L’hypothèse d’une hausse des impôts fait frémir le parti de Macron et divise ailleurs

Le Premier ministre Michel Barnier, à Paris, le 7 septembre 2024 (Ludovic MARIN)

La fin d’un totem ? Après sept ans de baisses d’impôts, Michel Barnier a surpris certains de ses interlocuteurs macronistes en évoquant une hausse des impôts, au nom d’une situation budgétaire étouffante mais au risque de se priver de soutiens dans sa propre famille politique.

Emmanuel Macron en avait fait l’une de ses marques de fabrique, réclamant 50 milliards d’euros de baisses d’impôts depuis 2017 pour les entreprises (l’impôt sur les sociétés a par exemple été ramené de 33,3% à 25%) ou les ménages (suppression de la taxe d’habitation, transformation de l’impôt sur la fortune ou prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital).

Mais ce quasi-dogme est sur le point d’être remis en cause par le déficit public qui pourrait se creuser à 5,6% du PIB cette année, voire 6,2% en 2025, laissant le nouveau Premier ministre face à une délicate équation budgétaire.

Il avait déjà laissé entendre un changement de cap lors de sa première interview télévisée, le 6 septembre, au lendemain de sa nomination. « Les Français veulent et ont besoin de justice fiscale », avait-il déclaré.

Si l’hypothèse, au stade embryonnaire, n’est pas nouvelle, elle a trouvé un second souffle mardi en agitant la réunion des députés macronistes, où Gérald Darmanin a allumé la mèche, selon Le Parisien.

Selon le ministre démissionnaire de l’Intérieur, M. Barnier aurait évoqué à plusieurs reprises – y compris devant lui – la possibilité d’une augmentation d’impôts, sans préciser ses intentions.

Une version corroborée par un autre interlocuteur récent du Premier ministre au sein du camp présidentiel, qui confirme avoir entendu M. Barnier évoquer des hausses d’impôts “sur les hauts revenus”. De quoi pousser le chef du groupe des députés macronistes à demander une réunion avec M. Barnier qui devrait se tenir mercredi matin, afin d’obtenir des éclaircissements.

“Des rumeurs”, rétorque l’entourage du Premier ministre, se référant aux propos exacts de son interview. “Les rumeurs sur la fiscalité sont de la pure spéculation. Le Premier ministre analyse la situation budgétaire et aucune option n’a été décidée aujourd’hui”, insiste la même source.

Car M. Barnier, qui n’a toujours pas formé de gouvernement et ne dispose derrière lui qu’une coalition précaire à l’Assemblée, avance sur le fil du rasoir, entre des lignes rouges parfois fluctuantes.

“Nous souhaitons la stabilité budgétaire et ne pas remettre en cause ce qui a permis de réduire le chômage et d’accroître l’attractivité de notre pays. Revenir là-dessus serait une terrible erreur”, résume le député macroniste Jean-René Cazeneuve, tout en se disant “ouvert” à des hausses “très ciblées” et “ponctuelles”, comme celle qui a visé les autoroutes.

– LR partagés –

Le camp présidentiel lui-même s’était divisé à plusieurs reprises sur la taxation des superprofits, portée notamment par le MoDem. Et le thème de la “justice fiscale” pourrait trouver un écho chez certains élus de ce bloc.

En revanche, la possibilité de toucher à l’impôt sur les sociétés, évoquée notamment par L’Opinion, devrait rencontrer une ferme opposition dans une ancienne majorité à tendance pro-entreprises.

Au sein des Républicains, dont est issu M. Barnier, le cap est en théorie très ferme. « Notre conviction est que dans un certain nombre de domaines, il faut une politique de droite », qui ne passe pas par « des hausses d’impôts », a ainsi réaffirmé la semaine dernière le chef de file des députés LR Laurent Wauquiez.

Mais cette intransigeance serait surtout dirigée contre les modifications de « l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés », décrypte un député LR. Pour lui, le Premier ministre vise avant tout à taxer les « superprofits » et les « très riches ». Et « là-dessus, côté LR, il n’y a aucun problème », veut-il croire.

Le Rassemblement national, qui souffle le chaud et le froid, a précisé les conditions de son soutien par la voix du député Jean-Philippe Tanguy sur BFMTV : “S’il s’agit d’une mesure de justice fiscale, c’est-à-dire qu’on taxe davantage les plus favorisés et les profits excédentaires de certaines multinationales en échange d’une baisse de la pression fiscale qui est très élevée sur les classes moyennes et les classes populaires (…), alors M. Barnier aura notre soutien.”

Le Premier ministre pourrait-il trouver des soutiens à gauche ? “Cela dépendra des détails : combien et surtout pour qui”, a éludé la députée PS Christine Pirès Beaune.

“Cela ouvre l’appétit”, a résumé mardi le dirigeant communiste Fabien Roussel, à la sortie d’une réunion avec M. Barnier.

Quant au gouverneur de la Banque de France, il a suggéré mardi un effort budgétaire “exceptionnel et raisonnable” sur certaines grandes entreprises et gros contribuables. “A condition que l’on ne soit pas revenu en dessous de 3%” de déficit public, a prôné François Villeroy de Galhau dans un entretien au Parisien.

sac-ama-arz-jmt/caz/er/or

Anna

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