LIGNE ROUGE. Gisèle Pelicot face à ses bourreaux au procès du viol de Mazan

Depuis trois semaines et l’ouverture du procès pour viol de Mazan, le visage et le nom de Gisèle Pelicot sont devenus un symbole dans la lutte contre les violences sexuelles. Chaque jour, nombreux sont ceux qui attendent et acclament cette femme de 71 ans devant la salle d’audience du tribunal d’Avignon.

Applaudissements, encouragements, Une haie d’honneur, un bouquet de fleurs… Derrière ses lunettes de soleil, Gisèle Pelicot semble émue par ces marques de soutien de dizaines d’anonymes. Bien que discrète, elle a tenu à les remercier.

« J’ai été profondément touché par cet élan qui me donne une responsabilité », elle dit. « Grâce à vous tous, j’ai la force de mener ce combat jusqu’au bout. » Un combat qu’elle dédie à toutes les victimes de violences sexuelles.

« Je veux leur dire aujourd’hui : ‘regardez autour de vous, vous n’êtes pas seuls’. »

Jusqu’en décembre, Dominique Pelicot, son ex-mari, était jugé par le tribunal correctionnel départemental du Vaucluse pour avoir drogué sa femme avant de la violer et l’avoir fait violer par des inconnus. Car il n’était pas seul dans le box des accusés. Une cinquantaine d’autres hommes de tous âges et de toutes professions comparaissaient à ses côtés.

Un procès hors norme suivi par les télévisions du monde entier. Et un procès d’autant plus insolite que les débats sont publics, Gisèle Pelicot ayant refusé de tenir un huis clos. Car elle souhaite que son témoignage soit public pour que la honte change de camp et « pour qu’aucune femme ne subisse cette soumission chimique ».

« Je le fais au nom de toutes ces femmes qui ne seront peut-être jamais reconnues comme victimes. »

92 viols, 83 individus

Un procès qui n’aurait peut-être pas eu lieu sans cette journée du 12 septembre 2020. Ce jour-là, Dominique Pelicot se rend dans un supermarché de Carpentras. Il est surpris par un agent de sécurité alors qu’il filme sous les jupes des clientes. Nathalie, l’une de ses victimes, porte plainte. Il est placé en garde à vue.

C’est ainsi qu’a éclaté l’affaire du viol de Mazan. Lors d’une perquisition à son domicile, des photos et des vidéos ont été découvertes dans son matériel informatique. Au total, les enquêteurs ont répertorié 92 viols sur une période de dix ans et ont recensé 83 individus différents. Une cinquantaine ont été identifiés.

En garde à vue, Dominique Pelicot a reconnu les faits. Il a drogué son ex-femme pour la violer et la faire violer par des inconnus. L’homme a expliqué aux enquêteurs s’être rendu sur un site de rencontres où il avait créé une page intitulée “à son insu”. Sur cette page, des hommes pouvaient le contacter pour des “jeux sexuels” avec sa femme.

Après plusieurs jours d’absence pour raisons de santé, Dominique Pelicot a de nouveau reconnu les faits « dans leur intégralité » devant le tribunal. Mais il a expliqué avoir vécu des traumatismes dans son enfance, notamment un viol qu’il aurait subi à l’âge de 9 ans et un autre auquel il aurait été contraint de participer à l’âge de 14 ans. Il a ajouté : « On ne naît pas pervers, on le devient. »

A plusieurs reprises, Dominique Pelicot a exprimé des remords et demandé pardon à son ex-femme. Des mots difficiles à entendre pour Gisèle Pelicot. « Pendant cinquante ans, j’ai vécu avec un homme dont je n’aurais jamais imaginé une seule seconde qu’il puisse faire ces choses-là. J’avais une confiance totale en cet homme. »

« J’ai été sacrifiée sur l’autel du vice », dénonce Gisèle Pelicot.

« Il y a viol et viol »

Quant aux coaccusés, le plus jeune a 26 ans, le plus âgé 74 ans. Ils sont pompiers, retraités, ouvriers ou journalistes. La plupart habitaient à quelques kilomètres du domicile du couple et n’avaient pas d’antécédents judiciaires. « Ils avaient tous une vie familiale, professionnelle et sociale parfaitement intégrée, parfaitement normale », a expliqué à BFMTV Louis-Alain Lemaire, avocat de quatre des accusés.

Si certains reconnaissent avoir violé Gisèle Pelicot, d’autres semblent minimiser leur rôle. Une trentaine d’entre eux affirment ne pas avoir été au courant que Gisèle Pelicot avait été droguée, pensant qu’il s’agissait d’un rapport sexuel consenti et estimant avoir été « trompés ».

C’est l’un des principaux axes de la défense. “Il y a viol et viol et sans intention de le commettre, il n’y a pas de viol”, a déclaré l’un des avocats de la défense, indignant les parties civiles dont Gisèle Pelicot.

Car alors que le procès se poursuit avec l’audition des coaccusés, Gisèle Pelicot fustige les soupçons dirigés contre elle distillés, selon elle, par les avocats de la défense. Car le tribunal rend publiques 27 photos sensibles de Gisèle Pelicot prises à son insu, selon elle. « Pas une seconde je n’ai donné mon consentement », se souvient-elle avec colère. « C’est tellement humiliant et dégradant d’entendre cela », a-t-elle déclaré.

« J’ai l’impression d’être le coupable et que les 50 derrière moi sont des victimes. »

« Je suis un violeur »

Parmi les accusés, 32 comparaissent libres. A leur arrivée, ils se présentent le visage caché derrière une cagoule, un masque et des lunettes de soleil mais empruntent les mêmes entrées et sorties que les parties civiles et le public. A chaque suspension d’audience, ils sont hués.

Le modus operandi était toujours le même. Avant leur arrivée, Dominique Pelicot droguait son ex-femme avec de puissants anxiolytiques, au point de la plonger dans un état comateux. Il demandait aux hommes de se garer un peu plus loin, de se changer dans la cuisine, d’arriver nus dans la chambre mais aussi de ne pas fumer juste avant et de ne pas se parfumer.

Un accusé d’une cinquantaine d’années, qui a passé deux ans en détention provisoire, a assuré à BFMTV avoir reconnu “que oui, c’était un viol”. “Je me suis rendu compte que je n’avais pas le consentement”. Mais il rejette la faute sur le principal accusé, Dominique Pelicot.

« Je me suis laissé guider, j’ai perdu le contrôle de moi-même, ajoute-t-il. Je ne suis pas resté des heures et des heures. À un moment, j’étais dégoûté, c’était lui, il devenait rouge, il devenait fou, c’était son plaisir. »

Dominique Pelicot, lui, assure : « Je suis un violeur comme tout le monde dans cette salle. Ils savaient tout et ne peuvent pas dire le contraire. »

Article original publié sur BFMTV.com

Anna

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