(Québec) La qualité de l’air demeure «préoccupante» pour la santé des résidents du secteur de la Basse-Ville de Québec à Québec, conclut un comité d’experts dans un rapport de 1 200 pages rendu public mardi. Les auteurs pointent une série de coupables, dont le chauffage au bois, les activités au port de Québec et la compagnie minière Glencore.
Le Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques (GTCA) créé par le gouvernement caquiste pour analyser la qualité de l’air dans ce secteur pollué du Québec pointe également le rôle négatif joué par les autoroutes et les transports. C’est dans ce même secteur que le gouvernement envisage de lancer sa troisième liaison, un projet controversé de tunnel autoroutier.
La question de la qualité de l’air dans le secteur Limoilou–Basse-Ville est préoccupante lorsqu’on la compare à d’autres secteurs de la ville de Québec et d’autres villes du Québec et du Canada.
Extrait du rapport du groupe de travail sur les contaminants atmosphériques
Même si la qualité de l’air s’améliore globalement au Québec, elle « s’améliore moins vite dans le secteur Limoilou–Basse-Ville qu’ailleurs ». Le GTCA pointe du doigt les particules fines, l’oxyde d’azote et le nickel.
Ce sont les particules fines, en particulier les PM2,5, qui préoccupent le plus les experts. « Les concentrations annuelles moyennes de particules fines à la station du Vieux-Limoilou sont parmi les plus élevées de la province », écrivent les auteurs.
Le chauffage au bois serait le principal coupable, avec le transport. La Ville de Québec compte 25 000 appareils de chauffage et estime que 5 000 à 8 000 d’entre eux sont non conformes. Leurs propriétaires sont tenus de les remplacer par des modèles moins polluants d’ici 2026, ce qui ravit les experts.
« La Ville de Montréal a déjà pris ce virage et des améliorations significatives ont été observées après l’implantation il y a 10 ans », écrivent-ils.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL
Même si la qualité de l’air s’améliore globalement au Québec, elle « s’améliore moins rapidement dans le secteur Limoilou–Basse-Ville qu’ailleurs », selon un groupe d’experts.
Nickel : « situation inacceptable »
En 2022, le gouvernement Legault a permis à l’industrie d’émettre plus de nickel dans l’air. Cette décision a été prise dans l’optique de développer « l’industrie de la batterie » au Québec.
La mesure a suscité de vives protestations de la part de plusieurs groupes de citoyens de l’arrondissement Limoilou et de Québec. En réponse, le ministère de l’Environnement a créé ce groupe de travail indépendant. La GTCA note que « des dépassements de la norme nickel sont encore observés, une situation inacceptable pour une partie de la population ».
La compagnie minière Glencore, qui transborde le nickel extrait de la mine Raglan au Nunavik dans le port de Québec, est impliquée. La Task Force recommande à l’entreprise de modifier son mode de transbordement « pour réduire, voire supprimer, ce risque à la source ».
« La GTCA a constaté qu’il existe encore une incertitude toxicologique entourant le risque de cancer lié au nickel », écrivent les experts.
« Un argument contre le troisième lien »
Le rapport ne manque pas de souligner l’impact des transports sur la pollution de l’air dans ce secteur entouré d’autoroutes. « Le trafic dans la zone d’étude est une source importante. Il est alimenté par le trafic urbain et les autoroutes. »
Le groupe de travail recommande donc « de mettre en place une stratégie de mobilité durable basée sur les transports collectifs et actifs pour réduire les émissions ».
Le député local Sol Zanetti n’a pas manqué d’y lire un désaveu du troisième projet de liaison, qui doit voir le jour dans ce secteur, à proximité d’ExpoCité.
«C’est un argument de plus contre le troisième lien qui, on le sait, amènerait chaque jour des dizaines de milliers, peut-être 50 000 voitures de plus au centre-ville de Québec», a déploré le député favorable à Jean-Lesage après la publication du rapport.

IMAGE DU RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LES CONTAMINANTS DE L’AIR (TAWG)
Le secteur étudié par la Task Force
Le maire de Québec a reçu le rapport. « On ne peut pas dire qu’il n’y a qu’un seul coupable. Cela aurait peut-être été plus simple […] Mais si vous lisez le rapport, vous verrez que nous sommes nombreux à avoir une responsabilité », note Bruno Marchand.
Selon lui, la Ville de Québec a déjà mis en place plusieurs mesures qui permettront d’améliorer la qualité de l’air à Limoilou, comme l’obligation de poêles à bois certifiés d’ici 2026 ou la construction de l’usine de biométhanisation.
Le ministre de l’Environnement n’était pas présent lors de la présentation du rapport mardi soir. Benoit Charrette a toutefois écrit sur Twitter qu’il allait « prendre le temps d’analyser le rapport » avant de « rencontrer rapidement tous les acteurs concernés ». « S’il y a des actions à prendre, nous travaillerons ensemble pour assurer une meilleure qualité de l’air dans la région », a-t-il écrit.
Le Groupe de travail a présenté son rapport mardi soir dans un hôtel de la Haute-Ville. « Je regrette que cette présentation n’ait pas eu lieu dans la Basse-Ville, avec les gens concernés », a déclaré un citoyen lors de la période de questions.
Un autre citoyen s’est dit attristé par le « peu de temps pour se préparer ». Le rapport de 1 213 pages a été publié vers 15 heures mardi et le briefing du soir était à 19 heures.
Le président du groupe de travail répond qu’il n’a choisi ni le lieu de la soirée d’information ni « la stratégie de diffusion du rapport ». Le citoyen demande s’il s’agit du ministère de l’Environnement. « Ce n’est pas nous, en tout cas », a répondu le chimiste Jean-Pierre Charland.
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