En 1993, Ambronay crée la première Académie baroque pour accompagner les nouvelles générations d’interprètes. Rencontre avec l’un de ces artistes accompagnés, Louis-Noël Bestion de Camboulas, co-fondateur de l’ensemble Les Surprises, devenu depuis l’un des grands noms de la musique ancienne. Il est exposé ce week-end d’ouverture du Festival d’Ambronay.
A Ambronay, musique ancienne et baroque rime souvent avec jeunesse. La transmission est dans l’ADN du festival. Et l’Académie baroque européenne, fondée en 1993, y est pour beaucoup. En 30 ans, elle a accompagné 50 jeunes ensembles et 1 250 artistes. De grandes figures du baroque, de Jordi Savall à William Christie en passant par Hervé Niquet, l’ont façonné. Et certains jeunes artistes qui y ont participé sont alors devenus les stars d’aujourd’hui. Les chanteuses Patricia Petibon, Karine Deshayes, Stéphanie d’Oustrac, y ont fait leurs premiers pas. Mais aussi ces chefs, formidables pionniers du répertoire baroque, comme Raphaël Pichon, Sébastien Daucé, Leonardo García Alarcón,
Ou encore le claveciniste et organiste Louis-Noël Bestion de Camboulas, fondateur avec Juliette Guignard de l’ensemble Les Surprises, qui a depuis enregistré six CD sous le label Ambronay. Nous l’avons rencontré pour parler de son expérience à l’Académie baroque, alors qu’il est à l’affiche du premier week-end du 44ème Festival d’Ambronay pour le La Passion selon Saint Jean par Bach.
Franceinfo Culture : Nous fêtons les 30 ans de l’Académie baroque qui a contribué à agrandir la « famille » du Festival d’Ambronay. Vous sentez-vous comme un enfant d’Ambronay ?
Louis-Noël Bestion de Camboulas : En fait, oui, tout à fait (rires), mais ce n’est pas calculé. Avec Ambronay, cela a commencé lorsque j’ai participé à l’Académie, en 2010, avec Hervé Niquet. Nous avions déjà créé l’ensemble Les Surprises lorsque nous étions étudiants au Conservatoire National de Lyon avec Juliette Guignard, avec qui je dirige l’ensemble. Musicalement, cette séance m’a vraiment façonné. C’était pendant les années d’études, où on se construisait, je venais de participer à l’Orchestre Français des Jeunes, une super session aussi mais à Ambronay il y avait quelque chose en plus : la rencontre avec Hervé Niquet m’a vraiment beaucoup marqué. J’ai aimé le travail qu’il a pris le temps de faire avec nous.
Combien de temps a duré la session à l’Académie ?
C’est un temps de répétition assez long, nous avons passé une quinzaine de jours à travailler sur le programme, en orchestre. Et puis il faut ajouter quinze jours de concert, soit environ un mois au total. C’était sur Rameau ! Pensez-y, le nom de notre ensemble fait référence à Jean-Philippe Rameau et son opéra Les Surprises de l’amour, et nous avions déjà envie de faire beaucoup de musique française !
Que vous a apporté l’Académie ?
Lorsqu’on est étudiant dans un conservatoire national supérieur de musique (CNSM) ou dans un autre établissement en Europe, il arrive qu’il y ait des séances d’orchestre, mais finalement il est assez rare qu’on soit dans des grands groupes. Et donc l’Académie a apporté cet aspect plus orchestral. Et puis, ce qui nous a construit aussi, pour Les Surprises, ce sont ces rencontres avec des musiciens, amenées par l’Académie. Par exemple encore aujourd’hui, parmi ceux avec qui on joue Passion Saint Jean ou d’autres programmes orchestraux, ils sont nombreux à faire l’Académie la même année que nous. C’est le cas de la contrebassiste qui nous accompagne depuis le début, avec qui nous avons réalisé le premier enregistrement ici à Ambronay, Marie-Amélie Clément. J’ai aussi une pensée pour une hautboïste, Laura Duthuillié, rencontrée elle aussi à l’Académie, qui comptait beaucoup pour nous car elle faisait aussi le son des Surprises et qui est décédée l’année dernière. Il y en a d’autres aussi, qui ont fréquenté l’Académie avant ou après nous, cela donne toujours lieu à des rencontres : avec des collègues, un chef d’orchestre, des amis.
Est-ce que c’est ça l’esprit d’Ambronay ?
Concernant l’Académie, oui c’est l’aspect rencontre et expérimentation. L’esprit de l’Académie est lié au fait que nous réunissons 40 personnes entre 17 et 30 ans : forcément, il y a une histoire d’émulation et aussi de joie de se retrouver. Je me souviens de quelque chose de très festif, et en même temps de très sérieux dans le travail, car nous aimons aller loin dans notre travail musical.
L’Académie d’Ambronay a aussi la particularité de réunir des jeunes pleins d’envies et d’idées et un héritage musical très ancien…
Oui, cela peut paraître un peu surprenant quand on est dans un environnement complètement différent (rires). La musique baroque, c’est vrai, il y a beaucoup de jeunes qui la jouent et qui en ont très envie. Donc, ce n’est pas spécifique à Ambronay, il y a des choses similaires ailleurs en Europe, notamment avec l’Orchestre Baroque Européen. Mais c’est vrai, c’est une jeunesse très déterminée, qui veut jouer une musique très spécialisée.
Recherche en musique ancienne et Académie, vont-elles de pair ?
Je dirais que l’Académie m’a donné envie d’expérimenter en termes de travail musical, du fait que nous avions un chef d’orchestre qui prenait le temps d’expliquer ses propres recherches. Ensuite, le travail de recherche musicologique proprement dit sur le répertoire me vient davantage de mon passage au CNSM de Lyon. Mais c’est vrai qu’à Ambronay, côté festival cette fois, j’ai toujours eu l’impression qu’il y avait une envie de ça, et il y a le goût d’une sorte de « risque » : on se permet de programmer des œuvres qui n’ont pas été joué depuis des siècles et on se dit que le public viendra et sera heureux de découvrir ça.
Vous êtes donc un pionnier, un archéologue de la musique ancienne française. Et pourtant, ce n’est pas une découverte que vous proposez ce week-end à Ambronay, mais un incontournable absolu du baroque, une œuvre majeure de Bach, la « Passion selon saint Jean ».
Je pense effectivement que malgré le travail archéologique que nous faisons avec les Surprises, nous n’allons pas nous empêcher de jouer des œuvres que nous aimons et qui sont très connues du grand public. Et puis j’ai un attachement à La Passion selon Saint Jean surtout, dès le plus jeune âge, plus que pour d’autres grandes œuvres de Bach. Je l’écoutais beaucoup par l’intermédiaire de mes parents qui en faisaient aussi un métier théâtral, car ils avaient une compagnie de théâtre. Et donc je trouve intéressant à la fois d’aller rejouer, par exemple, des motets inconnus d’Henry Desmarest et une œuvre aussi célèbre que celle-là.
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