Les pilotes en « lutte permanente » pour réduire la consommation de leurs avions

Le cockpit du Boeing 737-800 sur le vol entre Séville et l’aéroport d’Orly de la compagnie Transavia le 6 septembre 2024. (Benoît DUCROCQ)

“Ils ont changé notre plan de vol”, note Zoe Castelletta sur sa tablette, peu après l’atterrissage à Séville. Le retour vers Paris sera plus long, un désagrément pour les passagers et un revers dans le “combat permanent” des pilotes pour réduire la consommation de leur avion.

Alors que les 1 423 km aller avaient été parcourus en 2 heures 16 minutes par le Boeing 737-800 de Transavia, Mme Castelletta, copilote, et le commandant de bord, Simon Leblanc, espéraient regagner leur base en 1 heure 50 minutes grâce à des vents favorables.

Mais le verdict du centre de contrôle opérationnel de la compagnie low cost du groupe Air France-KLM est tombé : des orages se développent sur le sud-ouest de la France en début de soirée, saturant la zone de contrôle aérien de Bordeaux. Il faut donc survoler l’Atlantique jusqu’à Nantes, puis bifurquer vers Orly, soit dix minutes de vol supplémentaires.

En prévision, les pilotes demandent à Séville 600 kg de kérosène de plus que la charge minimale pour le voyage, huit tonnes en incluant la réserve de sécurité. La profession calcule la masse du carburant et non son volume.

Les plans de vol approuvés par le contrôle aérien définissent à la fois les altitudes et les itinéraires précis, via des couloirs aériens et des points de cheminement que les pilotes saisissent dans le système informatique de l’avion avant le décollage.

Mais ces trajectoires ne sont pas forcément les plus courtes ni les plus efficaces, et les pilotes tentent d’économiser tout au long du trajet en demandant des modifications de parcours quand c’est possible, “une bataille permanente”, explique M. Leblanc, présent chez Transavia France depuis les débuts de la compagnie en 2007 et aujourd’hui chef pilote du 737.

– Budget carburant –

A l’aller, l’équipage a pu prendre une route plus directe jusqu’à Pampelune. Gain immédiat : 2 minutes 30 et 122 kg de carburant.

Le transport aérien est responsable de 2,5 à 3% des émissions mondiales de CO2 mais fait l’objet de critiques car seule une fraction de la population mondiale l’utilise. Face à la crise climatique, de nombreuses entreprises donnent des gages de décarbonation, sans attendre le “zéro émission nette” promis d’ici 2050.

Air France-KLM s’est fixé pour objectif de réduire de 30% ses émissions par passager transporté au kilomètre d’ici 2030 par rapport à 2019. Supprimer les “déchets” permet aussi au groupe, qui a acheté en 2023 pour 7,3 milliards d’euros de carburant, soit un quart de son chiffre d’affaires, de dégager davantage de marge financière.

Transavia, en quête d’avantages compétitifs sur easyJet, Ryanair, Wizz Air, Volotea et Vueling, dont certains affichent leurs propres mesures d’écopilotage, affirme avoir économisé l’an dernier 8.000 tonnes cumulées, soit 100 kg en moyenne par vol.

L’entreprise mise également sur de nouveaux avions en cours de livraison, des Airbus A320neo qui consomment 15% de moins que les monocouloirs Boeing d’ancienne génération qui constituent toujours l’essentiel de sa flotte.

Sur leurs tablettes tactiles, équipées des suites applicatives de la société de services aériens Sita for Aircraft développées avec leur employeur, M. Leblanc et Mme Castelletta peaufinent leurs stratégies d’optimisation.

Et à la fin du vol, le logiciel MyFuelCoach d’une autre société, Openairlines, donne les résultats : ont-ils réussi à manœuvrer au sol à l’arrivée sur un seul moteur, à calibrer la charge optimale de kérosène, à faire une descente régulière ?

« Ce n’est pas une compétition, mais plutôt un guide individuel de bonnes pratiques, d’autant plus que les vols peuvent être soumis à des aléas comme la météo et l’encombrement de l’espace aérien. Et la sécurité demeure la priorité absolue, insiste-t-il.

Dans le cas de ce Séville-Paris, les contrôleurs ont finalement accepté une tangente à hauteur de l’île de Ré, et l’avion a pu atterrir à Orly sans circuit d’approche, après 1 heure 52 minutes.

« Malgré les difficultés que nous avons rencontrées, nous avons quand même réussi à économiser 200 kg », explique Castelletta. A 25 ans, elle est pilote chez Transavia depuis à peine un an et trouve « cool de faire un effort pour réduire notre impact ».

tq/jum/nth

Anna

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