jeIl existe un monde que très peu connaissent, celui des personnes atteintes d’un handicap grave, soit parce qu’elles sont nées ainsi, soit parce qu’un incident de la vie les a rendues extrêmement vulnérables. Nous parlons ici de personnes ayant un besoin quasi permanent d’aide dans tous les actes de la vie quotidienne. Ces actes qui paraissent si simples aux personnes valides. Pour eux, rester propre, manger, se déplacer, se faire comprendre, sont plus que des défis : tous ces actes sont impossibles sans l’aide, soit d’un « soignant » (souvent un parent), soit d’un professionnel.
Ces dernières relèvent des métiers dits « d’autonomie ». Mais ce sont plutôt des métiers d’extrême dépendance, même si une partie du travail consiste à imaginer comment les gens peuvent participer, choisir et s’exprimer. Car souvent seule une connaissance intime des expressions infraverbales peut permettre de les décoder.
Ce monde extraordinaire demande aussi beaucoup d’engagement, et de ressources humaines, en quantité et en qualité : ces personnes sont handicapées 365 jours par an, 24 heures sur 24, avec les contraintes de travail qui vont avec.
De plus, certains protocoles éducatifs ou médicaux doivent être réalisés avec rigueur, et de la même manière, en famille et en institution. La qualité de l’accompagnement et la limitation des problèmes de comportement en dépendent. Or, depuis plusieurs années, les personnes lourdement handicapées sont les oubliées des politiques publiques.
Critiques européennes et onusiennes
Il existe certes une politique « inclusive » du handicap, qui s’est accélérée de manière très significative lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Il s’agissait de répondre aux critiques européennes et onusiennes, en partie fondées, sur notre système jugé trop « institutionnel », voire « carcéral ».
Mais d’une politique inclusive qui aurait pu, dû être différenciée, nuancée selon le degré de dépendance des personnes, on est passé à une idéologie « inclusive », qui n’envisage plus, voire refuse, les réponses institutionnelles. Derrière cette « inclusivité », se cache un déni d’une grande vulnérabilité : il n’y aurait pas de handicap, mais des particularités, des spécificités, auxquelles l’acceptation des différences et l’ouverture de chacun seraient les réponses évidentes et suffisantes. .
Or, pour les personnes dont nous parlons ici, dépendantes pour tous les actes de la vie quotidienne, cette idéologie ne fonctionne pas : les soignants ont aussi le droit d’avoir une vie, et pourraient un jour disparaître.
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