Categories: Actualités locales

les parents de Chahinez Daoud se confient au Figaro trois ans après son terrible assassinat

TÉMOIGNAGES – Le 4 mai 2021, leur fille a été immolée vivante à Mérignac (Gironde) par son ex-mari. Désormais installés à Cenon pour éduquer leurs petits-enfants, Djohar et Kamel Daoud témoignent de l’immense douleur qui les hante encore trois ans après le drame.

Le Figaro Bordeaux

La mère de Chahinez Daoud ne prononce plus jamais le nom de Mounir Boutaa, qu’elle appelle “le meurtrier”. Le 4 mai 2021, ce dernier a brûlé vive sa fille, âgée de 31 ans, dans leur rue à Mérignac (Gironde), après lui avoir tiré une balle dans les jambes. Arrêté une demi-heure plus tard, ce Franco-Algérien, naturalisé suite à un premier mariage, a été retrouvé en possession d’un fusil de calibre 12, d’un pistolet à gaz et d’une ceinture de cartouches. Trois ans après les faits, la souffrance et l’incompréhension des parents de la victime, Djohar et Kamel Daoud, restent profondes. « L’assassin n’a pas seulement brûlé ma fille, il a brûlé toute la famille Daoud. Toute ma vie et mon bonheur sont partis avec ma fille. Personne ne peut enlever la brûlure que je ressens dans mon cœur. Elle était la plus belle de mes filles, elle était très gentille et elle m’aimait beaucoup”» confie la mère de six enfants, qui peine à pleurer la perte de son avant-dernier enfant.

« Ce qui nous fait tant de peine, c’est que personne ne l’a protégée. Je voulais venir en France avant, mais mon visa m’a été refusé. »ajoute son père. « Pourquoi est-il parti sans bracelet anti-réconciliation ? Ils ne lui ont même pas donné de téléphone de secours. Ils savaient qu’il était dangereux, on ne comprend pas.”poursuit le couple qui poursuit l’État en justice – sans oublier de rappeler que s’il y avait eu « des pommes pourries qui font honte à la police » dans ce cas, “Tous les policiers ne sont pas comme ça”. Leurs questions sont légitimes : Chahinez Daoud avait porté plainte à trois reprises avant d’être tuée par son ex-mari. Condamné pour récidive de violences conjugales à une peine de 18 mois de prison, dont 9 mois ferme quelques mois avant les faits, l’accusé, qui était en probation lorsqu’il a agi, conteste la qualification d’assassinat et déclare avoir voulu “effrayer” à Chahinez Daoud “sans la tuer”.

Selon ses parents, Chahinez Daoud adorait jouer au handball et au basket. Son plat préféré était le couscous cuit avec des haricots.
Collection personnelle / Famille Daoud

« Papi, mon père est un méchant »

Une histoire insupportable pour les parents du défunt. « Il l’a tuée parce qu’elle avait demandé le divorce et que le tribunal lui avait laissé la maison. Un patient ne choisit pas sa cible”analyse son père. « Le jour où il a tué ma fille, il n’était pas ivre. Il avait acheté un bidon d’essence, changé de camionnette, acheté des armes, des cartouches… Il savait à quelle heure les enfants sortaient de l’école. Il n’est pas fou, il est intelligent, il a planifié son déménagement. J’espère qu’il aura la vie. En prison, il mange, il dort, il y a la télé. Ma fille ne reviendra pas. Et les trois enfants souffrent encore »poursuit Djohar Daoud.

Pour donner à leurs trois petits-enfants les meilleures chances de résilience, le couple, qui vivait heureux à Aïn Taya en Algérie depuis leur mariage en 1977, se bat pour la garde et s’installe à Cenon, avec l’une des grandes sœurs de la victime (et sa deux enfants), pour éduquer Hassan, Mélissa et Saïd à la française, comme le rêvait Chahinez. Leur vie en Algérie leur manque beaucoup. Il ne s’est pas encore fait d’amis. Mais “pour les enfants”, “leur seul courage”ils sont prêts à tout. « Je ne partirai pas tant qu’ils ne seront pas tous mariés. S’il le faut, mon cercueil reviendra en Algérie et ma fille me remplacera.raconte Djohar Daoud, qui a juré sur la tombe de sa fille de “finir son travail” avec ses enfants.

Aujourd’hui âgés de 16, 10 et 8 ans, les trois orphelins “vivre avec” la violence incroyable qui les frappe et sont suivis par des psychologues. Leur drame est profond : le père des deux aînés, nés du premier mariage de Chahinez Daoud, est décédé dans un accident de soudure quelques mois avant leur mère, le 5 septembre 2020. Saïd, le benjamin et fils de Mounir Boutaa, le sait. son père a tué sa mère. « Une fois, il m’a dit : « Grand-père, mon père est un méchant. » Je ne savais pas quoi lui répondre. Nous lui donnons le plus grand amour pour qu’il ne se sente pas coupable. Mais un grand-père et une grand-mère ne pourront jamais lui donner l’amour irremplaçable d’une mère.confie Kamel Daoud. “Mélissa commence à comprendre, elle pleure toujours la nuit en disant qu’elle veut voir sa mère”» ajoute avec une profonde tendresse sa grand-mère, qui lui a offert le doudou d’enfance de Chahinez pour l’aider à s’endormir.

Hassan, l’aîné, était présent dans la maison lorsque Mounir Boutaa a assassiné sa mère. Et il venait d’arriver en France, le 3 mars 2021, pour rejoindre sa famille. Chahinez Daoud travaillait en effet dans une crèche en Algérie lorsque Mounir Boutaa est venue demander sa main à ses parents. Elle avait d’abord refusé la première fois, à cause de ses deux enfants dont elle craignait qu’ils ne lui soient enlevés. Mais il l’avait rassurée, lui promettant qu’il les aimerait comme les siens. Mais les craintes de Chahinez Daoud étaient fondées : en l’emmenant en France, Mounir Boutaa avait refusé qu’elle emmène Hassan qui est donc resté en Algérie, où il vivait avec ses grands-parents. « Elle souffrait trop, il lui a menti. S’il le lui avait dit, elle aurait refusé de l’épouser, elle ne vivait que pour ses enfants.assure Djohar Daoud.

“Il avait des manières d’ange”

Pour Djohar et Kamel Daoud, rien ne laissait pourtant présager l’horreur à venir. « Il avait des manières d’ange, c’est un bon acteur. Il nous a embrassé la tête et m’a dit : « J’ai perdu mon père, tu es mon père ». Chahinez a accepté et je n’ai jamais refusé un mari à aucune de mes filles., regrette Kamel Daoud. Mais lorsque les mariés arrivent en France, l’enfer commence pour la jeune femme. « Chahinez était toujours en retrait, baissant la tête. Mais il était très cordial et quand il n’était pas ivre ou qu’il ne fumait pas trop, il était gentil avec les habitants du quartier.”, décrit Anne Ruggerio, leur voisine de ces années-là. Mais très vite, elle et son mari Daniel comprennent que Chahinez Daoud est “sous l’influence” de Mounir Boutaa.

Jusqu’au 25 juin 2020, jour où Mounir Boutaa a étranglé Chahinez Daoud au point de “écraser son larynx à 75%” selon Anne Ruggerio, qui lui est venue en aide. « On entendait comme un troupeau d’éléphants descendre les escaliers, les enfants criaient. Nous sommes sortis en courant dans la rue. Chahinez est sortie aussi et s’est jetée dans les bras de mon fils, il est très fort et il (Mounir Boutaa, NDLR) j’en avais peur”confie la sexagénaire, qui a déménagé après les événements car elle ne supportait plus de voir la maison de Chahinez Daoud vide. « Traumatisé »le couple qui a le sentiment “avoir subi une attaque” reste très proche de la famille Daoud et se rend en Algérie pour rendre hommage sur la tombe de Chahinez. « Elle m’appelait « mamie française »… Mélissa ne va pas bien, ses frères non plus. Je veux leur donner une belle image de leur mère qui a été merveilleuse et que, plus tard, dans leur vie d’adulte qui sera compliquée, ils puissent se dire qu’on était là pour eux »confie celle que Djohar Daoud considère désormais comme sa petite sœur.

Pour eux comme pour les Daoud, cette date du 4 mai restera à jamais “un jour sombre”. Djohar et Kamel Daoud le passent au téléphone avec leurs proches qui vivent en Algérie. Les enfants demandent à regagner leur ancienne maison, encore sous scellés, afin de pleurer leur mère devant sa porte. Seule consolation pour les Daoud : le drame de leur fille a ébranlé le système judiciaire et remis en question le traitement des victimes de violences conjugales. « Il ne faut pas être égoïste, sa mort a apporté quelque chose aux autres femmes. Nous ne voulons pas d’autres Chahinez., insiste Kamel Daoud. Pour ce qui est de “le meurtrier”il la refuse même “sa haine” qu’il juge “plus respectable que son acte abominable”.

Chahinez Daoud et son père, Kamel Daoud, lors d’une réunion de famille.
Collection personnelle / Famille Daoud

” data-script=”https://static.lefigaro.fr/widget-video/short-ttl/video/index.js” >

Anna

À chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées à la fois. 📝 🔍

Recent Posts

Le fils de Museveni change d’avis et soutient son père

Le fils du président ougandais Yoweri Museveni, qui avait déclaré qu'il se présenterait à l'élection présidentielle de 2026, a changé…

27 secondes ago

Les inondations au Japon forcent plus de 60 000 personnes à évacuer, une personne portée disparue

Plus de 60 000 habitants du centre du Japon ont été contraints d'évacuer le samedi 21 septembre 2024 en raison…

2 minutes ago

Affaire Mazan : « Nous assistons aujourd’hui au procès de la culture du viol »

C'est un procès qui choque la France et le monde par l'horreur des faits. A Avignon, se poursuit le procès…

4 minutes ago

Comment Barnier pourrait changer la réforme des retraites

Le Premier ministre s'est déclaré prêt à "ouvrir le débat" sans tout remettre en cause. Mais dans un contexte budgétaire…

7 minutes ago

La Nouvelle-Zélande bat de justesse l’Australie

Clairement en tête, les All Blacks se sont fait peur en fin de match face aux Wallabies (31-28). Les All…

9 minutes ago

Un enfant de 2 ans blessé par de la soude caustique sur un toboggan à Toulouse

La mère de Wail "n'en revient pas". Son fils de 2 ans a été blessé tard mercredi 18 septembre, alors…

11 minutes ago