« L’immigration a généralement peu d’impact sur le chômage et les salaires »

P.Parmi les craintes liées à la migration, celles liées à l’emploi et aux salaires sont souvent présentées comme les plus rationnelles. Dans les premiers cours d’économie, on apprend qu’un marché peut être représenté par une offre et une demande et qu’il est utile de comprendre les prix que l’on observe sur ledit marché comme résultant de leur égalisation. Transposée au marché du travail, cette représentation suggère que l’immigration va augmenter l’offre de travail, ce qui aura tendance à faire baisser son « prix », c’est-à-dire le salaire. Si les salaires sont rigides à la baisse, notamment du fait d’un salaire minimum, l’immigration est alors censée générer un excédent de travail, qui se matérialise par du chômage. La crainte sur les salaires concerne donc les travailleurs plutôt qualifiés dans les secteurs ouverts au recrutement étranger.

De nombreuses études empiriques se sont demandées si ce raisonnement intuitif était corroboré dans la pratique. Les plus virulents analysaient des événements exceptionnels, comme l’expulsion par Fidel Castro de 125 000 Cubains qui, entre avril et octobre 1980, quittèrent le port de Mariel pour se réfugier à Miami. (en Floride). L’économiste canadien David Card a démontré que cet afflux d’étrangers n’avait aucun impact sur les salaires et le taux de chômage dans la ville hôte.

Professeur d’économie à l’université Rutgers (New Jersey) et ancienne économiste en chef du ministère du Travail des États-Unis de 2013 à 2015, Jennifer Hunt s’est quant à elle intéressée aux 900 000 rapatriés d’Algérie arrivés en 1962. Il en ressort que cela un choc migratoire considérable n’a eu que des effets minimes sur le taux de chômage et les salaires en France.

Ces études sont célèbres parce que leur contexte historique en fait des expériences grandeur nature, ce qui est rarissime en sciences sociales. En particulier, la précipitation des départs observée lors de ces deux événements permet d’éliminer un biais statistique important auquel se heurte l’analyse habituelle des migrations : les immigrés se dirigeant prioritairement vers des destinations où le marché du travail est favorable, il est peu crédible interpréter la corrélation entre immigration et chômage de manière causale.

Principe institutionnalisé

Néanmoins, les expériences naturelles générées par les réfugiés cubains et les rapatriés algériens sont à la fois anciennes et très particulières. Elles permettent certes un travail statistique crédible, mais ne suffisent pas à convaincre. Elles ont donc été complétées par un large corpus d’études statistiques visant à évaluer l’effet de l’immigration sur le marché du travail dans de nombreux pays et époques, tout en s’attaquant de la manière la plus appropriée possible aux biais susmentionnés.

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