Ils sont dĂ©sormais 16 Ă Saint-Claude Ă avoir dĂ©passĂ© leur centième anniversaire et mĂ©ritent mĂŞme le qualificatif de « Supercentaires ». Une tranche d’âge souvent atteinte en Guadeloupe et en Martinique oĂą l’on compte huit fois plus de « supercentenaires » qu’en France. Une Ă©tude rĂ©cente sur ce phĂ©nomène classe l’esclavage et ses consĂ©quences parmi les facteurs pouvant expliquer cette extraordinaire longĂ©vitĂ©.
Ce 4 juin 2024 est jour de fĂŞte Ă Saint Claude. Comme Ă son habitude et comme son prĂ©dĂ©cesseur l’avait fait avant elle, Lucy Weck-Mirre, maire de la commune, est prĂ©sente pour l’occasion.
Il s’agit en fait d’honorer le doyen de la commune qui est aussi, dĂ©sormais, le doyen reconnu de Guadeloupe.
Elle s’appelle Émilienne BĂ©carin. Elle fĂŞte son 113e anniversaire. Depuis la mort des deux Abymiens qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©e, c’est elle qui porte dĂ©sormais le flambeau de la longĂ©vitĂ© guadeloupĂ©enne.
Pour ses deux enfants vivants (elle en avait 5) et pour les 127 petits-enfants, arrière-petits-enfants et arrière-arrière-petits-enfants qu’ils lui ont donnĂ©s, c’est un jour que mĂŞme ceux qui ne sont pas en Guadeloupe, ne peuvent pas manquer. Un jour oĂą tout le monde se souvient de quelque chose de spĂ©cial chez Emilienne. Et tout d’abord ses deux enfants.
EDOUARD BECARMIN 86 ANS FILS D’EMILIENNE
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Ă€ Saint-Claude, commune de 10 700 habitants, qui a vu sa population augmenter de 3,89 % en 2021 par rapport au recensement de 2015, on a aussi pris l’habitude de voir le nombre de centenaires et supercentenaires Ă©voluer Ă©galement. Alors nous nous organisons pour les entourer et veiller Ă leur bien-ĂŞtre.
ARMELLE JACOBY VICE-PRÉSIDENTE DU CCAS DE SAINT CLAUDE
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Mais en cela, Saint Claude serait un exemple de cette vertu de longévité de plus en plus reconnue aux Antilles françaises. Ils auraient huit fois plus de supercentenaires que la France.
Dans une Ă©tude de ma Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse publiĂ©e dans « GĂ©rontologie et SociĂ©tĂ© », Jacques Vallin
avance une hypothèse qui induirait que l’esclavage aurait provoquĂ© une sĂ©lection naturelle qui expliquerait une telle longĂ©vitĂ©. Il y aurait donc une explication gĂ©nĂ©tique.
Peut-on alors admettre que la grande majoritĂ© de la population actuelle a hĂ©ritĂ© des caractĂ©ristiques gĂ©nĂ©tiques de ses ancĂŞtres esclaves ? Qu’il s’agisse de leur capture, lors de leur dĂ©tention avant la dĂ©portation, ou lors de la traversĂ©e de l’Atlantique, la mortalitĂ© fut Ă©pouvantable. ArrivĂ©s ensuite aux Antilles, ces hommes et femmes, le plus souvent très jeunes, furent soumis aux travaux forcĂ©s et Ă des traitements brutaux. Beaucoup sont morts avant de pouvoir avoir des enfants. L’ensemble du processus sĂ©lectionnait naturellement les individus les plus rĂ©sistants qui Ă©taient les seuls Ă aller jusqu’au bout de la chaĂ®ne et Ă rĂ©ussir Ă se reproduire.
Jacques Vallin, « Gérontologie et société. CNAVEt Jacques Vallin conclut que «S’il existe un lien génétique entre robustesse et longévité, cela pourrait évidemment suffire à expliquer la surprévalence actuelle des supercentenaires.
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Il compare ainsi la situation de la Guadeloupe et de la Martinique Ă celle de la RĂ©union oĂą la population Ă©tait très diffĂ©rente, oĂą les personnes asservies venaient majoritairement de Madagascar et oĂą le traitement infligĂ© Ă©tait très diffĂ©rent de celui subi par les victimes. de l’esclavage aux Antilles françaises. L’Ă©tude menĂ©e par Jacques Vallin bute cependant sur un cas, celui d’EugĂ©nie Blanchard de Saint-BarthĂ©lemy. Ange EugĂ©nie Blanchard qui est nĂ©e en 1896 Ă Saint BarthĂ©lemy et qui, dans ses derniers jours, en 2010, Ă©tait la femme française la plus âgĂ©e. Et l’auteur de l’Ă©tude n’hĂ©site pas Ă chercher des hypothèses d’explication, allant mĂŞme jusqu’Ă se demander si l’EugĂ©nie Blanchard qui a quittĂ© Saint-BarthĂ©lemy Ă 25 ans
vivre 33 ans à Curaçao où elle était religieuse, est la même qui revint un jour à Saint Barthélemy pour y finir ses jours.
Mais on sait aussi quelle rĂ©silience et quelle force de survie ont dĂ» faire preuve les premiers Saint-Barthiens pour rester sur l’Ă®le, parfois mĂŞme abandonnĂ©e par tous sur une pierre sans grande opportunitĂ©. Ce qu’ils en ont fait explique peut-ĂŞtre aussi la nature de leur longĂ©vitĂ©.
Saint Claude, ville des centenaires et supercentenaires
MUNICIPALITÉ DE CENTENAIRES DE SAINT CLAUDE
©Thierry Philippe
*Jacques Vallin, directeur de recherche Ă©mĂ©rite, Institut national d’Ă©tudes dĂ©mographiques (INED), Campus Condorcet