L’Ukraine est devenue un laboratoire de ces nouvelles armes « intelligentes » qui inquiètent l’ONU

L’intelligence artificielle commence à proliférer dans le secteur de la défense. Aucune armée ne peut plus se permettre de s’en passer. Si l’Ukraine est un champ de bataille expérimental pour les drones dopés à l’IA, l’ONU tente de réglementer leur utilisation.

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Où en est aujourd’hui le développement des armes autonomes ? Faut-il s’inquiéter de la prolifération de l’intelligence artificielle ? Deepfakes, désinformation, ingérence électorale, fraude aux examens, les risques sont bien réels. Mais s’il est un domaine où l’IA suscite la peur, c’est bien celui des armes. Presque toutes les grandes armées utilisent déjà ou investissent au moins dans l’intelligence artificielle et la guerre en Ukraine est devenue un laboratoire à ciel ouvert pour l’IA, non sans inquiéter l’ONU.

En Ukraine, des drones dopés à l’IA

Le gouvernement ukrainien lui-même déclare : « Nous sommes ici aujourd’hui une sorte de terrain d’entraînement à l’usage de l’intelligence artificielle », c’est ce qu’affirme le ministre de la Transformation numérique Mykhaïlo Fedorov. L’Ukraine, en guerre depuis l’invasion russe, utilise extrêmement activement l’IA dans ses opérations, généralement via des drones « dopés » à l’intelligence artificielle.

Cela permet de mieux surveiller l’ennemi. Les Ukrainiens comparent les données collectées avec des algorithmes très modernes, pour mieux exploiter les informations sur les positions russes. Grâce à l’IA, ces drones pourront également identifier des cibles malgré le camouflage, et même proposer une image artificielle, pour recréer ce qui était invisible.

Cette IA sert aussi à agir, éventuellement, avec un processus qui guide seul le drone vers sa cible, qui peut aussi prédire la trajectoire de l’élément ciblé, et éventuellement gérer seul la frappe finale.

Compenser le manque de missiles ?

Les troupes ukrainiennes ne sont pas encore entièrement équipées, et pas partout. Mais ces améliorations se produisent progressivement. Le ministre Mykhaïlo Federov assure qu’une vingtaine d’entreprises ukrainiennes travaillent au développement d’une IA spécifiquement pour ces drones. Des drones britanniques sont également déjà arrivés dans certaines unités, mais cela nécessite du temps de formation des soldats eux-mêmes.

Si plusieurs experts de la question estiment que ces nouveaux outils ne suffisent pas à compenser le manque de missiles, cela pourrait avoir un réel impact et apporter une « nouvelle dynamique » sur le champ de bataille. Le chef du comité militaire de l’OTAN affirme même que “L’utilisation par l’Ukraine de drones combinés à l’intelligence artificielle pourrait être plus efficace que les tirs d’artillerie russe.” Evidemment, la Russie, qui augmente sa production de drones, reste très secrète sur la manière d’insérer également cette intelligence artificielle. En Ukraine, en tout cas, les autorités communiquent et parlent d’un déploiement massif de ces drones connectés à l’IA, dans les semaines à venir.

L’ONU s’inquiète des armes autonomes

À l’automne 2023, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a publié un appel – en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge – pour demander une chose aux États : interdire ou en tout cas restreindre l’utilisation d’armes et de véhicules autonomes dirigés par l’IA. Le fait qu’une machine puisse décider seule, grâce à son algorithme, d’attaquer des êtres humains est une ligne rouge morale à ne pas franchir, a déclaré le patron de l’ONU. Cela nécessiterait, par exemple, un traité d’interdiction. Comme pour les mines antipersonnel. Le plus tôt sera le mieux car Antonio Guterres souhaiterait que le texte soit prêt en 2026.

En décembre 2023, l’Assemblée générale des Nations Unies a fait un pas dans cette direction. Une résolution reconnaissant les risques que les systèmes d’armes autonomes représentent pour la sécurité mondiale a été largement adoptée. On a pu compter 152 « oui », dont celui des États-Unis, qui traînaient les pieds jusque-là. Parmi les 4 « non », il y avait ceux de l’Inde et de la Russie et parmi les abstentionnistes se trouvaient la Chine et Israël, pour ne citer qu’eux.

Le cas d’Israël

Israël utilise déjà largement l’intelligence artificielle dans la guerre à Gaza. C’est tout sauf de la science-fiction. L’armée israélienne revendique elle-même l’utilisation d’une IA qui permet de produire rapidement un grand nombre de cibles pour l’armée. Nom de code : Habsora, « évangile » en hébreu. Mais il y en a bien d’autres. Avec Lavender par exemple, le système permet de savoir si un Palestinien a de fortes chances d’appartenir au Hamas, ou au jihad islamique, en analysant son comportement sur les réseaux sociaux, ses contacts, ses changements d’adresse. La marge d’erreur est de 10 %, selon les médias israéliens qui en ont révélé l’existence. Quand on connaît le bilan humain de la guerre, cela soulève évidemment de nombreuses questions.

Mais soyons clairs : les armes 100 % autonomes, comme les drones, qui décident d’éliminer une cible sans jamais l’intervention humaine, n’existent pas. Du moins, pas officiellement. Techniquement, c’est tout à fait réalisable. La technologie est là. Mais aucun pays n’a intérêt à prétendre qu’il a été le premier à rompre le statu quo.

Charlotte

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