L’industrie sous pression pour préserver sa réputation

Recruter et héberger 120 000 saisonniers pour vendanger à la main 34 000 hectares de vignes : la campagne 2024 est un défi pour la filière champenoise, mobilisée pour protéger sa réputation, écornée en 2023 par la fermeture d’hébergements indignes et la mort de quatre vendangeurs.

“Bonjour, nous venons vous informer sur vos droits” : à Igny-Comblizy, petit village de la Marne, la CGT distribue des tracts près des vignes aux saisonniers venus d’Europe de l’Est.

Depuis le début des vendanges le 7 septembre, le syndicat sillonne les communes de l’appellation à bord de son camion rouge.

Son tract, disponible en huit langues (polonais, bulgare, russe, ukrainien, espagnol, italien, roumain, français) rappelle le salaire horaire minimum, le nombre maximum d’heures de travail, les pauses obligatoires, etc.

Sur cette même parcelle de Pinot Noir, les salariés de la maison de Champagne Veuve Clicquot contrôlent leur prestataire chargé d’organiser les vendanges.

En 2023, la préfecture de la Marne a fermé trois hébergements collectifs pour vendangeurs jugés « insalubres » et « indignes ». « Des acteurs véreux qui menaçaient l’image de la Champagne », condamne le coprésident du Comité Champagne, David Chatillon.

A la suite de ces classements sans suite, deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Châlons-en-Champagne pour « traite d’êtres humains ». Une société prestataire de services et son gérant comparaîtront devant la justice le 26 mars 2025, la deuxième enquête étant toujours en cours.

La même année, quatre travailleurs saisonniers décèdent dans un contexte de chaleur extrême.

– « Des normes trop dures » –

“Nous avons appelé à une mobilisation générale de toute la filière”, assure le président du syndicat des vignerons, Maxime Toubart.

L’hébergement est l’un des enjeux centraux, explique José Blanco, secrétaire général de l’intersyndicale CGT de Champagne. Il souligne des “améliorations” mais relève toujours des “campements dans les bois”.

Selon lui, la nouvelle génération de vignerons a « failli à sa mission » : « beaucoup se sont désengagés du logement, pointant parfois des normes trop strictes », et « font appel à un prestataire pour une récolte clé en main ».

Pour Maxime Toubart, les conditions d’hébergement fixées par les services de l’Etat – imposant par exemple une surface minimale de 4,5 m2 par récoltant dans les chambres – sont en réalité trop strictes et découragent les vignerons.

L’encadrement des prestations de services est l’un des axes majeurs du plan d’action adopté en réponse aux « excès » de 2023, comme l’hébergement, le recrutement ou la sécurité des travailleurs.

Les maisons de champagne « doivent garder un œil sur leurs prestataires, mais beaucoup font l’autruche », déplore José Blanco, insistant sur la nécessité de condamner conjointement les clients et les prestataires en cas de manquements.

Après “l’électrochoc”, chacun “reprend le contrôle de son activité”, constate Maxime Mainguet, vice-président de la fédération des prestataires de services de Champagne, récemment créée. Au moment de signer des contrats, les vignerons sont plus prudents, constate-t-il.

– “difficultés de recrutement” –

Pour attirer les récoltants, la maison de Champagne Moët & Chandon accueille dans ses propres locaux 1 900 saisonniers, sur les 3 500 requis.

A Pierry, une centaine de vendangeurs vivent dans l’une de ses résidences, équipées de dortoirs, de toilettes, d’une buanderie et d’un réfectoire. Les travailleurs peuvent profiter de séances de kinésithérapie et d’activités comme des cours de stretching.

“Il faut que les gens aient envie de venir et de revenir pour vendanger”, insiste Frédéric Gallois, directeur du vignoble et de l’approvisionnement chez Moët & Chandon. Les salariés gagnent entre 1 200 et 2 000 euros bruts pour une récolte moyenne de 10 jours.

Alors que la CGT déplore le recours massif à la main d’oeuvre étrangère, qui contribue à “la baisse des salaires”, M. Toubart assure qu'”il n’y a pas de traitement salarial différencié” et soulève “les difficultés de recrutement”.

“L’appellation Champagne n’a aucun intérêt à mal accueillir et à mal payer, il en va aussi de son image, nous ne voulons pas jouer avec ça”, insiste-t-il.

Pour la récolte 2024, 22 inspecteurs du travail et 84 gendarmes sont mobilisés quotidiennement sur le terrain, indique la préfecture de la Marne.

zl/bj/def

Anna

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