Depuis 20 ans et la loi de 2004, le cadre est clair : toute manifestation religieuse ostentatoire est interdite dans les écoles publiques. Au travail en revanche, une large marge d’interprétation est laissée aux dirigeants d’entreprises, voire aux managers. Ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes à ces derniers, comme l’explique Lionel Honoré, professeur des universités en sciences de gestion, directeur adjoint de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Brest (Finistère). ) et fondateur de l’Observatoire du fait religieux en entreprise. Il a récemment publié Gérer la religion au travail. Références et outils pour gérer efficacement les faits religieux (Dunod, 2023).
Quelles questions la religion soulève-t-elle aujourd’hui dans les affaires ?
Lionel Honoré : Selon les enquêtes de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE), certains mouvements religieux – évangéliques et musulmans notamment – deviennent de plus en plus affirmés et exigeants. Le nombre d’entreprises françaises se déclarant régulièrement ou occasionnellement concernées par des questions liées au religieux était ainsi d’une sur quatre en 2013, contre deux sur trois dix ans plus tard (« Baromètre du fait religieux en entreprise 2023 », Observatoire du fait religieux en entreprise/Institut Montaigne, juillet 2023).
Les salariés demandent par exemple un aménagement de leur horaire, un choix de menus adaptés à la cantine, ou encore de pouvoir porter des signes religieux. On assiste ainsi à une remise en cause de l’effacement de la religion à l’œuvre. À partir des années 1950, dans le sillage de la sécularisation, les croyances et plus encore les pratiques sont spontanément renvoyées dans la sphère intime et privée. Aujourd’hui, ils s’affirment à nouveau dans l’espace public comme dans les affaires. Cela surprend les managers qui n’avaient pas ou plus l’habitude d’en tenir compte.
Cela pose-t-il donc plus de problèmes qu’avant ?
L’écrasante majorité des pratiquants n’affichent même pas leur religion au travail. Le premier réflexe est de le cacher. “Je ne sais pas ce que dirait mon patron s’il me voyait prier, mais je pense que je préfère ne pas le savoir”, par exemple, nous a confié un employé musulman dans une entreprise industrielle. Toujours selon les études de l’OFRE, dans environ 80 % des cas où une personne exprime un souhait relatif à l’exercice d’une pratique religieuse, cela ne pose aucun problème : les demandes sont jugées acceptables ; Salariés et employeurs trouvent spontanément un accord.
Il vous reste 69,96% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.