La destruction mardi du barrage de Kakhovka dans le sud de l’Ukraine pourrait avoir des conséquences environnementales et humaines « sans précédent », estiment mercredi plusieurs experts et associations de défense de l’environnement.
Destruction des écosystèmes, inondations, pollution, menaces énergétiques… sont autant de conséquences environnementales qui pourraient être « sans précédent » après la destruction du barrage de Kakhovka en Ukraine, estiment mercredi 7 juin plusieurs experts et associations de défense de l’environnement.
Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui accuse la Russie d’être « coupable d’un écocide brutal », il s’agit « de la plus grande catastrophe environnementale d’origine humaine en Europe depuis des décennies ».
Ce terme d’écocide a récemment été défini par le Parlement européen comme toute « infraction pénale environnementale causant des dommages graves et étendus ou durables ou irréversibles à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau, ou à la biodiversité, aux services et fonctions écosystémiques, aux animaux ou aux plantes ». Fin mars, Bruxelles a ouvert la voie à la reconnaissance de « l’écocide » dans le droit de l’UE.
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Faune et flore en danger
Première conséquence, liée au rejet des 18 milliards de tonnes d’eau retenues par le barrage, le Dniepr, quatrième plus long fleuve d’Europe, subira une grave perturbation de ses écosystèmes jusqu’aux zones côtières de la mer Noire, estime-t-on. l’ONG ukrainienne Ecoaction.
Selon elle, une « mortalité massive potentielle d’organismes aquatiques (poissons, mollusques, crustacés, micro-organismes, végétation aquatique) » mais aussi de rongeurs, dont certains sont endémiques ou déjà menacés, est attendue, « conduisant à une détérioration de la qualité de l’eau due à la décomposition des organismes morts ».
Les animaux domestiques ou captifs sont également en danger, souligne le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), qui fait déjà état d’une « situation désastreuse ». « Les refuges sont déjà submergés de demandes de sauvetage. A Nova Kakhovka (…) un petit zoo a été complètement inondé – tous les animaux, sauf les cygnes, sont morts », explique Natalia Gozak, responsable d’IFAW en Ukraine.
La végétation ne sera pas épargnée non plus, notamment celle en amont du barrage qui « mourra à cause du drainage, tandis que les zones situées en aval seront inondées, y compris les complexes steppiques et forestiers qui ne sont pas adaptés à la submersion, ce qui conduira à leur colmatage et à leur destruction », prévoit Ecoaction.
Plusieurs parcs naturels nationaux ukrainiens, dont la réserve de biosphère de la mer Noire classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, sont directement menacés.
Migrants climatiques
Il faut également s’attendre à une pollution massive due au déversement d’ordures, de produits agrochimiques et d’autres matières dangereuses, ainsi qu’à l’inondation et à la désactivation des systèmes de traitement des eaux usées et des égouts.
Selon des responsables ukrainiens, 150 tonnes d’huile moteur se seraient déversées mardi dans le Dniepr, « avec le risque que 300 tonnes supplémentaires s’y infiltrent », représentant « une menace pour la faune et la flore ».
« Plus de 40.000 personnes risquent de se trouver dans les zones inondées », a également prévenu mardi le procureur général ukrainien Andriï Kostine, annonçant des évacuations massives.
Le barrage de Kakhovka sert également à fournir de l’eau potable et à irriguer la partie sud de l’Ukraine, déjà l’une des plus sèches du pays. Sa destruction constitue donc un risque majeur pour l’approvisionnement en eau de millions de personnes.
Cette pénurie d’eau pourrait conduire à la désertification de certaines zones, estime IFAW. « La biomasse en décomposition de la flore et de la faune aquatiques va se transformer en terres arides, voire désertiques dans les mois à venir », anticipe Natalia Gozak, avec pour conséquence un changement des microclimats et des températures, qui pourrait entraîner « une vague de nouvelles conditions climatiques et hydriques ». migrants vers d’autres régions d’Ukraine et d’Europe ».
Menaces sur la production d’électricité et de céréales
La centrale nucléaire de Zaporijjia, occupée par l’armée russe, est à nouveau fragilisée après la destruction du barrage, dont l’eau sert à refroidir le combustible et à prévenir un accident nucléaire.
« Le refroidissement de la centrale est actuellement assuré par de l’eau pompée dans des bassins situés sur le site, conçus à cet effet. Il n’y a pas de risque à court terme pour la centrale », rassure toutefois l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) français mercredi.
Les craintes sont plutôt d’ordre économique. « L’absence de refroidissement pour les six réacteurs signifie que la centrale ne sera pas opérationnelle dans un avenir prévisible, ce qui entraîne une perte d’environ 13 % de la capacité ukrainienne de production d’électricité », souligne Malte Janssen, de la University of Sussex Business School.
Les dégâts affecteront également l’agriculture et l’élevage, faisant craindre une catastrophe humanitaire. L’Ukraine est l’un des principaux fournisseurs mondiaux de céréales.

Avec l’AFP
France 24 Europe