« J’ai été étonné de voir un poisson qui avait des ailes d’oiseau, le corps d’un poisson et les pattes d’un crabe. Il ressemblait à un centaure mythique, sauf qu’il était réel. » C’est ainsi que David Kingsley se souvient de la première fois où il s’est retrouvé face à face avec un Prionotus carolinusen 2016, à Laboratoire de biologie marine à Woods Hole, Massachusetts.
Sur le chemin du retour en Californie, le biologiste du développement de l’université de Stanford recherche sur Internet cet étrange poisson de la famille des Triglidés, dire ScientifiqueAméricain. Le chercheur décide d’explorer les mécanismes évolutifs qui amènent un poisson à avoir des pattes.
Huit ans après cette rencontre du troisième type, son équipe publie, avec celle de Nicholas Bellono de l’université Harvard, deux articles dans Biologie actuelle, un sur Prionotus carolinus en particulier et sur le rôle de ses six pattes, et l’autre sur les processus génétiques qui ont permis l’émergence des pattes chez Triglidés.
« En général, les biologistes trouvent plus facile d’étudier la perte de certaines caractéristiques au cours de l’évolution – la disparition des pattes chez les serpents ou la perte de couleur chez les poissons des cavernes – que l’acquisition de nouvelles. » , rappelle le magazine mensuel. Prionotus carolinus, qui utilise ses pattes « déplacer, prospecter et sentir des proies à l’abri des regards », représente donc une opportunité “rare” pour étudier cet aspect.
Les chercheurs ont découvert que les six pattes, qui ressemblent à celles des crabes, confèrent aux poissons de nouvelles capacités sensorielles, comme le toucher et la détection chimique de proies, comme une coquille enfouie sous le sable. Cela se fait à l’aide de capteurs, que les chercheurs comparent aux papilles gustatives.
L’étude génétique a permis d’identifier le gène tbx3a, déjà connu pour réguler d’autres gènes chez de nombreux vertébrés, comme “indispensable au développement des pattes (de ce poisson), de ses papilles gustatives et même de son comportement de fouille”. En le manipulant, les chercheurs ont pu faire pousser des pattes ou des nageoires… David Kingsley confirme que “les pattes d’un poisson sont une nouveauté”, tout en soulignant “qu’ils sont générés à l’aide d’une boîte à outils de gènes bien connus dans d’autres organismes”.
L’engouement pour ces poissons à pattes ne décroît pas et plusieurs laboratoires ont récemment été créés aux Etats-Unis pour les étudier, révèle le magazine. ScientifiqueAméricain, qui voit déjà le Triglidés comme les nouveaux animaux modèles des chercheurs.
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