi, l’USM « dénonce fermement » Et « constate avec stupéfaction l’absence d’un conseiller à la justice au profit d’un conseiller unique. » Pour le syndicat, “Cette composition est inédite sous le Vet République et constitue un très mauvais signal en matière d’indépendance du pouvoir judiciaire, condition de l’équilibre des pouvoirs.” Pour l’USM, la décision de Matignon doit « s’analyse comme une OPA administrative de la place Beauvau sur la place Vendôme, au détriment de l’indépendance de la justice, pilier de notre État de droit. »
«Caporalisation»
Même analyse au Syndicat des magistrats. SLe président, Kim Reuflet, déclare : “consterné” par cette décision « qui n’est pas seulement symbolique » Et « Ce qui en dit long sur la vision de la justice du Premier ministre ». Ou, selon elle, « une corporatisation de la justice »Déjà « mise en œuvre par le ministre de la Justice sortant, Eric Dupond-Moretti, qui publiait tous les trois mois une circulaire pour dire aux procureurs de frapper vite et fort. » Pour le SM, « Il est encore temps de se ressaisir et de nommer un magistrat comme « conseiller de justice » à la tête d’une unité distincte. » Et de demander : « Qu’adviendra-t-il, par exemple, de tous les sujets de justice civile ? Est-ce qu’un préfet va s’en occuper ? »
La décision de Matignon n’est en effet pas anodine. Le chef du département est l’interlocuteur privilégié du ministère concerné auprès du cabinet du Premier ministre et porte les revendications concernant le budget, par exemple.
Pour calmer le mécontentement grandissant, Matignon assure qu’un « conseiller justice », magistrat de formation, devrait bientôt être nommé au sein du pôle fusionné. Mais il n’est pas certain que cela suffise à calmer les inquiétudes puisqu’il n’aurait pas le même rang qu’un chef de pôle et ne participerait pas aux réunions d’arbitrage les plus importantes. Ce qui décuple les craintes du monde judiciaire puisque l’heure est à la rigueur budgétaire ; la Chancellerie pourrait ainsi se retrouver privée d’un relais à Matignon pour plaider sa cause.
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