P.Lors de la crise de la zone euro, on leur a donné un acronyme particulièrement insultant : « PIGS » (« pigs » en anglais), pour le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne (« Spain » en anglais). C’étaient de mauvais étudiants en économie, méprisés par les partisans de l’orthodoxie, l’Allemagne en tête. Durant les négociations tendues des différents plans d’aide, une couche d’idées préconçues et de clichés n’ont pas aidé : ces pays, c’est bien connu, étaient remplis de travailleurs paresseux, de corruption et d’une bureaucratie inefficace.
Une décennie plus tard, l’homme malade de l’Europe est l’Allemagne, actuellement en récession. Les pays du Sud, qui affichent une croissance étonnamment robuste, prennent leur revanche. “Les cochons ont des ailes”, écrivait, en novembre 2023, BCA Research, une société de conseil en investissement. Entre 2019 et 2023, y compris la période de la pandémie de Covid-19, la Grèce et le Portugal ont enregistré une croissance cumulée de près de 6 %, l’Italie de 3,5 %, l’Espagne de 2,5 %, la France de 1,5 % et l’Allemagne… de 0,7 %.
À y regarder de plus près, le rattrapage a même commencé en 2017. Selon les calculs du cabinet d’études économiques Capital Economics, ces quatre pays périphériques ont connu depuis cette date une croissance supérieure de 5 points à celle de l’Allemagne. .
Réduction drastique du chômage
Bien entendu, cette divergence reflète avant tout un changement soudain de circonstances qu’il aurait été très difficile de prévoir. Le modèle allemand reposait sur deux piliers : l’industrie, dépendante du gaz russe bon marché, et les exportations. La guerre en Ukraine a détruit le premier. La nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine a effondré la seconde. Quant à la transition vers les véhicules électriques, elle bouleverse l’un des secteurs les plus importants du pays.
En revanche, les pays du Sud ont surfé sur le fort essor du tourisme, l’un de leurs principaux atouts, après la réouverture post-pandémique des économies. L’Union européenne a également joué un rôle clé avec le plan NextGenerationEU, en 2021, un prêt commun de quelque 800 milliards d’euros. Si les paiements sont très lents en Europe, et doivent durer jusqu’en 2026, ils profitent en priorité aux pays périphériques, l’Italie et l’Espagne étant les deux principaux bénéficiaires.
L’amélioration va cependant plus loin que cela. Les réformes (violentes et difficiles) du marché du travail ont conduit à une réduction drastique du chômage. En Espagne, ce pourcentage est passé de 25 % en 2014 à 11,5 % aujourd’hui ; en Italie, de 13 % à 7,5 % ; en Grèce de 26,5% à 10%. Les banques ont également été assainies, même en Italie, où les inquiétudes sont depuis longtemps récurrentes dans ce domaine.
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