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Liberté de la presse : LVMH voit rouge et met Mediapart sur liste noire

Que pense Bernard Arnault de Mediapart, Canard enchaîné et La Lettre ? Pour le patron de LVMH, ces médias indépendants, vivant sans publicité, sont peuplés de « Des journalistes sans scrupules » » OMS « utiliser l’attrait du public pour le luxe pour attirer un nouveau lectorat de manière osée »Vous l’aurez compris, le milliardaire a très peu de goût pour nos révélations sur l’envers du décor de son empire du luxe.

Et il veut le faire savoir à son comité de direction, composé des directeurs généraux de son groupe, dont ses deux aînés. Dans une lettre datée du 17 janvier, et révélée par La Lettre, Bernard Arnault dresse une liste noire des médias d’information auxquels les salariés de LVMH ont accès. « interdiction absolue de parler ».

Décrit comme sites dits d’investigation »ou même comme « lettres dites confidentielles »ces « publications orientées » sont désormais sur la liste noire du numéro un mondial du luxe, au nombre de sept. Parmi eux figurent Mediapart, mais aussi deux titres de l’éditeur indépendant Indigo Publications, La Lettre et Glitz Paris, ainsi que Le canard enchaînél’Informé, Puck, un média en ligne américain, et Miss Tweed, un site spécialisé dans l’industrie du luxe. L’interdiction s’étend même à « toutes autres lettres ou pages confidentielles du même type qui existent ou qui pourraient être créées ».

© Photoillustration Sébastien Calvet / Mediapart avec REA

Bernard Arnault rappelle également à son comité de direction, chargé de transmettre cette instruction à ses subordonnés hiérarchiques, que les seuls échanges autorisés avec la presse sont ceux qui empruntent « les circuits de communication que nous avons mis en place dans nos entreprises et qui obéissent à des règles très précises »Il met en garde ceux qui s’écarteraient de cette règle. ” recommandation “ dans des termes particulièrement menaçants et prévient qu’il se montrera “intraitable”.

Entre la carotte et le bâton, Bernard Arnault a choisi : « Tout manquement (et cela se saura inévitablement) sera considéré comme une faute grave, avec les conséquences qui y sont attachées. » En bref, toute personne travaillant pour le propriétaire de la maison Louis Vuitton et entretenant « relations avec des journalistes peu scrupuleux » de leur confier « informations ou commentaires sur la vie du groupe » fait face à un licenciement. « En tant que propriétaires de grands médias, nous connaissons l’importance d’une information fiable et honnête »Bernard Arnault ose même dans sa lettre.

On connaissait Vincent Bolloré, maître de CNews et de JDDmuselant ses anciens salariés en leur faisant signer des clauses de non-dénigrement. On découvre Bernard Arnault jetant un lourd voile sur son groupe pour étouffer toute voix dénonçant les mauvaises pratiques de son empire et dissuader ceux qui songeraient à devenir lanceurs d’alerte. Voilà deux patrons décidément aux antipodes de la liberté de la presse.

La réalité derrière les strass

D’autant que Bernard Arnault pèse très lourd dans le domaine médiatique. Son groupe LVMH est omniprésent. Il possède Les échos, Le ParisienRadio Classique, le journal Investir ou, à partir du 1euh octobre, Paris MatchElle s’étale sur les pages publicitaires, exerçant ainsi une pression financière, même sur les journaux qui ne lui appartiennent pas.

Ses égéries portent le message du groupe – et son ultra-libéralisme – partout, de Rihanna qui a vendu sa marque de cosmétiques à LVMH, à Pharell Williams, aujourd’hui embauché par Louis Vuitton, en passant par les athlètes de LVMH qui ont affiché les couleurs du groupe tout au long des compétitions olympiques et paralympiques. Mais s’il parle partout, le groupe a peu de goût pour qu’on en parle. Encore moins pour raconter la réalité derrière les strass.

Rappelons, à toutes fins utiles, qu’il s’agit du même groupe qui, piqué au vif par l’activisme des trublions du journal picard Fakira embauché l’ancien directeur du renseignement intérieur Bernard Squarcini pour “infiltrer” et les torpiller. Ainsi, en 2013, celui qu’on appelle « le Requin » avait ébranlé tous ses réseaux dans la police et les renseignements pour faire capoter l’action d’un petit journal amiénois à l’audience très confidentielle. C’est dire combien Bernard n’aime pas qu’on dise du mal de lui.

Une affaire doublement ratée puisque François Ruffin en a tiré le documentaire Merci patron ! qui a durablement terni l’image du saint patron du luxe, mais aussi parce que cette affaire d’espionnage à la limite du coup fourré a fini par être révélée au grand public dans les colonnes de Mediapart, en 2019. A l’époque, déjà, LVMH ne nous avait pas répondu. Bernard Arnault avait d’ailleurs éludé les questions de la police à l’époque, déclarant qu’il n’avait “aucune information sur ce sujet” et ce même si les interceptions de conversations téléphoniques prouvent que c’était le milliardaire qui était aux commandes.

L’affaire n’ira jamais jusqu’au procès, la justice étant désormais financée à l’aide de conventions judiciaires d’intérêt public. En payant une amende de 10 millions d’euros, LVMH a évité un procès, une condamnation mais surtout la chronique judiciaire du procès.

Les réponses à côté

LVMH n’a pas apprécié le documentaire de Ruffin, ni nos nombreux articles récents sur le groupe. Par exemple, nos informations sur sa prise de contrôle de Paris. En mai, nous avons consacré cinq articles à documenter comment le groupe avait transformé la ville en un énième produit de LVMH, avec l’aide de la mairie. Nous avons envoyé une longue liste de questions au groupe et malgré plusieurs relances, il ne nous a jamais répondu. L’ordre de Bernard Arnault avait déjà été donné.

Et lorsque, par le passé, le service de presse de LVMH nous répondait encore, il apportait très rarement des réponses précises à nos nombreuses questions. Ainsi, nous recevions des réponses lorsque nous enquêtions sur les conditions de travail des travailleurs indépendants du studio photo Louis Vuitton, des agents de sécurité de la fondation, des vendeuses du grand magasin de la Samaritaine, des employés noirs de la même marque… Mais, très régulièrement, lorsque les questions ne leur plaisaient pas – et cela arrivait régulièrement – ​​le service de presse donnait des réponses erronées.

Et quand l’enquête devenait un peu trop ennuyeuse, le groupe ne manquait pas de nous le faire savoir. Maintenant que Bernard Arnault a coupé toute communication, ses échanges cordiaux vont nous manquer. En souvenir des bons moments, nous vous en mettons quelques-uns ici.

LVMH n’a pas apprécié l’enquête que nous avons publiée sur les caméras espionnes cachées dans le sous-sol de la Samaritaine et s’est montré insultant avant de répondre.

Dans leurs mots, nos questions deviennent affirmations prétendument étayées” et certains « allégations ». Et à la fin de l’email, le géant du luxe nous a même donné des conseils d’écriture, nous invitant à « prudence dans la publication de (notre) article » et à nous « s’abstenir de mentionner les noms, prénoms ou initiales des personnes que (nous) mettons en cause ».

Après la publication de l’enquête, La Samaritaine nous a envoyé une autre lettre tout aussi amicale, une mise en demeure nous demandant de supprimer les vidéos desdites caméras, pour, disent-ils, protéger « données personnelles des salariés »Le problème n’est plus l’employeur qui filme ses salariés, en dehors de tout cadre légal et sans les prévenir, mais le journal qui révèle l’information.

La réalité de toute cette affaire est que c’est la publication de l’article qu’ils essayaient d’empêcher.

Avocat de Samira R., créatrice de cosmétiques

Nous étions habitués à des échanges cordiaux de ce style avec le magasin, le service de presse reprochant régulièrement à l’auteur de l’article (Khedidja Zerouali) d’avoir été membre du syndicat CGT, tout comme certains des salariés avec lesquels elle échangeait alors. LVMH, en espion habile, avait découvert cette appartenance syndicale dans la déclaration d’intérêts que nous publions tous sur Mediapart.

Loin du « Sama » et de ses turpitudes, dans les Ardennes, Samira R., jeune créatrice de cosmétiques, se souviendra elle aussi longtemps du soin que le groupe apporte à son image.

Depuis deux ans, l’auto-entrepreneuse se battait avec l’INPI pour pouvoir exploiter sa marque, l’Instinct Paris. De l’autre côté, il y avait LVMH et son armada d’avocats qui assuraient que le vendeur de crèmes ferait de l’ombre à la marque Givenchy L’Instinct.

Pendant deux ans, elle, Samira R., s’est épuisée en lettres larmoyantes adressées à Bernard Arnault et en recours juridiques, pour pouvoir enfin vendre ses crèmes sur les marchés de sa région. Elle défendait une idée originale : l’instinct est un mot de la langue française et la langue française n’a pas encore été achetée par Bernard Arnault… Mais ce n’est qu’à la réception de nos questions, sentant venir un article, que le groupe de luxe a décidé de répondre à Samira R.

Le lendemain de notre email, Givenchy s’était montré plus attentif, un accord financier avait dû être trouvé, ils avaient même retiré leur recours auprès de l’INPI. Et hop, l’article était publié et LVMH avait plié bagage. « J’ai reçu un e-mail rapide me rappelant que le recours en nullité avait déjà été annulé et qu’ils considéraient désormais que cela était suffisant, L’avocat de Samira R. a alors déclaré. Il n’était plus question d’un accord de quelque nature que ce soit… La réalité de toute cette affaire est que c’était la publication de l’article qu’ils cherchaient à empêcher.

Face à ces pressions, la créatrice de cosmétiques, qui bénéficiait à l’époque de l’aide sociale, n’a pas cédé et a donné son accord pour que l’article paraisse quand même. Si une travailleuse précaire peut le faire, défiant LVMH et tout son empire de participer à l’émergence de la vérité, nous ne doutons pas que les dirigeants du groupe en feront de même.

Anna

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